Marie Trintignant : le souvenir d’une femme passionnée et engagée
Ce vendredi 21 janvier 2022, Marie Trintignant aurait célébré son 60ème anniversaire. Décédée en 2003 sous les coups de Bertrand Cantat, l’actrice, fille de Nadine et Jean-Louis Trintignant, avait marqué sa génération. Dix-neuf ans après sa terrible disparition, personne n’a oublié sa personnalité solaire et sa brillante carrière.
Un destin brisé. Le 1er août 2003, Marie Trintignant succombe aux coups portés quelques jours plus tôt par son compagnon d’alors, Bertrand Cantat, qui l’accompagnait en Lituanie pour les besoins du tournage du téléfilm "Colette, une femme libre". Si les détails de cette nuit de juillet 2003 dans un hôtel de Vilnius ont fait pendant longtemps la une de la presse, aujourd’hui, ceux qui ont tant aimé Marie Trintignant veulent plus que tout célébrer son souvenir. Dans un documentaire diffusé sur Arte et baptisé "Marie Trintignant, tes rêves brisés", sa mère, la réalisatrice Nadine Trintignant, s’y emploie avec force et dignité. L'occasion encore de revenir sur le brillant parcours de Marie Trintignant.
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Une actrice engagée
Dès son plus jeune âge, la fille de Nadine et Jean-Louis Trintignant côtoie le même univers que ses célèbres parents. À ses 4 ans, elle apparait pour la première fois à l’écran dans un téléfilm réalisé par sa mère. Adolescente, elle nourrit l’ambition d’un jour devenir vétérinaire. Mais c’est presque sans surprises qu’elle finit par se lancer, elle aussi, dans une carrière de comédienne. À 16 ans, elle donne la réplique à Patrick Dewaere dans le film d’Alain Corneau, "Série noire". Le début d’une carrière florissante. Au total, Marie Trintignant a joué dans 60 films, et incarné autant de rôles pluriels et complexes.
Sur son chemin, elle a évidemment côtoyé d’autres talents de sa génération. À l’instar du regretté Guillaume Depardieu, avec qui elle avait partagé l’affiche du film de Pierre Salvadori, "Comme elle respire", en 1998. Lui-même, à cette époque, semblait charmé par le talent et la personnalité de Marie Trintignant : "J’aime bien tourner avec Marie. D’abord elle n’est pas chiante comme toutes les autres comédiennes, et en plus elle est jolie, elle joue bien, elle sent bon. On a très envie de la serrer dans ses bras, tout le temps !" Passionnée de cinéma comme ses parents, l’actrice l’était tout autant de poésie et d’écriture. Comme aimait le dire Lambert Wilson, l’un de ses plus tendres amis : "Marie, elle note des choses, des phrases… Elle aime énormément l’écriture." Lui aussi faisait partie du casting du téléfilm tourné en Lituanie, "Colette, une femme libre". Il avait été l’un des premiers à se rendre à son chevet à l’hôpital de Vilnius. "J’ai passé une nuit à chanter à l’hôpital, elle était dans le coma. J’ai dû chanter plusieurs heures" se souvenait-il, ému, dans l’émission "Le Divan" en 2016.
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Marie Trintignant était aussi engagée, comme sa mère avant elle. En 1971, Nadine Trintignant faisait partie des signataires du manifeste des 343, du nombre des femmes révélant avoir avorté alors que la pratique était encore illégale. En 2000, Marie Trintignant n’avait pas hésité à camper le premier rôle dans le téléfilm de sa mère, "Victoire ou la douleur des femmes", qui retraçait alors le combat des femmes pour leur droit à disposer d’elles-mêmes. "On a une image très caricaturale des féministes, un peu excessives et hystériques. Ma génération n’est pas très au courant de tout ce qu’elles ont fait, les générations d’après c’est encore pire. Je pense qu’on ne peut pas combattre quelque chose sans savoir son passé" confiait-elle au sujet de ce "rôle magnifique" qu’elle avait eu la chance de jouer.
Marie Trintignant, chérie par ses parents
En 2001, la comédienne donnait cette fois la réplique à son père, l’immense Jean-Louis Trintignant, dans une pièce sur l’amour paternel, mise en scène par Samuel Benchetrit, "Comédie sur un quai de gare". Le père était alors subjugué par le talent de sa fille : "Elle me surprend beaucoup par son sérieux, et puis, comme comédienne, elle est vraiment très étonnante" déclarait-il fièrement sur France 3. À la mort de sa fille, Jean-Louis Trintignant s’est d’abord mué dans un silence de plomb. En 2018, il réapparaissait sur France 5, amoindri, écrasé par la douleur et le manque de son enfant : "Il y a beaucoup de choses qui me font penser à Marie, j'avais des rapports fusionnels avec Marie. Depuis quinze ans je suis complètement abattu. Je suis mort il y a quinze ans, avec elle. Rien ne m'a aidé, je vais très mal."
