"À cause de mon utérus rétroversé, quand mon partenaire me pénétrait, je pouvais pleurer de douleur"
Les femmes à l'utérus rétroversé sont souvent mal renseignées sur leur particularité, quand elles en ont connaissance. Elles s'entendent dire que celle-ci n'a aucune incidence. Sur leur capacité d'enfantement, non. Mais sur leur sexualité, possiblement oui.
Elles l'apprennent souvent tardivement, au détour d'un rendez-vous gynécologique, ou lors d'un suivi de grossesse. 20% à 30% des femmes auraient l'utérus rétroversé. L'annonce se fait souvent de façon laconique, sans mise en garde ni conseils spécifiques. Car, à en croire nombre de professionnels de santé, l'utérus rétroversé n'est pas une anomalie mais une particularité anatomique : Chez les femmes concernées, l'utérus n'est pas orienté vers l'avant, mais vers l’arrière, en direction du rectum. Pas de quoi s'alarmer au premier abord, surtout que cela n'aurait aucune incidence sur la grossesse ni sur la fertilité. Mais ce serait nier le droit au plaisir et au confort des femmes dans leur intimité : car cette spécificité peut avoir des conséquences fâcheuses sur la sexualité.
Isabelle*, 36 ans, a su dès son premier rendez-vous gynécologique qu'elle avait un utérus rétroversé "comme la plupart des femmes de [s]a lignée". Mais la véritable prise en compte de sa particularité a été bien plus tardive : "aucun médecin ne m’a indiqué qu’un utérus rétroversé pouvait donner des douleurs. Pourtant à chaque échographie, j’avais droit à un 'Olala vous avez un utérus bien rétroversé ! […] À la question 'Qu’est-ce que ça change ?', on me répondait inlassablement 'rien, c’est une variation du normal'".
Vidéo. "À l'époque, j'avais toujours du mal pendant la pénétration"
Des douleurs caractéristiques
La jeune femme n'a donc jamais pu faire le lien entre cette spécificité et ses douleurs lors de l'acte sexuel. Des douleurs décrites comme "sourdes", qui pouvaient être suivies ou accompagnées de ce qui ressemblait à des contractions. "Ayant déjà accouché, c’est vraiment cette sensation. Ça m’obligeait à rester pliée en deux, et en cas de pénétration profonde, les douleurs pouvaient être à en pleurer...". Isabelle a dû faire une croix sur certaines positions qu'elle ressentait comme "très inconfortables". De quoi compliquer ses rapports avec son compagnon de l'époque "très exigeant sur ce plan-là", qui ne comprenait pas ses refus de pratiquer la levrette ou encore l'andromaque.
Des positions profondes qu'a également dû abandonner Valérie*, chez qui elles provoquaient des "douleurs dans le bas du ventre, comme si elle "recevai[t] des coups de poings". D'autres témoins parlent de "grosse sensation de gêne, de blocage" ou encore de "pincement". Dans la sphère médicale, le lien n'est pas toujours affiché clairement. Pour expliquer leurs douleurs, certains spécialistes sont tentés de rechercher l'existence d'une pathologie associée comme l'endométriose. Mais si la prudence est de mise, l'anatomie des femmes concernées parle d'elle-même.
Des solutions pour plus de confort
Lors de la pénétration, le pénis vient buter sur le col de leur utérus, qui est très sensible. "Toute femme ayant un utérus rétroversé n'aura pas forcément de douleurs aux rapports, mais en cabinet on constate que c'est un facteur aggravant", nous éclaire l'ostéopathe et féminologue Aurélie Soulier-Konecki. Des adaptations sont donc nécessaires : "On va leur proposer d'utiliser des positions dans laquelle la pénétration sera moins profonde, ou alors de changer l'angulation d'entrée du pénis dans le vagin, en se mettant éventuellement un coussin sous le bassin". La sexologue Céline Vendé conseille de son côté notamment la position de la cuillère (ndlr : femme allongée sur un de ses côtés, homme derrière elle, lui aussi sur le côté), qui permet à la femme de "mieux gérer l'angle de pénétration". La spécialiste rappelle aussi que le sexe pénétratif n'est en rien un passage obligé : "à peine 20% des femmes jouissent et ont des orgasmes avec une pénétration vaginale seule".
Mais si le couple peine à se passer des positions profondes, reste une baguette (presque) magique : les OhNut, des anneaux mous amovibles à placer sur le pénis, ou tout objet pénétrant. Ils ont pour effet de diminuer la profondeur de la pénétration, ce qui est idéal en cas de dyspareunie, quelle qu'en soit la cause, selon la sexologue. "C'est un très bon dispositif, parce qu'il est évolutif, - on peut en mettre un, deux, trois ou quatre -, a un effet amortisseur et peut donner des sensations intéressantes pour l'homme aussi. Sa texture est très agréable, utilisé avec du lubrifiant".
L'utérus de toutes les femmes peut un jour basculer
Mais même s'il est possible de vivre une sexualité épanouie avec un utérus rétroversé, mieux vaut surveiller son évolution. Tout comme une personne née avec un utérus antéversé (le cas classique) peut découvrir plus tard que celui-ci a basculé, la rétroversion peut s'arranger d'elle-même. Ou s'aggraver au fil du temps. Valérie, qui a découvert la rétroversion de son utérus lors de sa première grossesse n'a pas vraiment ressenti de gêne, jusqu'à ses grossesses suivantes et notamment la troisième. "Quand j'ai fait l'échographie pelvienne, mon gynécologue a pris conscience que les ligaments qui soutiennent l'utérus s'étaient distendus à cause des grossesses, ce qui a amplifié la rétroversion de mon utérus. Cela a donc créé les varices qui me causaient les douleurs...".
Alors qu'elle a déjà plus de 30 ans, Isabelle est alertée par son ostéopathe : son utérus est tellement rétroversé que cela a formé des adhérences, qu'il est nécessaire de décoller pour éviter les douleurs. Un phénomène que l'on retrouve "de manière répétée" chez les femmes à l'uterus rétroversé selon l'ostéopathe Aurélie Soulier-Konecki : "Il y a comme un accolement entre les fibres de l'utérus et celles du rectum et du colon […] Et ces adhérences peuvent entraver la bonne mobilité des autres viscères". De façon plus générale, l'utérus rétroversé crée des tensions sur tout le système ligamentaire, ce qui n'est pas sans conséquences : "Un muscle plus tendu est plus douloureux, et des tendons plus sollicités peuvent causer une inflammation", détaille Aurélie Soulier-Konecki. Dans ces cas de figure, l'ostéopathie peut grandement aider à relâcher la zone. Isabelle en a d'ailleurs été soulagée : "Mon utérus est toujours rétroversé mais est redevenu mobile, ce qui lui permet d’accompagner le mouvement. Mes douleurs se sont presque toutes envolées...". Un épanouissement retrouvé aussi grâce à un nouveau partenaire "aux petits soins".
*Les prénoms ont été modifiés.
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