Journée mondiale de la contraception : se faire stériliser quand on ne veut pas d'enfants, le parcours du combattant

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Rencontrer quelqu'un, se marier, avoir des enfants. Ce schéma est bien connu du grand public, il existe depuis toujours ou presque, et est toujours aussi encouragé. Mais que faire lorsque l'on est certain·e de ne pas vouloir d'enfants ? Parce que la contraception implique une lourde charge mentale – et parfois physique – et qu'elle peut avoir des ratés, des hommes et des femmes ont décidé de se faire stériliser. Mais, sans surprise, ce parcours est difficile... En particulier pour ces dernières, qui subissent de plein fouet le sexisme et les injonctions à la famille. À l’occasion de la journée mondiale de la contraception, nous avons donné la parole à celles et ceux qui ont opté pour la stérilisation.

"Tu ne veux pas d'enfants ? Un jour, ça viendra." Cette phrase, combien de personnes l'ont-elles entendue en évoquant leur absence de désir de devenir parent ? En 2020, et alors que la surpopulation mondiale a un impact drastique sur l'écologie, celles et ceux qui ne veulent pas avoir d'enfants sont encore pointés du doigt, critiqués, sermonnés à coup de "Tu peux encore changer d'avis", et de "Pense à toutes les personnes qui rêvent d'avoir un enfant, et qui ne peuvent pas."

Si le désir d'enfant n'est jamais remis en question, tant il semble "logique" dans l'esprit du grand public, les personnes qui n'en souhaitent pas voient leur décision remise en cause en permanence, aussi bien par leurs proches que par des inconnus, ou encore par le corps médical. Ce qui rend particulièrement difficile le parcours de stérilisation. Et, sans surprise, ce sont souvent les femmes qui galèrent le plus, au nom du sacro-saint "instinct maternel" dont elles devraient faire preuve.

"On m'a dit que j'étais trop jeune, que c'était criminel"

En 2018, une internaute qui répond au pseudo de Feunarcanin a écrit un long thread sur Twitter, dans lequel elle raconte sans tabou ni censure son processus pour se faire ligaturer les trompes. Son objectif était aussi bien de garder une trace de son expérience que de permettre aux internautes intéressé·es par la procédure d'avoir un maximum d'informations, provenant directement d'une personne ayant vécu ce processus compliqué. Contactée par nos soins, la jeune femme raconte les origines de sa volonté de se faire stériliser, entre absence de désir d'enfant et volonté d'alléger sa charge mentale liée à la contraception : "J'avais beaucoup d'angoisses liées à la possibilité d'être enceinte, de faire un déni de grossesse. Et je suis 100% sûre de ne pas vouloir d'enfants, je l'ai toujours su. C'est aussi un mode de contraception qui n'a pas besoin d'être toujours dans un coin de ta tête, une fois que c'est fait c'est fait, c'est sans hormones ni effets secondaires, et c'est remboursé par la sécu", raconte-t-elle.

En dépit de son jeune âge – 22 ans, à l'époque de la procédure – Feunarcanin a toujours été sûre d'elle et de sa volonté. Et si son entourage n'a pas spécialement tenté de la convaincre d'y renoncer, en dépit de quelques commentaires de son ex et de son beau-père concernant des "solutions moins radicales", c'est surtout face au personnel médical que la jeune femme a dû se battre pour que son choix soit respecté. "J'ai vu un premier médecin qui m'a refusé la procédure, car j'étais trop jeune, selon lui. Il m'a dit de trouver une autre contraception, que de toute façon, personne n'accepterait, que j'étais trop jeune pour être sûre de ne pas vouloir d'enfants, que ça serait criminel, qu'il fallait revenir dans 10 ans..." Heureusement, il a malgré tout accepté de lui rédiger une lettre attestant de sa démarche, qui lui permettrait d'entamer son délai de réflexion obligatoire de 4 mois, tout en cherchant en parallèle un médecin qui accepterait l'opération.

