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Stérilité masculine : "Ma femme a eu un bébé avec un autre homme, et ça m'a brisé le coeur"

La stérilité masculine est moins fréquente que la stérilité féminine, mais les conséquences sont les mêmes. © Getty Images
La stérilité masculine est moins fréquente que la stérilité féminine, mais les conséquences sont les mêmes. © Getty Images

La question de la stérilité et de la fertilité est souvent évoquée en ce qui concerne les femmes : un vieux biais sexiste faisant que que ces dernières sont considérées comme les principales concernées par la maternité, et sous-entendant que toutes les femmes veulent fonder une famille. Lorsque l'on rêve de tomber enceinte, découvrir sa stérilité est une douleur sans nom. Mais du côté des hommes, la situation est la même. Entre honte, stigma et peur de l'avenir, ils témoignent.

Dans son dixième album intitulé "Diamant", qui sera dans les bacs ce vendredi 8 juillet 2022, le chanteur Keen'v dévoilera un morceau particulier : "Pas papa". Dedans, il y évoque un sujet qu'il avait jusqu'à présent gardé secret, celui de sa stérilité. En couple depuis plus de 15 ans avec sa compagne, l'artiste avait déjà évoqué le sujet en 2019 dans les colonnes de Public, affirmant : "Je pense que je suis stérile, parce que bon, ça fait quinze ans que je couche avec la même femme sans me protéger. Et elle, elle a déjà eu des enfants… Mais je n’ai pas fait de test, parce que ça va me rendre triste. Je préfère être dans le déni."

Trois ans plus tard, Keen'V a finalement confié à Télé Poche qu'il avait finalement fait ce fameux teste et eu la confirmation de ses craintes : "Quand je l’ai su, j’ai ressenti un poids et j’ai écrit un morceau dans la foulée." Mais il ne compte pas laisser la tristesse gâcher sa vie : "Ce sujet n'est douloureux que si on le veut. Je ne peux pas lutter contre ça. J’ai beaucoup d’amour à donner, un jour peut-être j’adopterais…"

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La stérilité touche également les hommes

Si le phénomène de la stérilité masculine (cisgenre) est moins connu que celui de la stérilité féminine (cisgenre), c'est parce que les hommes restent plus fertiles que les femmes. Non seulement ces derniers ne sont pas concernés par la ménopause, mais en prime, seuls 20% des hommes sont stériles, contre 34% des femmes. Toutefois, le diagnostic n'est pas plus facile à entendre pour les concernés, comme le témoigne Thibaud, 37 ans. "J'ai découvert que j'étais stérile très tôt, à l'âge de 18 ans. A l'époque, j'avais consulté pour des douleurs à la verge lors de rapports sexuels, et j'avais découvert que je souffrais d'une altération du tractus génital, qui rend impossible le dépôt de sperme. J'étais dévasté car j'avais toujours envisagé de fonder une famille, mais je crois que c'est le manque de soutien de mes proches qui m'a finalement fait le plus mal."

A 18 ans, le jeune homme avait osé s'ouvrir à ses amis, avec pudeur mais aussi avec un peu de honte : "La principale réaction à laquelle j'ai eu droit, c'était des "Trop bien, tu risques pas de mettre une meuf enceinte", ou encore : "Mec c'est génial, tu vas pouvoir dire adieu aux capotes". Je peux comprendre qu'à 18 ans, le sexe sans protection et sans risque était une de leurs priorités, mais ils n'ont pas vu ça sur le long terme, seulement les avantages à court terme." En effet, ce type de réaction démontre non seulement un manque d'empathie, mais aussi un manque de connaissances, puisque les préservatifs ne protègent pas seulement des grossesses non-désirées, mais aussi des infections sexuellement transmissibles. 19 ans plus tard, Thibaud s'est fait une raison, et est désormais père de famille : "Avec ma femme, nous avons opté pour un don de sperme et une fécondation in vitro (FIV), plus facile à obtenir qu'une adoption. Le fait d'avoir d'autres options a été rassurant face à ma stérilité, mais certaines restent malheureusement difficiles à obtenir, y compris pour un couple cis-hétéro comme nous. Je n'ose même pas imaginer les couples qui n'auraient pas notre chance."

"Certaines femmes refusent de me croire quand je dis que je suis stérile"

Justin a 26 ans, il est lui aussi stérile. "J'ai perdu mes capacités reproductrices à cause d'un cancer il y a deux ans. Je suis aujourd'hui en rémission, et j'ai eu la chance de pouvoir faire congeler mon sperme, donc la possibilité d'avoir des enfants un jour n'est pas totalement fermée de mon côté", raconte-t-il. Le problème, c'est plutôt le regard des autres. Et notamment celui des femmes que ce célibataire rencontre. "Généralement, c'est quelque chose que j'annonce assez rapidement dans les conversations que je peux avoir, car je ne veux pas que les personnes que je rencontre estiment que je leur ai menti, ou donné de faux espoirs si elles rêvent de fonder une famille. Mais certaines refusent de me croire quand je dis que je suis stérile. Elles pensent que je veux me servir de cette excuse pour baiser sans capote, ou pour leur faire un bébé dans le dos."

Une réaction compréhensible quand on sait à quel point la charge mentale de la contraception repose sur le dos des femmes, et à quel point certains hommes sont prêts à tout pour ne pas s'encombrer du préservatif. Ces réactions, Justin les comprend et les accepte sans problème. "Avec la pitié, c'est plus dur. Le regard dévasté d'une femme peut faire beaucoup de mal. Mais encore une fois, je ne sais pas trop comment faire autrement : je ne me vois pas attendre d'être lancé dans une relation sérieuse pour annoncer à ma compagne ma stérilité. Il n'y a pas de bon timing pour parler de ces choses-là."

"Ma stérilité est la cause de mon divorce"

Justin et Thibaud ont eu l'occasion de découvrir leur stérilité assez tôt. Ce n'est pas le cas de Cédric, 44 ans, qui ne s'était jamais posé la question avant de vouloir avoir des enfants avec sa compagne. "Pendant deux ans, on a essayé d'avoir un bébé avant de se dire qu'il y avait peut-être un problème. Ma compagne était persuadée que ça venait d'elle, elle a fait toutes sortes d'analyses, ça a été très dur. Et quand elle a découvert qu'elle n'était pas stérile, la conclusion logique était que le "problème" venait de moi. Je suis donc passée à mon tour par la case test, et le verdict est tombé. Ça a été un coup dur pour nous deux."

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Passé le choc initial, le couple a exploré ses possibilités pour avoir un enfant. "On a fait trois FIV, sans succès. Ça a été très difficile, car non seulement le processus n'est pas simple, mais en prime, quand ça ne marche pas, ça fait mal. Notre couple en a pâti, et elle a fini par me dire qu'elle ne pouvait pas continuer. Elle avait 38 ans, voulait désespérément des enfants, je n'étais pas en mesure de les lui donner. Nous avons divorcé. Elle a eu un bébé avec un autre homme, et ça m'a brisé le coeur." Aujourd'hui, Cédric est en couple avec une femme qui ne veut pas d'enfant : "L'idée de revivre ce que j'ai vécu avec mon ex me paraît impossible mentalement.

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