La sculpture d'un Manneken-Pis féministe, montrant une femme en train d'uriner, fait débat à Nantes

(Crédit photo : Getty Images)
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Une oeuvre monumentale présentée dans le cadre de l’édition 2020 du parcours d’art Voyage à Nantes ne plaît pas à tout le monde. Sorte de Manneken-Pis féministe volontairement provocatrice, la sculpture dévoile une “vulve en évidence” dans l’espace public. Et c’est bien cela qui crée la polémique.

La sculpture de la discorde. Le parcours d’art Voyage à Nantes s’apprête à accueillir les visiteurs dans la Cité des Ducs du 8 août au 27 septembre prochain. Au programme, des installations contemporaines à découvrir dans les rues de la ville. Mais cette année, l’une des œuvres sélectionnées fait déjà grand bruit.

Fontaine, retenez bien ce nom. C’est celui d’une sculpture réalisée par l’artiste française Elsa Sahal, qui prendra place dans les bassins de la place Royale de Nantes dans le cadre de la manifestation. En soi, elle n’est pas nouvelle puisqu’elle date de 2012 et avait été présentée à la FIAC au jardin des Tuileries à Paris cette année-là avant d’être exposée dans d’autres lieux. Oui mais voilà, ça ne passe pas.

Montrer une figure féminine en train d’uriner

Fontaine représente deux jambes juchées sur des colonnes remplies d'oursins, de coraux, d’éponges et de coquilles. Des jambes mais surtout un sexe féminin en train d’uriner. Un “colosse de trois mètres en grès rose émaillé” qui rend “hommage aux figures de la féminité triomphante qui ornent cet ensemble sculptural du 19e siècle”, comme on peut le lire sur le site de l’événement.

Quand on se penche deux minutes sur la vision de l’artiste, on comprend bien qu’il ne s’agit pas uniquement de montrer une vulve. "C’est une figure pissante, dont le titre est un pied de nez à l’urinoir de Marcel Duchamp [ce dernier ayant donné le même nom à son urinoir, ndlr.]", explique Elsa Sahal. Dans le flux continu du jet d’urine, il y avait l’idée que les petites filles aussi peuvent pisser dru, loin, et continûment. Et que cela, de façon ironique, peut se produire dans l'espace public, où seules les urines masculines sont admises ! […]. La figure pissante est un motif résolument masculin dans l'histoire de l'art, que beaucoup d'artistes femmes ont détourné depuis les années 1970”. Pisser debout, c’est se revendiquer féministe ? Tiens, ça nous rappelle une chanson éponyme de GiedRé.

Là où l’oeuvre fait débat, c’est donc pour sa vision féministe. Marie Dupas, chargée de la programmation artistique de l’événement, a affirmé à nos confrères de Ouest-France que c’était une “réponse féministe au Manneken-Pis de Bruxelles”. Cette fameuse statuette en bronze de 58 centimètres, qui signifie littéralement “le môme qui pisse” et qui fait la fièrement des Bruxellois.

Les internautes fustigent l’oeuvre

Donc se prendre en selfie devant un petit garçon en train de faire pipi ne pose de problème à personne alors que la même chose devant une figure féminine est impensable, offusquant, dégoûtant ? Visiblement oui, si on en croit les nombreuses réactions sur les réseaux sociaux.

Face à la polémique, les organisateurs du parcours artistique se sont défendus dans un communiqué en citant la mieux placée pour parler de l’oeuvre : sa créatrice. “Elsa Sahal a créé cette sculpture à la naissance de sa deuxième fille ‘comme un cadeau, dans la démarche d’une mère de famille qui fait la promesse à ses filles qu’au XXIᵉ siècle, les filles et les femmes ne seront plus exclues de l’espace public comme c’est encore malheureusement le cas aujourd’hui’”, peut-on lire dans le document.

Une nouvelle petite sœur pour le Manneken-Pis

Ça tombe mal pour les détracteurs, l’alter ego féministe du garçon le plus célèbre de Belgique existe déjà. Vous ne le saviez peut-être pas, mais la Jeanneke Pis est cachée entre deux numéros de la rue de la Fidélité dans la capitale belge depuis 1985. Cette création de Denis-Adrien Debouvrie est beaucoup moins populaire que son homologue masculin - qui rassemble tout de même jusqu’à 30 000 visiteurs par jour - mais a le mérite de montrer une petite fille en train de se soulager dans l’espace public.

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