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Hyperpilosité et hirsutisme chez les femmes : "Je passe mes soirées à épiler mon menton"

Young woman shaving beard on white background

Une femme qui a des poils sur les jambes ou au niveau des aisselles est souvent pointée du doigt. Mais quid de celles qui ont des poils sur le visage, ou encore sur la poitrine ? Victimes de dérèglements hormonaux ou tout simplement plus pileuses que la moyenne, ces dernières développent de vrais complexes. Voici leurs histoires.

Il y a encore très peu de temps, les femmes à barbe étaient considérées comme des curiosités. Elles étaient exposées dans les foires aux monstres, moquées, humiliées, comme si elles avaient quelque chose à se reprocher. Ce phénomène vous paraît lointain ? Pourtant, les moqueries sur les poils sont loin d'être de l'histoire ancienne. Chaque année, des stars sont victimes de critiques parce qu'elles décident de ne plus raser leurs jambes ou leurs aisselles. Sur les réseaux sociaux et parfois même dans la rue, des femmes sont interpellées parce qu'elles ont fait le choix de ne pas passer des heures à s'épiler ou à se raser.

Cette défiance envers la pilosité féminine existe pour les jambes, les aisselles, les avants-bras, même si ces poils-là sont de plus en plus acceptés par la société. En revanche, il existe un sujet encore particulièrement tabou, celui de la pilosité excessive. En effet, chez certaines personnes, des poils se développent sur des zones auxquelles on ne s'attend pas vraiment : le visage et la poitrine, notamment. Or, le sujet est si peu abordé que les femmes qui en souffrent se retrouvent souvent démunies face à cette situation.

A quoi peut être due une pilosité abondante ?

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles certaines femmes développent une pilosité excessive, selon le Dr Jacob, endocrinologue. "On parle généralement d'hyperpilosité, mais ce nom qui englobe un peu tout et n'importe quoi peut être trompeur", explique la spécialiste. "Une pilosité abondante peut être une simple hypertrichose, un développement excessif de poils dans les régions naturellement pileuses chez la femme. Elle peut être due à un surpoids, ou à certains médicaments, mais n'est pas liée à un dérèglement hormonal, ni à une pathologie."

D'autres formes d'hyperpilosité prennent une apparence différente. "Si une patiente souffre d'une forte pilosité sur des zones habituellement glabres chez la femme (visage, poitrine, dos, fesses...), et que ces poils sont épais et drus, on peut se retrouver face à un cas d'hirsutisme. Cette pathologie est due à une production excessive d’hormones mâles (les androgènes comme la testostérone) ou à une sensibilité augmentée de la peau à des taux normaux d'androgènes. La cause connue la plus fréquente est le syndrome des ovaires polykystiques, qui touche 5% des femmes en âge de procréer, mais l'hirsutisme peut aussi être dû à des maladies génétiques, même si c'est plus rare." Toutefois, la spécialiste le précise : "Dans la grande majorité des cas, on ne trouve pas de cause à l'hirsutisme : le bilan hormonal et ovarien des personnes concernées est normal. Et cela entraîne une certaine fragilité chez mes patientes, qui ne peuvent pas se reposer sur un diagnostic pour mieux comprendre la source de leur mal-être."

Le Dr Jacob l'affirme : les cas d'hyperpilosité chez la femme ne sont pas si rares. "Je ne compte plus le nombre de patientes qui viennent après des années à traquer le moindre poil, persuadées d'être des monstres, d'être anormales. On a tellement l'habitude des corps féminins imberbes que ces dernières n'osent pas en parler."

"Crème, épilateur, laser... J'ai tout essayé pour virer mes poils"

Mathilde* a réalisé qu'elle avait une pilosité supérieure à la normale au niveau de son cou et de son menton lorsqu'elle était en 4ème, à la suite de la réflexion d'une de ses amies. "À l'époque, je n'avais rien remarqué, mais une fois qu'elle me l'a dit, je ne voyais plus que ça. J'ai d'abord essayé la crème décolorante, sans gros succès, puis l'épilateur électrique. Tous les dimanches, ma mère prenait le temps de m'épiler avec soin le menton et le cou à la pince à épiler. Tout ça, jusqu'à la fin du lycée."

