Elles ont découvert que leur conjoint était accusé de viol ou d'agression sexuelle : "Ton mec m'a violée la semaine dernière"
Comment réagir lorsque l'on découvre que l'un de ses proches est accusé de violences sexistes et/ou sexuelles ? Pour bon nombre de personnes, c'est un cauchemar. Pour d'autres, c'est une réalité. Deux femmes ont accepté de témoigner.
"Elle savait forcément." Voilà ce qui a été dit de Gisèle Pélicot au sujet des agressions sexuelles incestueuses dont sa fille aurait, comme elle, été victime de la part de Dominique Pélicot. La même chose avait été dite de la chanteuse Angèle, lorsque son frère Roméo Elvis avait été accusé d'agression sexuelle. Et toutes les personnes dont le ou la partenaire a été accusé de ce type de violences ont déjà entendu des propos similaires.
Dans les affaires de violences sexistes et sexuelles, les conjoints, et en particulier les épouses ou compagnes, sont souvent considérées comme complices des actes de la personne qui partage leur vie. Le grand public estime qu'elles auraient dû voir, savoir. Qu'elles se sont sans doute voilées la face, ou qu'elles ont sciemment décidé de couvrir leur partenaire. Mais la réalité est souvent bien différente.
"Mon premier réflexe, ça a été de tout rejeter en bloc"
Catherine*, 47 ans, avait 35 ans lorsqu'une femme a accusé son mari de l'avoir agressée en boîte de nuit, et d'avoir tenté de la violer. "Ce n'est même pas lui qui me l'a dit. J'ai été convoquée par la police parce que la femme en question a porté plainte", se souvient-elle. "A l'époque, mon premier réflexe a été de tout rejeter en bloc. Pour moi, c'était impossible que l'homme si doux que j'avais épousé puisse être capable de faire quelque chose comme ça."
La jeune femme s'était surtout raccrochée à une certitude. "On venait de se marier, on essayait d'avoir un bébé, on avait une vie sexuelle débordante... Pour moi, c'était non seulement impossible qu'il ait essayé de me tromper, mais encore plus avec une femme qui n'aurait pas été consentante", avoue-t-elle. "D'autant que je trouvais mon mari si beau, que je ne voyais pas qui aurait pu lui dire non. C'est terrible, non ?"
Puis, en voyant les vidéos de surveillance, Catherine n'a plus eu le loisir de se voiler la face. "J'ai compris qu'il était bien responsable de ce dont il était accusé. Et là où je me sens encore plus mal, c'est que, égoïstement, j'étais plus énervée qu'il ait voulu me tromper, plutôt que de l'être parce qu'il avait essayé de violer une femme", regrette-t-elle. "Je l'ai quitté avant le procès, j'ai refusé de témoigner en sa faveur, contrairement à ses multiples demandes et à celles de ses avocats, de sa famille", conclut-elle. "Mais ça m'a longtemps dégoûtée des hommes, j'ai perdu toute confiance.".
"Je me suis sentie trahie dans ma chair"
Âgée de 34 ans, Eléa* a été victime de nombreuses agressions sexuelles et d'un viol par le passé. Lorsqu'elle a commencé à fréquenter son ex-conjoint, l'année de ses 30 ans, elle a été très honnête sur ses traumatismes. "Ce que j'ai vécu a été dur pour moi, et affecte encore aujourd'hui mon quotidien amoureux, et notamment ma vie sexuelle. Alors, j'ai préféré être honnête dès le départ avec lui.".
Les premiers mois de leur histoire d'amour sont idylliques. "Il était tendre, doux, amoureux... C'était vraiment l'homme parfait. J'avais l'impression que son amour agissait comme un médicament." Mais sa relation a tourné au cauchemar un soir d'été, alors qu'elle reçoit un message anonyme sur Instagram. "Un compte anonyme", explique-t-elle, avec un message court : "Je sais que c'est sans doute la dernière chose que tu as envie d'entendre, mais ton mec m'a violée la semaine dernière.".
"J'ai bloqué la personne, j'étais dans le déni. Mais quelques jours plus tard, à force de ressasser, je suis allée lui parler. C'était une jeune femme de mon âge, qui m'a raconté qu' elle avait rencontré mon mec à une soirée de boulot, qu'ils avaient bu, qu'elle s'est réveillée nue et contusionnée. Elle m'a précisé qu'elle ne me demandait pas de le quitter, ni de la croire, qu'elle ne comptait pas porter plainte. Mais qu'elle voulait que je sache."
Eléa s'est retrouvée dans ce message. "Pour l'avoir vécu, je ne pense pas qu'on puisse mentir sur ces choses-là, pas comme ça. Je me suis sentie trahie, intimement, dans ma chair. Pour moi, c'était une double peine : je perdais l'homme que j'aimais, et mes traumatismes remontaient d'un coup. C'était vraiment une double trahison, intime et brutale."
Dès le lendemain, elle a confronté son compagnon, qui a immédiatement crié au mensonge. "Il m'a affirmé que cette nana l'avait dragué, qu'il avait dit non, et qu'elle voulait se venger. Une narrative classique qui m'a dégoûtée. S'il m'avait dit qu'il avait bu et qu'il ne se souvenait plus de ce qu'il avait fait, je l'aurais peut-être cru. Là, j'ai préféré partir", conclut-elle avec tristesse.
* Par souci d'anonymat, les prénoms ont été changés.