Est-il impossible d'être belle, intelligente et féministe ?

Peut-on vraiment être féministe lorsque l'on représente tout ce que notre société patriarcale voudrait que l'on soit ? Le débat fait rage, encore aujourd'hui. A l'heure où les féministes sont trop souvent vues comme des extrémistes, certaines personnes jugent que les femmes correspondant aux diktats de la société n'ont pas leur place dans les luttes de genre. Un bon moyen de diviser pour mieux régner.

Depuis quelques heures, un vieux portrait d'Emily Ratajkowski fait polémique sur les réseaux sociaux. Dans cette pièce, publiée par un magazine féminin il y a quelques années, un couple de journalistes remet en question le féminisme assumé par la mannequin à grands coups de clichés sexistes, s'étonnant qu'elle soit belle ET intelligente, et allant jusqu'à affirmer qu'elle ne peut pas réellement être féministe, puisqu'elle est trop sexy, et qu'elle correspond au modèle normé de la femme idéale de la société actuelle : belle et mince.

Le mythe de la féministe "frustrée" et "mal baisée"

Pourtant, il faut bien prendre une chose en compte avant tout : les féministes existent sous toutes les formes, toutes les couleurs de peau, tous les types de silhouette. Elles sont cis ou trans, grandes ou petites, minces ou grosses, valides ou handicapées, dénudées ou voilées, avocates, boulangères ou travailleuses du sexe. C'est d'ailleurs là la base du féminisme : l'inclusivité et le respect de toutes les femmes, quels que soient leurs parcours. D'ailleurs, si l'on devait exclure les femmes normées de ces luttes, cela signifierait perdre un certain nombre d'alliées précieuses, et ce serait contraire au mouvement en lui-même.

Mais alors, d'où vient cette pensée que les femmes normées, celles qui correspondent aux standards de la beauté imposés par le patriarcat, ne pourraient pas être féministes ? Eh bien, cette image sort encore une fois de l'imaginaire masculin-masculiniste, malheureusement. Pourquoi ? Parce que pour les anti-féministes, les militantes sont toutes "frustrées" et "mal baisées", parce qu'elles sont "moches" à leurs yeux.

Il suffit de le voir sur les réseaux sociaux : lorsqu'une féministe est prise à partie, ce ne sont pas ses arguments qui sont discutés par la plupart de ses détracteurs, mais son physique. Une femme qui a les cheveux courts, les cheveux colorés, en surpoids ou dotée de particularités physiques qui sortent des standards de la beauté sera automatiquement pointée du doigt. Alors forcément, par opposition, les femmes qui sont jugées comme belles – selon les diktats et les normes actuelles – se retrouvent dans une position où les hommes, encore eux, estiment qu'elles ne peuvent pas être féministes, puisqu'elles n'ont pas cette revanche à prendre sur la vie.

L'art d'être consciente de ses privilèges

Cette notion de beauté n'a, en théorie, rien à voir avec le féminisme. Une femme peut être féministe quelle que soit son apparence. Toutefois, chacune d'entre nous doit prendre conscience de ses propres privilèges. Si toutes les femmes luttent contre les oppressions sexistes, toutes ne sont pas victimes des mêmes oppressions, et ne sont donc pas à même de les comprendre. C'est notamment le cas pour tout ce qui concerne les oppressions systémiques : dans notre société, les femmes blanches, minces et valides sont forcément plus privilégiées que les femmes de couleur, en surpoids ou handicapées. D'où l'importance de savoir quand se mettre en retrait pour laisser la parole aux concernées.

C'est d'ailleurs là que toute la diversité du féminisme est essentielle : dans un mouvement où toutes les femmes sont représentées, il y aura toujours le moyen de faire passer des messages nécessaires, en s'appuyant sur sa propre expérience et sur le soutien de nos soeurs là pour nous aider à faire porter notre voix.

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