Selon la jeune femme, pour une procédure de stérilisation, mieux vaut éviter les gynécologues-obstétriciens : "Ces derniers ne sont pas les plus progressistes", regrette-t-elle. "Faire des enfants est le centre de leur métier, donc une femme qui n'en veut pas... Celui qui m'a opérée est un chirurgien gynécologue, qui fait partie de ceux qui s'occupent des cancers, prolapsus... Je pense que c'est en partie pour ça qu'il était plus ouvert. Son métier, c'est souvent de réparer des problèmes créés par des grossesses notamment les prolapsus, et de faire en sorte entre autres que les femmes en question puissent notamment garder une vie sexuelle avec pénétration en n'ayant pas le vagin fermé par le prolapsus. Donc je pense qu'il est plus sensible aussi aux envies de jeunes femmes de vivre leur sexualité dans l'épanouissement."

Un praticien bienveillant, c'est essentiel

Feunarcanin a eu plus de chance avec ce nouveau médecin, qui a été nettement plus à l'écoute de ses envies et de ses besoins. "Il s'est montré très gentil, ouvert et compréhensif. Il m'a posé des questions sur mes motivations pour la ligature des trompes, s'est assuré que je savais que c'était irréversible, que j'étais certaine de mon choix." Le rendez-vous s'est conclu par le choix d'une date pour sa procédure. "Je suis sortie du rendez-vous sur un petit nuage", raconte la jeune femme, ravie d'être bientôt libérée du stress d'une potentielle grossesse non-désirée.

Étape suivante ? Un rendez-vous avec l'anesthésiste, en amont de la procédure. Encore une fois, Feunarcanin raconte avoir eu la chance de tomber sur une personne bienveillante : "Il m'a demandé pourquoi être ligaturée si jeune, avant de s'auto-répondre en disant que sa question était déplacée, que cela ne le regardait pas. Il a répondu à toutes mes questions, aussi bien sur la nécessité de l'intubation que de celle sur l'anesthésie générale. J'en suis ressortie rassurée." La veille de l'opération, une infirmière a également pris contact avec elle, afin de lui rappeler les consignes : "À jeun à partir de minuit, ne pas fumer, se laver le soir et le matin à la bétadine, se tondre le pubis, prévoir quelqu'un pour me ramener en voiture, et qui resterait avec moi pendant les 24h suivant l'opération", énumère-t-elle.

Au final, à l'issue de la procédure, la jeune femme l'affirme : "Je ne regrette rien, et je suis super contente de l'avoir fait. Je suis vraiment soulagée." Et ce, même si elle doit continuer à prendre la pilule, à cause de son endométriose, détectée lors de l'opération.

Et pour la vasectomie, ça donne quoi ?

Ju, 32 ans et a-genre, a achevé sa vasectomie il y a quelques semaines à peine. Iel a opté pour la stérilisation suite à une prise de conscience : "Déjà, je n'ai jamais eu aucun désir d'enfant. Puis, par le passé, j'ai souvent eu des copines qui ne pouvaient pas prendre la pilule ou avoir un stérilet, donc je me suis dit qu'il était plus simple que ce soit moi qui gère cela." Et contrairement à Feunarcanin, iel n'a pas vraiment eu affaire à des critiques face à sa décision : "Mes proches ne sont pas vraiment au courant, j'en avais brièvement parlé à ma mère y'a longtemps qui n'avait pas essayé de me dissuader, même si elle comprenait pas trop. Pour mes amis, globalement, je n'ai pas eu de remarques. Le personnel médical n'a rien dit, mon urologue m'a posé les questions usuelles, mais je n'ai eu aucun jugement."

Le processus pour une vasectomie est relativement simple : "Il y a un premier rendez-vous avec l'urologue, où on explique notre choix", raconte Ju. "Ce dernier nous pose des questions sur notre statut : en couple ou célibataire, déjà parent ou non... Et si l'on souhaite faire une conservation de sperme. Puis, il délivre des informations techniques sur la procédure. Par la suite, il y a un délai de réflexion de quatre mois, obligatoire. Puis, lors du second rendez-vous, on signe le consentement définitif. Ne reste alors plus que l'étape de la chirurgie. Personnellement, j'ai choisi la vasectomie sans bistouri [une technique pour sortir le canal déférent hors du scrotum par une minuscule incision, qui ne nécessite pas de point de suture, ce qui réduit les risques de complication, ndlr.] : une anesthésie locale, et 2h après, tu rentres chez toi."

Un processus nettement plus simple et plus accessible pour les personnes dotées d'un pénis que pour celles dotées d'un utérus. Ju en a d'ailleurs bien conscience : "Une vasectomie est plus accessible qu'une ligature des trompes, à cause du patriarcat, évidemment, mais aussi parce que le procédé est plus simple."

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