"On n'a pas votre taille, ici" : peut-on encore faire du shopping en magasin quand on dépasse la taille 44 ?
1m65, 63 kilos et une taille 40-42. Voilà à quoi ressemble le portrait-robot de la Française "moyenne". D'ailleurs, selon une étude de l’Institut français du textile-habillement, plus de 60% des femmes de France s'habillent en 42 et plus. Pourtant, il est rare de trouver des marques qui proposent des modèles qui dépassent le 44. Les personnes qui sortent du moule sont-elles condamnées au shopping en ligne ?
Avec la multiplication des eshops, il est désormais facile de trouver son plaisir sur Internet. Quelques clics, et la robe, le jean, le soutien-gorge de nos rêves arrivera quelques jours plus tard, directement dans notre boîte aux lettres. Avec quelques problèmes, toutefois : le délai entre la commande et la livraison, peu pratique si l'on est pressé. Et surtout, la question de la taille : comment être sûre que la tenue en question va nous aller, quand on sait à quel point les marques peuvent tailler de façon différente ? Pour ces raisons comme pour le plaisir de faire du lèche-vitrine, le shopping "physique" a encore de beaux jours devant lui.
Du moins, quand on fait une taille qui va entre le 34 et le 42. Au-delà, rares sont les enseignes à proposer des vêtements grande taille. Certaines proposent pourtant ces modèles sur leur site internet. Mais ces dernières ne sont pas – ou plus – proposées en boutique.
Va-t-on dire adieu aux rayons grande taille ?
Si certaines boutiques se spécialisent dans les grandes tailles, les enseignes de la grande distribution, elles, sont rares à proposer ces pièces dans les rayons, en particulier en province. Paris a longtemps été l'exception, avec plusieurs magasins qui proposaient un rayon "Plus Size" fourni. Mais avec les fermetures de Forever 21 et de New Look, puis la suppression du rayon grande taille du H&M de la rue de Rivoli, désormais, le shopping devient compliqué pour les personnes qui dépassent le 42.
Interrogée à ce sujet, Ludivine Fouyer, personnal shoppeuse également connue sur les réseaux sociaux sous le pseudo "Grosse avec frange", se désole de la suppression de ces espaces. "Aujourd'hui, les enseignes où l'on peut encore trouver des rayons grande taille se comptent sur les doigts de la main. Kiabi, Gémo, La Halle aux vêtements, Grain de Malice, MSMode... Triste liste comparée à celle que l'on aurait pu faire il y a encore trois ans."
Mais pourquoi ces rayons ferment-ils alors que la demande pour des vêtements plus size est plus importante que jamais ? Pour l'experte : "C'est l'histoire du serpent qui se mord la queue." "Les magasins parlent de chiffre d'affaires, de pourcentage des ventes... Mais en même temps, quand on voit certains rayons grande taille, on n'a pas envie d'y dépenser de l'argent ! Les vêtements ne sont pas du tout mis en valeur, contrairement aux sections plus size en ligne. Quand, dans une même enseigne, le choix est dix fois plus attractif en ligne qu’en magasin il ne faut pas s’étonner de ne pas faire de chiffre sur les ventes physiques."
Il est vrai que les clientes se font souvent la même réflexion : "Les fringues plus size sont planqués dans un coin, mal rangés, souvent en vrac, avec trois tailles qui se battent en duel", regrette Natacha, qui a depuis bien longtemps renoncé au plaisir de faire les boutiques. "C'est comme si on cherchait à nous faire comprendre que notre présence était indésirable."
"On ne fait pas votre taille, ici"
Se sentir indésirable. Ce sentiment, les personnes qui dépassent le 42 le ressentent régulièrement lorsqu'elles font les magasins, et c'est souvent à cause des vendeurs et des vendeuses, qui n'hésitent pas à leur faire des réflexions déplacées. Marine ne compte plus les fois où elle a eu droit à des jugements de valeur : "On ne fait pas votre taille, ici", "Chez nous, vous ne trouverez rien pour votre gabarit". Des constatations faites avec froideur, déjà vexantes et humiliantes. Mais parfois, qui vont aussi jusque dans la moquerie et la méchanceté gratuite : "Une vendeuse m'a déjà dit : ‘Entre manger gras et bien s'habiller, il faut faire un choix, mademoiselle.’ Je suis ressortie de là en pleurant." Et dire que l'adage affirme que le client est roi.
La grossophobie de certaines magasins empêche même les personnes qui s'habillent en grande taille d'y aller pour des accessoires, des chaussures ou même des cadeaux. "Je cherchais un cadeau pour ma sœur, qui porte du S", raconte Anaïs. "En me voyant la prendre, la vendeuse m'a dit : ‘Vous ne rentrerez jamais dedans, vous êtes bien trop grosse. Allez dans une autre boutique, nous on n'habille pas les gros.’" Un dédain auquel Jennifer et ses sœurs ont aussi été confrontées : "La vendeuse d'un magasin nous a dit : ‘Vous ne passez déjà pas dans les rayons, alors encore moins dans nos vêtements.’"
Les femmes ne sont d'ailleurs pas les seules concernées : ces messieurs subissent de plein fouet la grossophobie de certains vendeurs. "Quand j'ai demandé des sous-vêtements en grande taille dans un Kiabi, qui avait pourtant un rayon plus size, le vendeur m'a répondu d'un air dédaigneux : "Commencez par aller à la salle de sport d'à côté", explique Jean-Victor. Geoffrey, lui, a eu beaucoup de mal à trouver un costume pour son mariage. "Je suis allé aux Galeries Lafayette avec 1 500 euros de budget, ce qui n'est pas mal. La vendeuse a refusé de me faire essayer certains costumes, qui étaient pourtant à ma taille. Elle m'a fait une réflexion sur le fait qu'il fallait faire des efforts pour entretenir sa silhouette..."
Le résultat est là : de nombreuses personnes préfèrent désormais faire leur emplettes en ligne pour éviter commentaires et humiliations, et surtout, pour trouver des pièces qui conviennent à leur morphologie et à leur style. Plusieurs d’entre elles se désespèrent de la "triste mentalité française" en matière de mode, à l'instar de Léontine : "En Angleterre, on trouve très facilement des vêtements dépassant la taille 50, et surtout : les rayons plus size n'existent pas. On peut s'habiller de la même façon qu'on fasse du 32 ou du 54, et ça, c'est génial."
Faire du shopping en dehors des rayons grande taille, c'est possible !
Mais qu'à cela ne tienne. Ludivine Fouyer, elle, encourage ses clientes à tout simplement ignorer les vendeurs et vendeuses désagréables, et le rappelle : "Le shopping doit rester un plaisir, non une torture." Car même si les rayons plus size disparaissent petit à petit, cela ne signifie pas qu'il est impossible de trouver des vêtements qui correspondent à des morphologies dépassant le 42. L'astuce de la personnal shoppeuse ? La tendance oversize ! : "Les coupes larges et oversize, il y en a partout ! La mode est en notre faveur, autant en profiter. Alors, mon premier conseil et surtout le plus important est de ne pas avoir peur de franchir la porte des enseignes qui ne proposent pas de vêtements grande taille."
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