Agressée dans la rue, elle filme l'homme qui se masturbe devant elle
La vidéo a fait le tour du net. Dimanche 20 mars 2022, au matin, alors qu'elle rentrait chez elle après son travail de nuit, une jeune femme a été agressée dans la rue par un individu, en région parisienne. Elle a eu le bon réflexe de filmer son agresseur pour le faire fuir. Encore sous le choc, elle nous raconte son histoire.
Les agressions sexuelles n'ont pas toujours lieu dans une rue sombre, à 3 heures du matin. Elles peuvent aussi avoir lieu en plein jour, à deux pas de chez soi. L'histoire qui est arrivée à Maéva en témoigne. La jeune femme a publié sur Twitter une vidéo qui a fait le tour du net, dans laquelle elle s'en prend à un homme qui l'a suivie dans la rue en se masturbant, et qui l'a agressée physiquement. Afin de sensibiliser le grand public à ces actions qui ne sont malheureusement pas si rares, elle a décidé de raconter son histoire et de partager les images tournées par ses soins, dans l'espoir de toucher le plus grand nombre.
Vidéo. "Ejaculer sur les affaires d’une femme, c’est illégal"
Une agression sexuelle en pleine rue
Région parisienne, 7h du matin, dimanche 20 mars 2022. À l'heure où la plupart des Franciliens dorment encore, profitant de leur week-end, Maéva, elle, rentre chez elle. Non, elle n'a pas passé la nuit à faire la fête, bien au contraire : la jeune femme travaille de nuit afin de financer ses études et payer son loyer. "Je suis une jeune femme de 18 ans, je vis seule, et j'ai un logement à payer. Je suis esthéticienne en alternance, et en parallèle, j'ai un job alimentaire et je travaille dans une boîte de nuit", nous explique-t-elle en amont du récit de son effrayante agression.
Dans le métro, elle remarque qu'un homme la regarde de façon insistante, mais n'y prête pas plus attention que cela. Toutes les femmes en ont malheureusement l'habitude : "Je suis maquillée, je suis apprêtée, il me regarde, je me dis que c'est logique et je l'ignore." Du moins, jusqu'au moment où elle quitte la rame, et où l'homme se précipite pour sortir à sa suite. Dans l'escalator, pourtant vide à cette heure-ci, l'homme se colle à elle, ce qui la met mal à l'aise. Sur le chemin jusqu'à son domicile, la jeune femme se retourne à plusieurs reprises, et remarque que l'homme la suit et se rapproche de plus en plus.
"En constatant qu'il se rapproche de moi, je décide de m'arrêter et de faire semblant de chercher quelque chose dans mon sac", explique-t-elle. Cette technique est encore une fois bien connue des femmes habituées au harcèlement de rue, et permet à ces dernières de laisser passer un homme inquiétant devant elles pour ne pas qu'il reste en dehors de leur champ de vision. Mais quand elle se retourne pour la troisième fois, Maéva sent une main qui se pose sur sa fesse, et constate que l'homme est en train de se masturber. "Je l'ai pris en flag", raconte-t-elle.
Être une femme en 2022 c’est ça, rentrer du travail à 7 heures du matin et manquer de se faire violer. Dieu est grand Dieu a été avec moi à ce moment là j’ai eu l’instinct il aurait pu se passer n’importe quoi pic.twitter.com/Q4fmLdHk8e
— gigi (@soluncinda) March 20, 2022
Elle a eu le réflexe de lui crier dessus et de le filmer
La jeune femme n'a pas hésité et a tout de suite décidé de s'en prendre à son agresseur. "Je suis de nature très agressive quand on m'emmerde dans la rue, comme vous pouvez le constater sur la vidéo. Je lui ai crié dessus, demandé "Tu fais quoi ?". Il a commencé à s'excuser, mais sans pour autant arrêter de se masturber !" Inquiète pour sa sécurité, Maéva repousse l'homme à coup de pied, faisant tomber son agresseur qui n'arrête pas pour autant de se masturber : "Il était dans un état second, ce n'était pas un humain en face de moi."
