"Perdez 5kg avant l'été !" : arrêtez de vous faire berner par les régimes express, c'est de l'arnaque

A pair of female feet standing on a bathroom scale
Les régimes express de l'été sont mauvais pour la santé. © Getty Images

Chaque année à l'approche des beaux jours, c'est la même rengaine. Dans les magazines féminins, sur Internet, sur les réseaux sociaux, on se retrouve confronté·e·s à toute sorte de conseils minceurs et une recommandation : préparer son "summer body" à grands coups de régimes express qui promettent monts et merveilles. Spoiler alert : c'est une arnaque. Non seulement les régimes qui promettent de perdre 5 kilos en un mois sont mauvais pour la santé, mais en prime, ils garantissent un effet yo-yo dès la fin de l'été, ce qui peut encore plus vous faire de mal.

Les régimes de l'été sont probablement le plus grand marronnier de la presse à travers le monde. C'est un sujet qui revient à différentes périodes de l'année. Pendant les fêtes, on se tape les injonctions à "éliminer les excès de Noël et du Nouvel An", et l'été, c'est le summer body qui s'impose. Pas question d'avoir un bourrelet qui dépasse au moment d'enfiler son bikini pour aller se pavaner sur la plage, alors que certains magazines donnent même de conseils sur "comment avoir l'air d'être plus mince à la plage", grâce au contouring à l'auto-bronzant, au maillot de bain gainant et à la bonne position. Vous savez, celle qui est bien inconfortable, mais qui permet de faire croire à la terre entière que le gras et vous, ça fait deux.

En tant que femme grosse, "l'épreuve du bikini" si chère à la presse féminine fait partie des raisons pour lesquelles j'ai boudé les vacances entre copines, préféré rester dans l'eau jusqu'au cou plutôt que de me prélasser sur ma serviette de plage ou porté un paréo à la minute où je sortais de ma baignade. Pourtant, je vous l'assure : les fameux régimes "moins 3 kilos en 10 jours", ou "perdez 9 kilos avant l'été", je les ai tous testés, y compris le régime dangereux dont Kim Kardashian a vanté les mérites à l'occasion du Met Gala, s'attirant les foudres de nombreuses personnes.. Ça ne marche pas, et bon nombre de médecins nutritionnistes le confirment : c'est une arnaque qui peut avoir de graves conséquences sur notre état de santé. Un point important à rappeler et à expliquer en cette journée mondiale de sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire (TCA), organisée par la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB).

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Haro sur les régimes express

Forcément, je me suis posé la question : est-ce que ces régimes express n'ont pas fonctionné sur moi parce que je manque de volonté ? Après tout, c'est le reproche principal qui est fait aux personnes en surpoids qui n'arrivent pas à maigrir : le grand public pense automatiquement qu'elles ne sont que des feignasses pas foutues de prendre de bonnes habitudes. Mais en posant la question à de nombreuses personnes, la constatation est là : dans le meilleur des cas, ça marche... Pendant un temps. "Ça fait 20 ans que je perds 10 kilos entre mai et juin pour pouvoir être sexy en bikini pendant l'été, et que je reprends tout à la rentrée", me confie Joséphine, 36 ans et habituée des régimes express depuis l'adolescence.

Chaque année, elle a son rendez-vous annuel non pas chez un médecin ou un nutritionniste, mais dans son kiosque, pour acheter les magazines féminins qui promettent monts et merveilles à leurs lectrices (puisque c'est bel et bien aux femmes que s'adressent la plupart des injonctions à la perte de poids). "Chaque année, il y a des régimes différents. J'ai tout essayé : la mono-diète pomme-courgette, la soupe aux choux, le régime hyperprotéiné à la Dukan... Deux mois de privation totale où je ne mange pas la même chose que mon mari et mes enfants, où je ne vais pas au resto, où je ne mange pas les choses que j'aime. Alors oui, ça marche. Mais à quel prix ? Celui de ma bonne humeur et de ma vie sociale." Pendant l'été, la jeune trentenaire reprend ses habitudes alimentaires "classiques", maintient son poids jusqu'à la rentrée scolaire, et petit à petit, les kilos se réinstallent sur la balance. "J'ai conscience que mon poids "habituel" est sans doute mon poids de forme, et que je me rends malheureuse juste pour avoir l'air canon en bikini, mais c'est plus fort que moi." Preuve que le problème va plus loin qu'une simple considération physique.

Régimes express : que disent les médecins ?

A ma grande surprise, obtenir des avis de professionnels de la diététique et de la nutrition a été plus compliqué que ce que je pensais. Une nutritionniste qui préfère rester anonyme m'a confiée : "Il y a tellement de trucs qui commencent à sortir sur tous les régimes à la mode que plein de spécialistes ne veulent plus en parler dans les médias, en bien ou en mal, parce qu'après ça se retourne contre eux." Pierre Dukan en est la preuve. Cet ancien médecin (qui a depuis été retiré du tableau de l'Ordre des médecins) est à l'origine du fameux régime Dukan, si populaire au début des années 2010. Hyperprotéiné et hypocalorique, ce programme minceur promet de perdre 5 kilos en quelques jours pour lancer la machine, et ensuite d'entraîner une perte de poids régulière. Mais son régime a fait polémique, notamment en étant taxé par le nutritionniste Jean-Michel Cohen de "véritable déstructuration alimentaire" qui pouvait causer "de graves problèmes de santé chez certains patients, comme une hausse de cholestérol, des problèmes cardiovasculaires ou des cancers du sein."

