1 adolescente sur 10 a déjà utilisé un produit minceur inefficace et dangereux pour maigrir

Il n'y a pas d'âge pour subir les diktats de la minceur. Dès l'adolescence, et souvent même dès l'enfance, les filles se lancent dans des régimes draconiens pour correspondre aux critères de beauté que la société leur impose. Quitte à consommer des substances qui peuvent se révéler dangereuses, en plus d'être inefficaces.

1 adolescente sur 10 a déjà utilisé un produit minceur inefficace et dangereux pour maigrir. © Getty Images
1 adolescente sur 10 a déjà utilisé un produit minceur inefficace et dangereux pour maigrir. © Getty Images

Compléments alimentaires coupe-faim, pilules brûle-graisses, thés minceur : le marché est inondé de produits qui n'ont qu'un seul objectif, accélérer ou faciliter la perte de poids. Beaucoup sont disponibles en parapharmacie, sans ordonnance. Mais avec l'avènement d'Internet, ces derniers peuvent également être commandés en quelques clics et donc consommés sans les recommandations d'un·e pharmacien·ne au moment de l'achat.

Pire : les marques qui commercialisent ces "remèdes miracles" pour une perte de poids rapide n'hésitent pas à faire la promotion de leurs produits sur les réseaux sociaux, usant et abusant des influenceurs et influenceuses pour faire leur promotion. Ce qui les rend d'autant plus alléchant pour les personnes influençables, et notamment les adolescent·e·s.

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Dans le monde entier, des ados consomment des produits minceur

Publiée par JAMA Network le 10 janvier 2024, une analyse pédiatrique révèle que près d'une adolescente au régime sur 10 aurait déjà consommé des produits dédiés à la perte de poids. Cette analyse dresse le bilan de dizaines d'études menées sur plus de quarante ans. Selon les estimations des chercheurs, 9 % des adolescents de la population générale ont utilisé des produits amaigrissants en vente libre au cours de leur vie, dont environ la moitié au cours du mois dernier.

Les pilules amaigrissantes sont les produits les plus couramment utilisés, consommées par environ 6 % des adolescents au cours de leur vie. Elles sont suivies par les laxatifs (4%) et les diurétiques (2 %).

Des produits pour maigrir dangereux pour la santé

Outre le fait que les posologies de ces produits amaigrissants sont généralement calculées pour des adultes, ce qui entraîne des risques de surdosage, ces produits présentent des risques pour la santé mentale et physique des enfants et des adolescents, rappellent les chercheurs, qui précisent qu'ils ne sont "pas médicalement recommandés pour maintenir un poids sain."

Plusieurs recherches ont en effet trouvé des liens entre l'utilisation de produits amaigrissants sans ordonnance et les troubles des conduites alimentaires, mais ces produits sont également associés à des risques de faible estime de soi, de dépression, et même d'abus de substances. Par ailleurs, ils peuvent entraîner des problèmes de croissance, et une prise de poids à l'âge adulte.

Les professionnels de santé tirent la sonnette d'alarme

"Près d’un adolescent – et majoritairement chez les adolescentes – sur dix a utilisé des produits amaigrissants non prescrits inefficaces et potentiellement nocifs au cours de sa vie, ce qui suggère que des interventions sont nécessaires pour réduire l’utilisation de produits amaigrissants dans cette population", affirment les auteurs de l'étude.

Interrogée par CNN, le Dr Paula Cody, directrice médicale de la médecine de l'adolescence à la faculté de médecine et de santé publique de l'Université du Wisconsin, l'affirme : "L’incidence des troubles du comportement alimentaire a augmenté de façon assez spectaculaire après la pandémie. Nous avons vu les chiffres monter en flèche. Je pense donc à l’inquiétude que j’avais auparavant (elle alerte sur les dangers de ces produits amaigrissants depuis de nombreuses années, ndlr), qui n’était pas une mince affaire à l’époque, et je suis encore plus inquiète aujourd'hui."

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La spécialiste, qui travaille avec des adolescents souffrants de troubles du comportement alimentaire, précise observer régulièrement des changements "dramatiques" au niveau du rythme cardiaque, de la tension et des habitudes de sommeil de ses patients. "Quand on essaye de comprendre d'où viennent ces changements, on constate qu'ils proviennent souvent de pilules amaigrissantes qui contiennent de la caféine. "Dans une population qui a l’impression qu’elle fera tout ce qu’il faut pour perdre du poids, les pilules amaigrissantes peuvent être une chose très, très intrigante à ajouter à leur arsenal", regrette-t-elle.

Un avis partagé par la pédiatre Sarah Raatz, du Centre de médecine de l’obésité pédiatrique de l’Université du Minnesota : "Lorsque les patients se trouvent dans un espace où ils se sentent un peu plus désespérés à l'idée de perdre du poids, et qu’ils font des choses sans guide, sans direction et optent pour des choix moins sains, cela peut certainement conduire à des comportements de santé mentale ou des comportements alimentaires plus problématiques."

Les compléments alimentaires ne sont pas une solution contre l'obésité infantile

En janvier 2023, l'étude de l'Inserm sur l'obésité infantile estimait que 5% des enfants étaient en situation d'obésité, une tendance qui semble se diriger vers une hausse. Toutefois, les pilules amaigrissantes et autres compléments alimentaires coupe-faim ne sont pas la solution, aussi bien chez les adultes que chez les enfants.

Selon l'Association Anorexie Boulimie Ouest, 600 000 jeunes souffriraient de troubles du comportement alimentaire en France, et ces derniers constituent la 2ème cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route. L'anorexie mentale, notamment, peut commencer dès l'âge de 8 ans. Il est donc essentiel de pouvoir proposer un véritable accompagnement des jeunes, dès l'enfance, pour leur apprendre à avoir un rapport sain vis-à-vis de la nourriture pour éviter les dérives.

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