Syndrome du Choc Toxique : cette maladie ne touche pas que les femmes
Les idées reçues sont nombreuses sur le choc toxique. Pourtant, on dénombre une vingtaine de cas par an en France. Face à ce manque d’information, le médecin militant féministe Martin Winckler nous explique comment il peut se déclarer et les précautions à prendre pour l’éviter.
Le 9 janvier dernier, Maëlle - une jeune belge de 17 ans - est décédée après avoir fait un syndrome du choc toxique lié aux règles. Cette maladie infectieuse, encore trop méconnue du grand public, peut survenir en dehors des menstruations. Martin Winckler, médecin militant féministe et écrivain, a répondu à nos questions afin de lever le voile sur ce mal qui peut être mortel.
Le SCT (Syndrome du Choc Toxique), qu’est-ce que c’est concrètement ?
C’est le fait qu’une bactérie fabrique une substance (une toxine), qui entraîne des troubles vasculaires intenses, se développe chez un individu. L’exemple de toxines le plus connu c’est le venin de serpent ou la toxine des champignons vénéneux. Le “choc” est une atteinte de plusieurs systèmes à la fois, en particulier le système vasculaire : la pression artérielle tombe en chute libre, et tous les organes - qui ne reçoivent plus d’oxygène par le sang - en souffrent.
Est-ce que cela concerne uniquement les femmes ?
Non, les femmes ne sont pas seules à faire un Syndrome du Choc Toxique. Les hommes peuvent en souffrir aussi, en cas de brûlures, en particulier. Ce qui est particulier aux femmes, c’est la survenue liée aux règles.
“Environ 10% des femmes sont porteuses de staphylocoque doré dans leur vagin”
À quel moment précis le choc toxique survient-il ?
Il survient quand une bactérie (le staphylocoque doré) s’est développée suffisamment longtemps pour fabriquer la toxine (nommée “TSST-1”) en grande quantité. Donc, quand on a porté son tampon ou sa cup longtemps, car le sang (et la chaleur du corps) favorisent le développement et la multiplication du staphylocoque.
Pourquoi une femme va en être atteinte et pas une autre ?
Environ 10% des femmes sont porteuses de staphylocoque doré dans leur vagin. Toutes ces femmes ne feront pas de SCT, qui n’est pas une situation très fréquente. Car 1% seulement des femmes portent des staphylocoques qui fabriquent une toxine, 0,01% des femmes qui ont leurs règles souffriront de choc toxique, 80% des femmes de plus de 18 ans sont porteuses d’anticorps qui inactivent le staphylocoque. Si c’est plus fréquent chez des femmes jeunes, c’est que certaines parmi elles n’ont pas développé ces anticorps.
Est-ce qu’il y a des populations plus enclines à avoir un choc toxique ?
Une femme jeune (moins de 25 ans), qui garde son tampon ou sa cup trop longtemps, trop souvent.
“Les tampons très absorbants sont ceux qui favorisent le plus le SCT”
Quelle durée maximale peut-on garder un tampon ?
On recommande de ne jamais porter un tampon plus de 4 à 6 heures d’affilée. 8 heures est le grand maximum. Il vaut mieux ne pas en porter la nuit. C’est encore une fois surtout vrai pour les femmes de moins de 20-25 ans.
Est-ce que le choix du tampon peut avoir une incidence ?
Les tampons très absorbants sont ceux qui favorisent le plus le SCT. Plus ils absorbent, plus le staphylocoque dispose d’un “bouillon de culture” dans lequel se développer. Le temps fait le reste. Il faut choisir des tampons d’absorption moyenne et les changer souvent. D’après tous les travaux récents, la composition en elle-même du tampon ne semble pas avoir d’importance.
La coupe menstruelle peut aussi entraîner un SCT. Pourquoi ?
Pour la même raison : le sang est gardé longtemps dans un espace clos, à la chaleur du corps. Une cup doit être vidée plusieurs fois par jour.
Quels sont les premiers symptômes d’un choc toxique ?
Une fièvre brutale élevée (39° ou plus), des maux de tête, des vomissements, une éruption cutanée comme un coup de soleil et une diarrhée.
“La séquelle la plus fréquente, c’est l’amputation d’un membre”
Quelles sont les séquelles ?
La plus fréquente, c’est l’amputation d’un membre parce que le choc peut entraîner une absence de vascularisation d’une jambe, et une nécrose… Sur les cas recensés en France, la mortalité est faible.
En France, on dénombre une vingtaine de cas de SCT en 2019. Selon vous, ces chiffres reflètent-ils la réalité ou y a-t-il de nombreux cas non diagnostiqués ?
Il y a plus de cas déclarés en 2019 qu’en 1990, mais pas plus en 2019 qu’en 2011. Il est probable que cela soit dû à un “biais de déclaration” : avant 2011, on faisait moins souvent le diagnostic. Depuis une dizaine d’années, le diagnostic est connu, les tests biologiques disponibles dans tous les hôpitaux, un SCT ne passe plus inaperçu.
Quelles solutions préconisez-vous pour éviter un choc toxique ?
Les recommandations actuelles sont :
- se savonner les mains avant et après chaque fois qu’on insère, change son tampon (ou vide sa coupe)
- ne pas utiliser de tampons superabsorbants
- ne pas insérer le tampon avant la survenue des règles (« en prévision ») car il absorbe les sécrétions vaginales qui elles aussi favorisent la multiplication du staphylocoque
- changer son tampon/vider sa coupe menstruelle au plus tard toutes les 4 heures
- la nuit, porter une serviette (ni tampon, ni coupe) ou une culotte menstruelle lavable
- ne pas oublier d’enlever un tampon avant d’en mettre un autre ; ça semble évident mais comme il s’agit d’un geste qu’on fait souvent de manière “automatique” et parfois dans l’urgence et dans de mauvaises conditions (pas chez soi…), ça peut arriver à n’importe quelle femme à un moment ou à un autre…
Comment alerter les femmes à ce sujet ?
Ça devrait faire partie des informations qu’on donne aux jeunes filles au collège, en cours de biologie ou lors de séances d’information sur la santé des femmes… Et il faudrait que les marques de tampon incluent toutes les recommandations citées précédemment dans leurs conditionnements.
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