Injonction à l'orgasme : "Mon mec me reproche d'être frigide parce que je n'arrive pas à jouir"
Des nouveaux sextoys qui garantissent un orgasme en moins de trois minutes aux nouvelles pratiques sexuelles, en passant par les techniques de respiration pour lâcher prise : les injonctions à l'orgasme sont partout. Et en théorie, c'est sûr : jouir, c'est génial. Mais ce n'est pas une raison pour faire culpabiliser les personnes qui n'ont jamais connu le septième ciel.
Il y a quelques jours, dans le podcast "Broad Ideas", Rachel Bilson a fait une annonce qui en a sûrement surpris plus d'un : elle a eu son premier orgasme avec un homme à l'âge 38 ans. Un chiffre pas si étonnant quand on sait que l'âge moyen du premier rapport sexuel est de 17 ans, mais que les meilleurs orgasmes féminins n'arrivent que vers l'âge de 36 ans, selon une étude réalisée par l'application contraceptive Natural Cycles. En 2021, une étude menée par la marque de sextoys We-Vibe révélait que les femmes jouissaient 28,3% moins souvent que les hommes, dans le cadre de relations hétérosexuelles. Bref, l'orgasme met parfois du temps à arriver, et ça n'a rien de surprenant.
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Des injonctions à l'orgasme qui nuisent au plaisir
Ne pas avoir d'orgasmes à tous les coups, c'est peut-être fâcheux, mais c'est normal. L'idée est désormais bien rentrée dans les moeurs. Mais cela n'empêche pas la jouissance d'être devenue le Graal de la sexualité, comme si le plaisir ne suffisait pas. Comme si cette explosion de sensations se devait d'être une finalité à un rapport sexuel. L'encouragement devient alors injonction. Quand les magazines féminins, les comptes sexo des réseaux sociaux et les discussions entre copines tournent toujours autour de l'orgasme, difficile de ne pas se sentir anormale quand ce dernier est fuyant.
Or, selon la sexologue Virginie Koopmans, une sexualité épanouie ne passe pas nécessairement par la jouissance. Au contraire, le fait de se mettre la pression pour jouir le plus souvent possible est le meilleur moyen de fuir les orgasmes. "La pression, c’est se mettre en état de stress, c’est se refermer sur tout. Je donne souvent à mes patients l’exemple des œillères. On passe à côté de l’échange, de la sensualité, du partage... Et donc des bons stimuli qui permettent de prendre du plaisir."
Une injonction sociétale avant tout
"Franchement, je ne dis même plus à mes copines que j'ai du mal à avoir des orgasmes", regrette aujourd'hui Sarra, 25 ans. "Entre nous, on parle beaucoup de notre vie sexuelle, que ce soit de notre dernier plan cul ou de notre nouveau sextoy. Au début, quand je leur disais que je ne jouissais pas fort, voire pas du tout, elles me disaient que ça allait venir. Puis elles ont commencé à me donner mille conseils, qui vont de "Utilise un vibro" à "Parles-en à un psy" en passant par "Change de mec". Pourtant, je ne crois pas avoir de blocage psychologique. C'est juste que plus le temps passe, plus je me mets la pression."
Pour la jeune femme, cette pression ne vient pas que de ses amies, elle vient de la société en général. "La révolution sexuelle, c'est très bien, mais j'ai l'impression qu'aujourd'hui, pour vivre une vie qui mérite d'être vécue, il faut jouir, jouir et jouir encore. Parfois, j'ai même l'impression d'être une mauvaise féministe parce que je ne jouis pas, même en me masturbant, preuve que ce n'est pas forcément la faute de mes partenaires. Et pourtant, je kiffe le sexe ! Je veux juste qu'on me lâche la grappe avec l'idée d'avoir des orgasmes à tout bout de champ."
Une injonction au sein du couple
Au-delà de l'injonction sociétale, c'est l'attitude de son compagnon au sujet de ses rares orgasmes qui commence à profondément énerver Anissa, 24 ans. "J'ai commencé ma sexualité sur le tard. Je ne m'étais jamais masturbée avant mon compagnon actuel car c'était contraire à mon éducation très religieuse. J'ai perdu ma virginité l'année dernière. Du coup, je pense que c'est normal que je n'arrive pas encore à beaucoup jouir, ce sont des sensations que je découvre. Mais mon mec, qui a eu beaucoup de partenaires avant moi, n'arrive pas à comprendre 'ce qu'il fait de mal', comme il le répète à chaque fois que nous couchons ensemble", regrette-t-elle.
Résultat, la jeune femme a droit à des questions incessantes. "'Tu vas jouir si je continue comme ça ? Et là, tu vas jouir ? Alors, tu as joui ?' A chaque rapport, j'ai l'impression d'être face à un coach sportif plutôt qu'à un homme qui m'aime. Chaque fois qu'il comprend que je n'ai pas eu d'orgasme, il a la mine défaite, il boude. Dans un coup de colère, il m'a même reproché d'être frigide. Alors forcément, ça tue petit à petit ma libido. Le sexe est censé être une source de plaisir, pas une source de stress de la performance." A tel point qu'Anissa se demande si elle ne va pas commencer à simuler pour avoir la paix. "C'est triste d'en arriver là, mais mon absence d'orgasmes est devenue un problème d'égo pour lui. Ça a beau être mon corps, mes sensations et mon problème, il estime que ça le concerne et que ça l'impacte. Du coup, je culpabilise de ne pas pouvoir 'jouir pour lui'."
Une triste constatation pour Virginie Koopmans, qui rappelle qu'il est "tout à fait possible d'avoir une vie sexuelle épanouie sans avoir d'orgasme."
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