Victimes de harcèlement par leurs voisins, ils ont peiné à porter plainte : "Il nous matait par la fenêtre, nous prenait en photo à notre insu"

Y a-t-il pire sensation que de ne pas se sentir en sécurité dans son propre domicile ? Alors qu'une maison ou un appartement est censé être un véritable refuge, bon nombre de personnes se sont senties apeurées chez elles, à cause de leurs voisins agressifs, voire violents. Au point parfois de vouloir déménager pour assurer leur sécurité.

Portrait of young Black woman moving the blinds on the window, peeking outside, contemplating.
Victimes de harcèlement par leurs voisins, ils ont peiné à porter plainte : "Il nous matait par la fenêtre, nous prenait en photo à notre insu". © Getty Images

Le 18 juillet 2023, Enora Malagré dévoilait dans sa story Instagram avoir porté plainte contre son voisin. "Ce voisin a vue sur ma terrasse et sur ce qui se passe chez moi et il s'est permis de m'insulter en sachant très bien qui j'étais." Elle explique que l’homme l’a menacée de "[lui] péter la gueule" et de "[la] faire déménager". "Menacer une femme de la frapper et de la violer (...) ça ne rigole pas du tout !" La comédienne et animatrice a porté plainte, inquiète de la violence de cette personne qui loge juste à côté de chez elle.

Ce cas de figure n'est malheureusement pas isolé. Alors qu'un appartement ou une maison est censé être l'endroit où l'on se sent en sécurité, les problèmes de voisinage sont malheureusement légion, et entretiennent un climat d'inquiétude chez les personnes qui sont confrontées à ce mode de harcèlement.

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"Notre voisin nous observait par la fenêtre"

Caroline* et Manon* ont vécu une histoire similaire à celle d'Enora Malagré, durant l'été 2022. "Avec la chaleur, nous avions l'habitude de garder nos fenêtres ouvertes au maximum", expliquent les deux jeunes femmes, qui vivent en couple. "Notre bâtiment forme un carré au tour d'une cour, et la fenêtre du voisin donne directement face à la nôtre. Un jour, alors qu'on se faisait un câlin devant une série le soir, on a remarqué un flash."

Etonnées, elles pensent d'abord à un éclair, puis remarquent leur voisin, appareil photo à la main, à sa fenêtre. "On l'a confronté, et il a dit qu'il prenait en photo sa télé pour la vendre. On n'avait pas de preuves, mais on n'était pas sereines." Dans les jours qui suivent, les deux jeunes femmes constatent à plusieurs reprises que leur voisin passe ses soirées à regarder en direction de leur appartement, parfois à moitié nu. "On le soupçonnait de se masturber en nous regardant. On a bougé le canapé, mis des rideaux, mais avec la chaleur, on ne pouvait pas vivre enfermées. Donc on a décidé de mettre les choses au clair avec lui. Il a d'abord nié, avant de tenir des propos sexualisants et lesbophobes", raconte Caroline, encore choquée par la situation. "Le lendemain, nous sommes allées déposer une main courante."

Les policiers ont recommandé aux deux jeunes femmes de venir déposer des mains courantes à chaque nouveau problème. En tout, elles en ont déposé trois pour insultes, mais c'est une tentative d'agression qui leur a permis de porter plainte pour de bon : "Un jour, j'ai perdu mon calme et je lui ai fait un doigt d'honneur pendant qu'il nous matait par la fenêtre. Il a jeté un bibelot par la fenêtre, qui m'a touchée à l'épaule", explique Manon. "Cela nous a permis de porter enfin plainte et d'obtenir une ordonnance restrictive. Il a été viré par le syndic' de l'immeuble, mais pour l'instant, il n'a pas encore été jugé."

"Il a empoisonné notre chien et essayé de faire pareil avec notre chat"

Lorsqu'ils ont emménagé dans leur nouvel appartement en 2018, Juliette* et Axel* pensaient avoir simplement affaire à des voisins désagréables et entêtés. "Les problèmes ont débuté le jour de notre emménagement, quand nos voisins du dessus ont constaté que nous avions un bichon maltais et un chat. Ils ont commencé par clamer que les animaux étaient interdits dans le bâtiment, ce qui est faux, et que nous devions nous en débarrasser."