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Le clan Trintignant était soudé, et l’est resté même après les épreuves. Si Vincent, le frère de Marie, s’est toujours montré très discret, Nadine Trintignant, elle, n’a eu de cesse de monter au front pour chérir la mémoire de sa fille. "C’était un vrai rêve. Elle était adorable tout le temps, et elle nous idéalisait aussi un peu" déclarait la réalisatrice dans "C à vous". En 2018, alors que Bertrand Cantat prévoyait de remonter sur scène, Nadine Trintignant avait crié sa colère sur les plateaux télé : "C’est monstrueux. Citez-moi un seul assassin qu’on a applaudi après ? Je ne veux pas le voir lui. À Vilnius pendant tout le procès, je ne l’ai pas regardé du tout."
Histoires d’amour
Marie Trintignant était aussi mère de quatre enfants : Roman, né en 1986 de ses amours avec le batteur du groupe Téléphone Richard Kolinka, Paul né en 1993 de sa relation avec François Cluzet, Léon né en 1996 de son histoire avec Mathias Othnin-Girard et Jules, le petit dernier né en 1998 de sa relation avec Samuel Benchetrit. En 2016, Samuel Benchetrit livrait pour la première fois ses souvenirs avec Marie Trintignant dans un livre, "La nuit avec ma femme". "Je voulais passer un moment avec elle. On avait une relation plutôt artistique, et elle me manquait dans mon travail" confiait-il dans "C à vous". Et d’évoquer la façon dont il a géré le deuil de leur fils, Jules, qui n’avait que 5 ans au moment du décès de Marie Trintignant : "J’avais la responsabilité de m’apaiser, parce que j’avais un petit garçon. Pour tenter d’atténuer la douleur, je l’ai comparé à un super-héros." Bien des années après le drame, en 2019, Jules Benchetrit qui a lui aussi choisi une carrière de comédien, se souvenait : "C’est mon père qui m’a appris à me tenir bien et à m’habiller pour faire bonne impression. L’éducation, c’est essentiel pour lui. Mon père m’a élevé seul, il était très jeune, c’était un peu le bordel. Il s’en est très bien sorti, mais les gens ne savent pas ce qu’ont pu être nos galères."
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Paul, le fils né des amours de Marie Trintignant et François Cluzet, s’est quant à lui dirigé vers une autre passion de sa mère : l’écriture. "Il veut être écrivain" confiait son père dans "Thé ou Café". Lui aussi a dû gérer les conséquences dévastatrices de la mort de Marie Trintignant avec leur fils : "C’était à lui de se construire. C’était une histoire entre lui et sa maman. C’est une histoire terrible. Je n’ai pu qu’essayer de le protéger, peut-être même trop, parce que j’ai eu trop peur de la violence de sa réaction. Il était tout petit quand sa mère a été tuée, il avait 10 ans." Il a fallu alors trouver un équilibre subtil et fragile : "J’ai essayé de le couver, de lui donner le plus d’amour possible pour qu’il ne se retrouve pas abandonné, puisqu’il avait vécu avec ses frères et Marie toute son enfance, et qu’il débarquait chez moi à ce moment-là. J’ai essayé aussi d’être exigeant par rapport à l’école, parce que je ne voulais pas que ça s’enchaine avec un échec scolaire qui aurait pu le déstabiliser. C’est quelqu’un qui a une très forte personnalité Paul."
L’aîné des 4 fils de Marie Trintignant, Roman Kolinka, a d’abord lui aussi épousé une carrière d’acteur, avant de préférer la discrétion d’une vie loin de la grisaille parisienne. Aujourd’hui marié et père d’un petit garçon, il est propriétaire d’un restaurant, et partage encore une relation privilégiée avec son grand-père, Jean-Louis Trintignant. Quant à Léon, le fils de Marie Trintignant et Mathias Othnin-Girard, il se fait encore plus discret.
Une chose est certaine, en ce vendredi 21 janvier, tous se souviennent de Marie Trintignant, une femme, mère et actrice passionnée, passionnante et engagée. Les mots de la fin sont pour celle qui l'a connue mieux que personne, sa mère, Nadine Trintignant, au sujet du documentaire qu'elle lui consacre : "Même si j'évoque le sort des femmes battues, je refuse que Marie en devienne le porte-parole drapeau. Je tenais à la respecter en n'abordant pas sa vie privée, mais plutôt son chemin professionnel ou ses colères militantes. Je voulais dire aussi sa capacité à mettre du soleil partout où elle passait."
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