L'Amour au temps du confinement : "Je ghoste beaucoup. Beaucoup plus même qu’avant le confinement.”

Le confinement, en resserrant la sphère personnelle autour du domicile, exacerbe les sentiments. De petits agacements en grandes crises conjugales, de coups de coeur qui se confirmeront ou pas avec la rencontre à une phase, décidée ou subie, d’abstinence, les recommandations gouvernementales pour endiguer la propagation du covid-19 bousculent nos habitudes sexuelles et sentimentales. Pour certains, le confinement est le temps du ghosting, qu’ils le subissent ou qu’ils le pratiquent.

L'amour au temps du confinement
L'amour au temps du confinement

Le ghosting est le fait d’entamer une discussion virtuelle avec une personne, qu’une rencontre ait eu lieu ou non, et de stopper net les messages sans plus jamais donner de nouvelles. Cette pratique s’est banalisée depuis l’avénement des applications de rencontres.

Oriane a commencé une relation deux semaines avant le confinement mais a vu récemment son intérêt retomber : “On s’écrivait tous les jours et puis j’ai commencé à moins répondre. Enfin je n’ai plus du tout donné suite, particulièrement à tous ses messages plus tendres ou “chauds”. Ça doit faire 2 semaines que j’ai pas eu de nouvelles.”

Elle explique son choix par le fait que le confinement est venu mettre un “coup d’accélérateur virtuel” à une relation qui n’en était qu’à ses prémices : “Je n’ai pas eu envie de ça, alors que je suis pourtant confinée seule”.

La culpabilité, malgré tout

Rachel a vécu plus ou moins la même situation. Dans les premiers jours du confinement, elle fait une rencontre sur l’application Happn : “On a beaucoup discuté, on s'est appelé, on s'est même fait un Skype un matin. Et puis au bout de trois semaines, il m'a un peu ennuyée. Je sais pas si c'est le fait de pas pouvoir se rencontrer en vrai, de pas faire de sorties ensemble qui a joué ou bien s'il m'aurait fatiguée de toute façon…” Elle raconte son malaise face à ce choix qui n’est pas dans ses habitudes : “C'était la première fois que je conversais avec un mec d'un site aussi longtemps, mais quasiment du jour au lendemain je n’avais plus envie de lui parler ni de faire "plus amplement sa connaissance". Bref, au début je lui répondais encore un peu et puis j'ai laissé son dernier message en "vu". Je me sens un peu mal de pas lui avoir dit ce que je pensais mais je savais pas comment m'en sortir. Pourtant, ce n'est pas compliqué sur le papier.”

Je papillonne, je checke les comptes, je discute un peu, parfois je partage des conversations très chaudes avec des inconnues… et puis j’arrête d’échanger. Je n’ai vraiment aucune intention de construire pendant cette période ou d’ajouter le stress d’une rencontre IRL au moment du déconfinement.

Marc, pour sa part, assume. Il n’est pas à un stade dans sa vie où il veut s’engager : “Je pars du principe que tout le monde est un peu dans l’attente du “monde d’après” et donc je juge que rien de ce que je fais et de ce que font les autres en ligne n’a vraiment d’importance. Je papillonne, je checke les comptes, je discute un peu, parfois je partage des conversations très chaudes avec des inconnues… et puis j’arrête d’échanger. Je n’ai vraiment aucune intention de construire pendant cette période ou d’ajouter le stress d’une rencontre IRL au moment du déconfinement. Donc oui, je ghoste beaucoup. Beaucoup plus même qu’avant le confinement.”