Le jeune couple, âgé de 27 et 28 ans au moment des faits, tente dans un premier temps la diplomatie : "Nous leur avons expliqué la loi à ce niveau-là, et précisé que notre propriétaire était parfaitement au courant, et que cela ne lui posait pas de problème, puisque notre situation était parfaitement légale. Puis, en voyant que ça ne les calmait pas, nous avons décidé de les ignorer." Mais, quelques jours plus tard, Juliette a la mauvaise surprise de voir débarquer la police à son domicile. "Les voisins nous accusaient de tapage nocturne, et affirmaient que notre chien n'avait pas cessé d'aboyer, toute la journée et toute la soirée. Manque de bol pour eux, Axel était parti deux jours avec notre chien pour faire du camping, on a donc pu prouver que c'était faux."

La police, énervée de s'être déplacée pour rien, donne alors un avertissement aux voisins, et les deux jeunes gens pensent que l'histoire va s'arrêter là. "Grossière erreur de notre part. Dans les semaines qui ont suivi, on a commencé à trouver des jouets pour chien un peu partout dans le bâtiment : les escaliers, l'ascenseur, le hall... On les a ramassés parce qu'on pensait que les voisins allaient s'en servir pour nous accuser de dégrader les parties communes." Sans rien suspecter, le couple donne les jouets en question à leur bichon. "Il est tombé malade quelques jours plus tard, brusquement. C'est le vétérinaire qui nous a dit que ses symptômes ressemblaient à ceux d'un empoisonnement à la mort au rat. Malheureusement, il n'a pas survécu."

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Axel et Juliette décident alors de porter plainte, mais leur plainte sera classée : "On n'a jamais pu prouver quels voisins avaient laissé les jouets", regrettent-ils. Les amoureux ont pris la décision de déménager quand des jouets pour chat ont commencé à "tomber" sur leur balcon. "On n'a pas eu le courage de retourner voir la police. On a préféré partir pour ne pas revivre le même trauma."

"Mon ex violent a trouvé mon adresse, et emménagé dans l'appartement voisin"

Fuir des violences conjugales n'est pas une chose facile. Mais Magali* a eu les pires des surprises, dans son ascenseur. "J'étais séparée de mon ex depuis 6 mois. Il était infidèle, brutal, il m'insultait, me bousculait. J'avais trouvé le courage de partir, mais pas celui de porter plainte." La jeune femme avait d'abord emménagé chez ses parents, avant de trouver un appartement. "En deux mois, je m'étais créé un petit cocon dans lequel je me sentais bien, enfin chez moi, en sécurité. Jusqu'au jour où j'ai croisé mon ex... Dans l'ascenseur."

En rentrant de chez elle en fin de journée, la jeune femme aperçoit un homme en train de rentrer dans l'ascenseur, qui lui tient la porte. "Évidemment, je ne me suis pas méfiée, pourquoi l'aurais-je fait ? C'est seulement quand j'ai levé les yeux pour le remercier que je l'ai reconnu. J'étais tétanisée. Il m'a adressé un sourire narquois, sans rien dire, et est descendu au 3ème étage pendant que je continuais vers le 7ème." Magali s'enferme chez elle, et appelle une amie, qui arrive immédiatement. "Elle a vu son nom sur une boîte aux lettres, dans le hall de l'immeuble. C'était la preuve qu'il vivait bien ici."

L'histoire semble sortir tout droit d'un thriller. Magali n'ose plus sortir de chez elle, et surtout, elle se demande comment son ex a pu trouver son adresse. "J'ai fini par comprendre que c'est en faisant transférer mes factures de téléphone qu'il a su où j'habitais. Il avait gardé mes codes d'accès." Face à cette situation, elle décide de porter plainte, mais se retrouve face à un fonctionnaire de police peu convaincu. "Il m'a reproché de ne pas avoir porté plainte plus tôt, et m'a dit que rien n'interdisait à mon ex d'emménager dans mon bâtiment. Il a clairement sous-entendu que je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même."

"Malheureusement, dans ce genre de situation, on ne peut pas faire grand-chose à part une main courante", précise un gendarme qui préfère rester anonyme. "Dans les cas de harcèlement par des voisins, il faut que les faits soient réitérés à plusieurs reprises, y compris les menaces, à moins de les avoir sous forme écrite." Pour sa propre sécurité, Magali a donc décidé de partir : "Je rage d'avoir dû fuir une fois de plus, mais je ne voulais pas prendre le risque d'attendre qu'il essaye à nouveau de me faire du mal", conclut-elle.

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