La jeune femme décide alors d'appeler la police, ce qui va déclencher de nouvelles suppliques de la part de son agresseur, qui va prendre la fuite en entendant le message d'attente des forces de l'ordre. "Comme il est parti, j'ai raccroché, et j'ai commencé à me filmer pour raconter mon histoire. Je filme tout, je raconte ma vie et j'envoie des vidéos toute la journée à ma famille ou à mes amies. Pendant que je parle, je me retourne machinalement pour voir où il est, et là, je constate qu'il se précipite vers moi." La suite, la vidéo publiée par la principale intéressée sur Twitter en témoigne. L'homme a pris la fuite en constatant qu'il était filmé.
Des difficultés à porter plainte
Après avoir repris ses esprits, Maéva a posté la vidéo sur les réseaux sociaux, et a décidé de porter plainte. Mais comme bon nombre de femmes qui dénoncent ce genre de violences, elle n'a pas été bien accueillie au commissariat. "J'ai eu une première personne au téléphone, une dame de la police municipale qui m'a dit de venir porter plainte, mais qui m'a demandé comment j'étais habillée. Je lui ai répondu que cela n'avait aucune importance et que quelle que soit ma tenue, cet homme n'avait pas le droit de faire ça."
Finalement, la jeune femme s'est rendue à la gendarmerie, et les forces de l'ordre lui ont reproché d'avoir publié la vidéo sur Twitter, l'accusant d'avoir fait "exprès" de la poster pour attirer l'attention et lui laissant entendre qu'elle n'avait donc pas à se plaindre d'être harcelée puisqu'elle avait elle-même fait le choix de poster son histoire. Personne n'a pris la peine de lui préciser qu'elle avait pourtant eu un très bon réflexe en filmant son agression. Contactée par nos soins, Me Tuaillon-Hibon, avocate en droit pénal spécialisée dans les violences sexuelles l'affirme : "Ces preuves sont tout à fait recevables puisqu'en droit pénal, la preuve est libre." Un gendarme parisien qui tient à rester anonyme précise : "J'ai pu consulter la vidéo, et à aucun moment mes collègues n'auraient dû reprocher à cette femme d'avoir posté l'affaire sur les réseaux sociaux. Au contraire, elle montre le bon exemple, car elle dénonce un fait qui n'est pas rare, et contre lequel de nombreuses personnes n'osent pas porter plainte pour ce genre de chose. Il l'a touchée, c'est donc une agression sexuelle. Mais même s'il s'était contenté de se masturber devant elle, cela aurait été pénalement répréhensible : l'exhibition sexuelle est une infraction réprimée par la loi." Ses sanctions sont prévues dans l’article 222-32 du Code pénal qui dispose que "l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende."
Les commentaires des internautes, la double peine
A l'heure où nous écrivons ces lignes, le tweet de Maéva a été partagé à plus de 15 000 reprises, et la vidéo a été vue 1,7 million de fois. Malheureusement, la jeune femme regrette que des comptes d'extrême droite se soient approprié son histoire pour en faire de la propagande anti-étranger, comme cela a été le cas de Damien Rieu, "lanceur d'alerte" auto-proclamé et soutien affiché d'Eric Zemmour. "Il a reposté ma vidéo, et du coup, j'ai eu tous les fachos de Twitter qui ont débarqué dans mes commentaires. Quand je lui ai reproché d'utiliser ma vidéo pour faire sa campagne, des internautes sont venus me reprocher de "venir chouiner" et que de reprocher qu'elle soit politisée signifie que j'aime me faire agresser, j'aime me faire violer, j'aime me faire traiter de salope." Une double peine, donc.
La culture du viol était également au rendez-vous dans ses mentions : "On m'a attaquée sur mon physique, car je porte un décolleté sur ma photo de profil. Et forcément, une femme qui rentre à 7h du matin, c'est qu'elle était en soirée, et qu'elle l'a bien cherché." Des commentaires particulièrement difficiles à vivre pour la jeune femme qui a déjà été agressée sexuellement par le passé. "À l'époque, j'étais trop jeune pour réagir, là je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose." "Traumatisée", elle espère que son témoignage permettra de faire évoluer les consciences.
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