Au début, elles sont entreprenantes

Flo, lui, est une victime du ghosting : “Célibataire depuis quelques mois, je me suis décidé à réinstaller Tinder et OkCupid. Après quelques likes, je tombe d'abord sur une femme habitant à une certaine distance, mais on discute, on sympathise, et ça se passe très bien. Elle me propose rapidement de passer sur WhatsApp, on parle toujours plus, et arrivé au confinement, plus rien. Jusqu'à ce message, fin mars : "Désolée, je ne suis pas très douée pour les relations virtuelles, et avec ce confinement, je ne suis pas à l'aise.” Le match est toujours là, mais aucun message. J'en ai envoyé deux trois, histoire de prendre des nouvelles mais rien de rien.” Il subit un second ghosting, encore une fois après un match pré-confinement : “Ça se passe très bien, elle me propose, elle, de passer par Snapchat. On discute, ok, mais je remarque une chose : si je n'envoie rien, je n'ai pas de nouvelles. Elle parle peu, m'envoie limite bouler, alors que tout allait bien avant le confinement. Je viens de voir à l'instant, elle m'a supprimé de Snapchat, mais pas de Tinder. Mes derniers messages n'ont pas eu de réponses, et je ne vais probablement pas insister.”

Désolée, je ne suis pas très douée pour les relations virtuelles, et avec ce confinement, je ne suis pas à l'aise.

Flo se retrouve au beau milieu d’un changement de pratiques et d’envies via les applications de rencontres. Il a matché une fois encore sur Tinder : “On passe 3 jours à discuter à fond, et depuis ces 3 jours, la semaine dernière, plus rien. Le dernier message de sa part me souhaitait bonne nuit, et me disait de me préparer à faire un appel Messenger avec elle… Et pouf disparue. J'ai pour principe de ne pas insister, j'envoie donc un ou deux messages pour prendre des nouvelles, des fois qu'il y aurait un souci, mais rien…” Il se déclare surpris… et est visiblement déçu : “Dans les trois cas, les femmes étaient entreprenantes au départ. Et puis soudainement, plus rien. Je n'ai pas écrit quoi que ce soit de blessant il me semble, surtout qu'il s'agissait de conversations assez sympatiques, sans sous-entendu. J'ai l'impression d'avoir servi de passe temps finalement, et c'est assez désagréable.”

On a discuté par message pendant 2 heures où il était question qu’il vienne me rejoindre à Lyon. Mais j’avais cette discussion pour me distraire en fait. Du coup, je l’ai bloqué sans donner d’explication.

“Je l’ai bloqué sans explication”

Pour Sarah, le ghosting s’est imposé de lui-même : “J’ai rencontré un homme un soir dans un restaurant, il y a un peu plus d’un an, à Paris. J’étais en plein déménagement et avais le blues ce soir là. Il était à la table à côté de moi, j’étais seule. On est sorti fumer ensemble et là il m’a proposé en anglais (il est du Nigéria) de fuck together. Et ça m’a plu ! Du coup, je l’ai ramené chez moi et j’avoue, ça a été une de mes plus belles nuits. On s’est revu deux autres fois, sympa mais moins intenses. Et puis je suis partie. On est resté après en contact sur WhatsApp. Au début, souvent, puis ça s’est estompé au fil des mois. Il me demandait souvent quand j’allais venir à Paris et je restais toujours évasive.” Le temps passe. De son côté, il trouve une compagne puis se sépare. Très récemment, il recontacte Sarah : “On a discuté par message pendant 2 heures où il était question qu’il vienne me rejoindre à Lyon. Mais j’avais cette discussion pour me distraire en fait. Du coup, je l’ai bloqué sans donner d’explication.”

Tous vivent cette période d’incertitude comme ils le peuvent. Pour certains, il sera question de garder le pouvoir sur les relations, pour d’autres d’écouter leur coeur. Pour d’autres encore, le confinement aura vu naître des espoirs de rapprochements humains, souvent tués dans l’oeuf. Dans tous les cas, il est question de vivre et de se sentir vivants… malgré l’épreuve.

À lire aussi :

>> "Après le confinement, ce sera l'orgie" : 39% des Français renoncent au plaisir sexuel pendant le confinement

>> "Je suis donc chez moi avec mes enfants, leur papa... Et loin de mes deux partenaires" : les polyamoureux à l'ère du confinement

>> L'amour au temps du confinement - Ils se retrouvent malgré tout : "Il ne faut pas se mentir on ne peut pas attendre un mois sans sexe. L’hygiène mentale est importante"