Frédéric Beigbeder veut "continuer d’aimer l’autre sexe sans être terrorisé"

French writer and publisher Frederic Beigbeder arrives for the screening of the film
Frédéric Beigbeder veut "continuer d’aimer l’autre sexe sans être terrorisé" : les femmes veulent pouvoir sortir sans être violées et tuées. (Photo by VALERY HACHE/AFP via Getty Images)

Le 6 avril 2023, Frédéric Beigbeder publiera son prochain livre, "Confessions d'un hétérosexuel légèrement dépassé", chez Albin Michel. Interrogé à ce sujet dans les colonnes du Figaro, l'écrivain tient des propos visiblement destinés à énerver celles qu'il appelle les "néoféministes" et les "wokistes". L'occasion pour lui de prendre "la défense de l’homme d’aujourd’hui, devenu une victime dans la perpétuelle guerre des sexes", selon nos confrères.

"Critiquer le mâle blanc hétéro de plus de 50 ans, c’est être raciste quatre fois". Voilà ce qu'affirme Frédéric Beigbeder dans sa dernière interview accordée au Figaro. L'écrivain n'est pas le premier à se plaindre des reproches faits aux hommes blancs hétéros de plus de 50 ans. De Christophe Dechavanne à Patrick Sébastien, plusieurs personnalités publiques ont déjà usé de ce cheval de bataille qui fait doucement rire leurs détracteurs. Et pour cause, cette volonté de défendre et de protéger un groupe d'individus qui a toujours été favorisé par la société patriarcale a de quoi laisser un goût amer dans la bouche des personnes discriminées.

Vidéo. Frédéric Beigbeder impuissant à cause de la cocaïne : "Il m'est souvent arrivé de m'excuser"

Non, tout n'est pas une discrimination

Dans cette interview, Frédéric Beigbeder explique qu'il n'a "pas choisi d'être un homme, ni d'être blanc, ni de désirer les femmes, ni de naître en 1965." Jusque-là, pas de problème. La sexualité n'est pas un choix, le genre assigné à la naissance non plus, de même que les origines ou encore la date de naissance. Là où le bât blesse, c'est quand l'écrivain affirme : "Critiquer le mâle blanc hétéro de plus de 50 ans, c’est être raciste quatre fois." Il y dénonce le prétendu racisme anti-blanc, l'hétérophobie, l'âgisme et la misandrie. Des discriminations sur le papier, mais qui n'ont rien de systémiques, contrairement au racisme qui touche les personnes de couleur, aux LGBTQIAphobies qui font des milliers de victimes chaque année, et au sexisme qui fait lui aussi des milliers de victimes chaque année.

En 2021, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 12 500 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Dans son rapport de 2022, SOS homophobie signale avoir reçu 1 515 témoignages via ses pôles d’écoute et de soutien aux victimes de LGBTIphobies (ligne téléphonique anonyme, chat’écoute, courriel). Ces témoignages décrivent 1 138 situations LGBTIphobes en France. Selon L'observatoire national des violences faites aux femmes, en 2021, 122 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, contre 23 hommes. 82 % des morts au sein du couple sont des femmes. Dans le monde, on estime que 736 millions de femmes - soit près d’une sur trois - ont subi au moins une fois des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, et/ou des violences sexuelles de la part d’une autre personne, selon l'ONU Femmes, qui ne comptabilise pas les faits de harcèlement sexuel. Et, n'en déplaise à Frédéric Beigbeder, la grande majorité de ces violences est commise par des hommes hétérosexuels. "Je m’adresse aux hétérophobes du monde entier : vous n’avez pas le monopole de la victimisation." Peut-être. Mais les hommes blancs cis-hétéro non-plus, et pourtant, ce sont souvent à eux que la parole est donnée.

Qui terrorise qui ?

L'auteur dénonce "la minorité bruyante des wokistes", et demande à "la majorité silencieuse de cesser de se taire". "Il paraît que les hommes hétéros qui se plaignent sont surnommés les "ouin-ouin" par les néoféministes. Eh bien j'assume, dans mon livre je crie OUIN, OUIN, je veux continuer à d'aimer l'autre sexe sans être terrorisé !"

Mais qui terrorise qui ? Aujourd'hui, bon nombre d'hommes (mais #NotAllMen, paraît-il) se plaignent de ne plus pouvoir draguer en paix. D'avoir peur de prendre l'ascenseur avec des femmes et de risquer d'être accusé d'agression sexuelle. 37% des personnes interrogées estiment que les accusations de viol par vengeance ou par déception amoureuse sont fréquentes, selon une enquête Ipsos de 2022. D'après une étude menée par le National Sexual Violence Resource Center en 2012, les fausses accusations de viol représentent 2 à 10 % des accusations. Cependant, ces chiffres sont souvent gonflés en raison de définitions peu claires et de protocoles lacunaires. Par ailleurs, une enquête menée par Georgina Lee, fact checkeuse pour Channel 4 affirmait en 2018 qu'un homme avait 230 fois plus de chances d'être faussement accusé de viol que d'être violé par un autre homme. Une réalité édifiante, mais trop souvent mise de côté. Là où les hommes ont peur de fausses accusations, les femmes ont peur pour leur intégrité physique. Elles ont peur d'être violées, frappées, assassinées.

"Les policiers vont demander : "À quel moment vous lui avez dit d’arrêter ? Est-ce qu’il a compris qu’il devait arrêter ?""

Des arguments faciles pour attirer l'attention

Au final, l'interview de Frédéric Beigbeder n'a rien de surprenant. Elle reprend les mêmes arguments que d'habitude en évoquant les "néoféministes" plutôt que les "féministes", dans une volonté traditionnelle et patriarcale de vouloir monter les femmes les unes contre les autres. Elle dénonce le "wokisme" et la "cancel culture", quand des élus politiques accusés de harcèlement ou d'agression sexuelle sont toujours en poste. Elle regrette des discriminations anecdotiques – ce qui ne les rend évidemment pas moins graves – et veut les mettre à la même échelle que des discriminations systémiques qui coûtent la vie à des milliers de personnes chaque année.

A lire aussi

>> Harcelées au travail par leur patron : "J'ai fini par démissionner car je n'ai pas voulu ouvrir les cuisses"

>> Les violences sexuelles augmentent à la Saint-Valentin : "À cette date, je n'avais pas le droit de lui refuser un rapport sexuel"

>> Les violences sexuelles augmentent à la Saint-Valentin : "À cette date, je n'avais pas le droit de lui refuser un rapport sexuel"