Une fois majeure, la jeune femme décide d'aller voir un dermatologue, mais sera très mal accueillie. "Le rendez-vous a duré 10 minutes, et sans le moindre check-up, elle m'a prescrit un médicament nommé Androcur (un traitement qui a depuis été pointé du doigt par l’Agence nationale de sécurité du médicament, car il multiplierait les risques de tumeur au cerveau, ndlr). C'était le genre de traitement qui te détruit de l'intérieur. Puis, un autre dermato m'a prescrit des séances de laser. Quatre séances plus tard, ma pilosité avait diminué, pour revenir de plus belle peu après."

Finalement, Mathilde a fait le choix de consulter une endocrinologue. Et elle fait partie des personnes qui souffrent d'hyperpilosité, sans le moindre dérèglement hormonal. "C’est triste à dire mais j’aurais aimé connaître la cause de tout ça", regrette-t-elle. En attendant, elle s'interroge fortement sur la multitude de traitements subis au cours des années passées. "J’en viens à me remettre en question : si mon corps "va bien" est ce que c’est vraiment nécessaire de prendre un traitement ? Est ce que je ne dois pas apprendre à vivre avec ? Me foutre totalement des regards insistants ? Reconnaître que je ne me sentirais pas assez belle, féminine comme je l’aimerais ?" Une situation qui la "bouffe", en dépit des quelques représentations de femmes qui assument leurs poils qui commencent à apparaître. "Je trouve ça vraiment super cool et badass que ces filles se montrent avec de la pilosité au visage qui ne correspond pas du tout aux normes qu’on connaît. Je pense que ça m’aide un peu mais je ne peux pas dire que ce soit non plus la solution miracle car ça reste encore quelque chose de tabou."

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"Tous les soirs, je traque mes poils avec ma pince à épiler"

Leïla*, de son côté, n'a pas renoncé à se débarrasser des poils qui la complexent. "Je ne me rappelle plus exactement quand ils sont apparus, mais j'ai l'impression qu'ils sont sortis de nulle part, du jour au lendemain. Et depuis maintenant 10 ans, je vis ma pince à épiler à la main." La trentenaire a toujours eu une pilosité plus développée que la normale, ce qui ne la dérangeait pas plus que ça, jusqu'à ce que des poils apparaissent sur son visage. "J'ai fait le test de ne pas m'épiler pendant le confinement. Au bout de trois semaines, j'avais une barbe drue qui me recouvrait l'intégralité du menton."

De son côté non plus, pas de dérèglement hormonal. "J'ai fait faire des bilans par trois spécialistes différents, pour être sûre. Je ne prends plus de contraception hormonale, je ne suis pas en surpoids, je surveille mon alimentation, je ne prends pas de médicaments. Mais ça ne change rien." En revanche, la présence de cette pilosité a tourné à l'obsession chez la jeune femme : "Tous les soirs, devant la télé, je dégaine mon miroir grossissant, ma pince à épiler et ma lampe pour traquer mes poils. Et le matin, je passe un coup de rasoir en plus, avant d'appliquer mon fond de teint pour bien tout camoufler."

Les représentations de femmes qui assument leurs poils ne changent pas grand-chose pour elle, bien au contraire même. "Quand je vois le torrent de haine qu'elles se prennent dans la figure, ça me terrifie. Je ne pourrais jamais encaisser tout ça, alors je préfère m'épiler, cacher, camoufler." Mais depuis peu, si elle ne montre pas ses poils, elle a décidé d'en parler. "On a tellement l'habitude de voir des corps normés, épilés, glabres, que le moindre poil sur une nana devient une montagne. Et les femmes ont tellement l'habitude de s'épiler qu'elles n'en parlent pas non plus, ce qui permet au tabou de rester en place." En évoquant le sujet avec sa mère, Leïla a d'ailleurs eu une révélation : "Ma mère s'épile exactement comme moi depuis des années, et je ne l'ai jamais su." La preuve que ce genre de secret est souvent bien gardé.

* Les prénoms ont été changés pour des raisons d’anonymat.

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