TABOU - Chirurgie mammaire : "Je voulais un bonnet C, le chirurgien a refusé de m'écouter"
Les chirurgies mammaires sont malheureusement encore soumises aux injonctions sexistes de la société. Plusieurs femmes en témoignent : elles ont été encouragées par leur médecin à opter pour un plus gros bonnet de soutien-gorge. Parfois, la taille du résultat final leur a même été imposée.
Le 17 avril 2024, Olivia Munn faisait la couverture du magazine américain People. Dans son interview, elle évoque les différentes conséquences de son cancer du sein, et notamment l'étape de la reconstruction mammaire : "Je sais que beaucoup de femmes veulent des seins plus gros, mais [j'ai dit] que je voulais des seins plus petits", explique Olivia Munn. "Il est très important de dire ce que l’on veut à voix haute et de ne pas s’arrêter. Alors même que l’anesthésie commençait à faire effet, la dernière chose que j'ai dite au bloc opératoire était : "S'il vous plait, je veux des seins plus petits"".
L'anecdote peut paraître anodine. Pourtant, elle est loin de l'être. Outre les femmes qui sont encouragées par leur conjoint à avoir une poitrine plus volumineuse, bon nombre d'entre elles subissent également des injonctions, directement de la part de leurs chirurgiens.
Des mauvaises pratiques très répandues chez les personnes trans
Dans une précédente interview accordée à Yahoo Life, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, artiste pluridisciplinaire et militante, avait évoqué sa propre expérience. Femme trans, elle a découvert à son réveil que la discussion eue avec son chirurgien au sujet de son augmentation mammaire n'avait pas été respectée. "J'avais demandé un bonnet C, et dès l'entame des discussions, le chirurgien en charge de mon opération de la poitrine a insisté pour un bonnet D. Ce n'était pas ce que je voulais, mais quand je me suis réveillée, j'avais un bonnet D", confiait-elle.
Un cauchemar devenu réalité pour celle qui explique : "Il y a une peur communautaire que les chirurgiens s'amusent sur les corps des patients et des patientes qu'ils opèrent. C'est-à-dire qu'on vient pour une demande particulière, et eux estiment que leur pratique c'est un peu comme une signature. Ce sont des opérations un peu "test"", regrette-t-elle.
Claude-Emmanuelle n'est pas la seule femme trans à avoir subi ce processus. Lisa*, 26 ans, a eu droit à la même mauvaise surprise. "Le premier chirurgien que j'ai vu m'a dit que ça ne servait à rien que je me fasse opérer si c'était pour avoir des petits seins. Comme si la finalité d'une augmentation mammaire, c'était d'avoir d'énormes obus...", regrette la jeune femme. "J'ai préféré ne pas poursuivre avec ce dernier. Le second chirurgien m'a lui aussi laissé entendre que je serai "mieux" avec une poitrine plus volumineuse. J'avais demandé un bonnet C, en adéquation avec ma silhouette fine, et j'ai finalement du D. Au début, il m'a juré que ça allait se dégonfler au bout de quelques mois, mais c'était un mensonge. Aujourd'hui, j'hésite à passer de nouveau sur le billard pour faire rectifier tout ça, mais ça coûte cher, et ça demande une énergie que je n'ai pas."
"Les chirurgiens esthétiques pensent qu'ils peuvent dicter ce que l'on fait de nos corps"
Lisa et Claude-Emmanuelle ne sont pas les seules à avoir eu affaire à des médecins trop insistants. "Et encore, je suis une femme cisgenre, je n'imagine même pas ce que ça aurait été sinon", constate Marine*, 31 ans, avec dépit. La jeune femme a récemment fait rehausser sa poitrine tombante, et a dû lutter bec et ongles pour ne pas subir une augmentation mammaire dont elle n'avait absolument pas envie. "J'ai dû voir trois chirurgiens avant de trouver quelqu'un qui comprenne que je voulais juste faire remonter ma poitrine, et en aucun cas me faire poser des implants. Le premier médecin que j'ai vu m'a même dit que ma demande était "impossible", et que j'avais tout intérêt à faire refaire intégralement ma poitrine pour obtenir un meilleur résultat."
Marine a demandé une seconde opinion : cette fois-ci, le chirurgien consulté lui a dit que son souhait était possible, lui recommandant une mastopexie. Mais très vite, il glisse des allusions selon lesquelles une prothèse serait mieux adaptée. "Ça nous éviterait d'avoir à vous ouvrir deux fois", aurait-il déclaré, selon sa patiente. "Les femmes comme vous réalisent après l'opération que leur poitrine est plus petite qu'avant, et elles veulent souvent une augmentation mammaire derrière." Un argument qui a poussé la trentenaire à se tourner vers quelqu'un d'autre : "Je ne voulais pas avoir de mauvaise surprise au réveil", conclut-elle avec amertume. "Et j'ai visiblement eu raison."
Vidéo. Claude-Emmanuelle Gajan-Maull : "Sans me le dire, le chirurgien m’a imposé un bonnet de poitrine plus volumineux que prévu. Je l’ai découvert à mon réveil"
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