Non, je ne veux pas penser aux calories que je vais brûler pendant le sexe

Banana cover with measuring tape on blue background

Calories par-ci, calories par-là : le printemps n'est pas encore là que le bikini body semble déjà dans toutes les têtes. La presse féminine enchaîne les articles sur des régimes dangereux, les vidéos d'exercices minceur pullulent sur Internet, et visiblement, même les marques qui n'ont a priori rien à voir avec la minceur s'en mêlent. Y compris celles qui touchent à la sexualité.

Tout a commencé avec un communiqué de presse. Un message somme toute assez classique dans la boîte mail d'une journaliste : on en reçoit au bas mot entre 50 et 200 par jour, c'est dire si ça en fait des notifications. Sauf que celui-ci a un titre qui retient l'attention. "Les meilleures positions sexuelles pour tonifier ton corps". Oui oui, vous avez bien lu. Le sujet est après tout un marronnier dans la presse féminine : comment se muscler grâce au sexe, comment brûler des calories en s'envoyant en l'air. Classique, oui. Mais profondément énervant.

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Le sexe, un sport comme un autre ?

Selon un sondage réalisé par la marque Lovehoney, boutique en ligne dédiée au bonheur sexuel, la moitié des adultes britanniques considèreraient le sexe comme une activité sportive à part entière. Pire : une personne sur quatre (parmi les sondés âgés de 18 à 44 ans) surveillerait son rythme cardiaque et le nombre de calories brûlées pendant ses ébats grâce à une montre connectée. La marque a donc décidé de dresser la "liste des meilleures positions sexuelles pour brûler un maximum de calories". Et franchement, voir le sexe sous ce prisme de la performance, c'est un peu déprimant.

Bien sûr, l'idée de pouvoir maigrir de façon amusante et plaisante a de quoi séduire bon nombre de personnes. Mais la perspective derrière tout ça est toxique à plusieurs niveaux. Déjà parce qu'il s'agit d'une injonction supplémentaire au sexe, qui vient s'ajouter à la longue liste de celles que subissent les femmes et les personnes ayant un corps assigné femme à la naissance. Mais aussi parce que cette course aux calories brûlées est tout simplement épuisante.

Tous les prétextes sont bons pour brûler des calories

Entre la promotion de la monodiète et du jeûne intermittent, les régimes potentiellement dangereux pour la santé sont plus populaires que jamais. Et ce même dans une société qui prône de plus en plus le body-posi. Comprenez : il faut s'aimer quelle que soit son apparence, mais s'aimer en étant mince et en bonne forme physique, c'est quand même mieux. L'image de la "grosse acceptable", c'est-à-dire celle qui a des formes mais un ventre plat, des grosses fesses mais pas de cellulite, est loin d'être représentative des femmes en surpoids, et pourtant, elle reste celle qui est mise en avant, car considérée comme "esthétiquement acceptable".

D'ailleurs, bon nombre de magazines féminins en jouent. Et toutes les activités sont prétexte à compter les calories. Faire le ménage pour se dépenser physiquement, regarder des films d'horreur parce que la peur accélère le métabolisme... Il paraît même que pleurer permettrait de brûler 1,3 calories par minute. Bonne nouvelle mesdames : 30 minutes d'un gros chagrin permettent de perdre 33 calories. Soit l'équivalent de 10 grammes de frites. Wahou.

Dans notre société grossophobe ou les régimes et la perte de poids sont largement encouragés et glorifiés, le décompte des calories est permanent. Certains restaurants les affichent même sur leur menu. Ce genre d'attitude ne mène d'ailleurs pas forcément à une alimentation plus équilibrée. Au contraire, c'est plutôt le genre de chose qui encourage les troubles du comportement alimentaire. Au même titre que les régimes chez les enfants, d'ailleurs.

Alors vraiment, la question se pose : a-t-on vraiment envie de compter les calories en permanence, même quand on est en train de baiser ? La réponse est probablement non. Mais le problème ne s'arrête pas là.

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Une injonction de plus à la sexualité

Voir le sexe sous le prisme des bénéfices en matière de perte de poids est aussi problématique d'un point de vue purement sexuel. Si les injonctions au régime sont nombreuses, celles à avoir une sexualité régulière le sont tout autant, si ce n'est plus. Car si les femmes qui aiment le sexe continuent à passer pour des salopes, celles qui ne couchent pas assez sont vite considérées comme des prudes ou des coincées. Les encourager à s'envoyer en l'air pour brûler des calories, c'est zapper la question du consentement (pour rappel : on fait l'amour avec qui on veut, quand on veut, et seulement si on le veut). Mais c'est aussi zapper la question du plaisir.

L'objectif du sexe (outre l'aspect purement reproductif de la bagatelle) n'est pas de transformer chaque partie de jambes en l'air en séance de sport. Car à trop se concentrer sur l'aspect performance, on en oublie purement et simplement le plaisir de faire l'amour. Un problème qui vient se cumuler au fossé orgasmique entre les femmes et les hommes. Pour rappel, dans une relation hétérosexuelle, les femmes jouissent nettement moins souvent que leur partenaire, notamment par manque de stimulation clitoridienne externe, et parce que les rapports sont encore trop souvent phallocentrés. Et ce n'est pas en faisant des squats pendant la pénétration que tout ça va changer.

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