Le docteur Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, fait partie de ceux qui tirent la sonnette d'alarme concernant ces régimes tendances qui promettent des résultats miracles : "Avec les régimes express, on a l'impression d'avoir découvert le Graal absolu, parce qu'on a l'impression de pouvoir tout contrôler. On a envie d'y croire. Même des esprits cartésiens se retrouvent à faire des régimes complètement farfelus. Il y a des gens qui vont faire des cures dans des cliniques où ils ne mangent rien pendant une semaine, ils vont faire jeûne et randonnée, des soupes au chou, le régime Dukan, le régime Thonon, etc... Tous les points communs entre ces régimes, c'est que vous ne bouffez rien." Il précise : "Il y a forcément des aliments que vous ne mangez plus, et forcément, au début, vous y aller, parce qu'on vous dit : "Vous n'aurez pas faim, puisque vous pouvez manger des brocolis à volonté." Mais ce qui fait le charme, c'est de pouvoir manger un éclair au chocolat de temps en temps. Si on vous interdit définitivement de manger des pâtes, du riz ou n'importe quel autre aliment, au bout d'un moment, vous ne tenez plus."

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Perdre plus de trois kilos par mois, c'est dangereux

Le spécialiste de la santé et de la nutrition l'affirme : on ne perd pas du poids n'importe comment, et encore moins à toute vitesse. "Sans risquer de mettre sa santé en danger, on ne peut pas perdre plus de deux à trois kilos par mois. Ça reste raisonnable et raisonné." On est donc loin des moins 5 kilos sur la balance promis par bien des magazines... "Quelqu'un qui va vous dire qu'il a perdu 10 kilos en un mois, c'est dramatique. Les pertes de poids que l'on observe par exemple après les chirurgies contre l'obésité peuvent être très problématiques parce qu'elles sont dangereuses pour l'état de santé du patient, c'est pour ça qu'elles doivent être très surveillées."

Pourtant, dans une société où la minceur à tout prix est placée sur un piédestal, les pertes de poids sont félicitées à travers un argument santé. Maigrir, c'est prendre soin de son corps, allonger son espérance de vie, améliorer sa santé ? Eh bien, pas forcément. "Perdre du poids trop vite, ce n'est pas du tout une bonne solution pour améliorer sa santé. Et puis il y a des personnes qui sont en surpoids mais qui sont en excellente santé, ça dépend de tout un tas de facteurs : l'activité physique, le pourcentage de matière grasse, etc... Vous pouvez avoir des gens de poids normaux qui sont en mauvaise santé, "métaboliquement obèses", comme on dit, et des obèses "métaboliquement sains". Il ne faut pas s'arrêter uniquement au poids."

C'est par exemple le cas de Léonie, 32 ans et obèse, selon son IMC (indice de masse corporelle). "Avec 100 kilos sur la balance pour mon mètre 65, forcément, je suis plus que grosse. Et on me dit tout le temps que je suis en mauvaise santé, que je vais mourir jeune. Pourtant, mon médecin me dit tout le contraire. Mon poids est stable, mes analyses sont excellentes, mon coeur va très bien. Il me dit que j'ai "des analyses de personne mince". Parce que oui, je suis en surpoids, mais je fais du sport et je ne mange pas n'importe quoi. Mon métabolisme a juste été flingué par les régimes à répétition, et il estime qu'il vaut mieux que je me maintienne à mon poids actuel que de maigrir et de re-grossir par la suite."

Les dangers du yo-yo

Les propos du médecin de Léonie peuvent paraître surprenants, tant le surpoids est opposé à la bonne santé dans tous les discours. Pourtant, le docteur Arnaud Cocaul l'affirme : "Il vaut mieux un obèse qui reste à un poids stable qu'une personne qui perd et reprend du poids en permanence. L'accordéon pondéral, c'est ce qu'il y a de pire en médecine parce que ça met à mal tout l'organisme. Si vous perdez et que vous reprenez 10 kilos, vous mettez à mal votre coeur, vos articulations. Vous les soulagez pendant un temps, ils s'habituent à ce nouveau fonctionnement, et avec une reprise de poids rapide, ils sont moins efficaces pour compenser les kilos en plus. Tout le corps vieillit. L'effet yo-yo, c'est ce qu'il y a de pire." Une étude publiée en avril 2022 lors de la réunion annuelle de l’American Physiological Society le confirme : "les fluctuations du poids corporels résultant d’une réduction et d’une augmentation drastiques des calories" augmenteraient les risques de maladies cardiaques, et aussi le risque de diabète."

C'est dit : les régimes express ont des conséquences sur le long terme. Outre celles sur la santé physique, elles touchent également la santé mentale. "A force de vous interdire certains aliments, vous risquez de développer des troubles du comportement alimentaire. D'ailleurs, les gens développent généralement des TCA tournés vers le sucré : les bonbons, les gâteaux, tout ce qui est supprimé en premier dans le cadre des régimes. Avec la frustration, vous allez faire une descente de chocolat et vous remplir." De l'hyperphagie, donc, un trouble qui ressemble à des orgies alimentaires où la nourriture est avalée à toute vitesse dans l'objectif de se remplir, quitte à se rendre malade. "Il y a des problèmes d'appréciation des volumes parce que vous avez perdu le sens des volumes à cause du régime. Résultat, les gens sont malheureux parce qu'ils n'arrivent plus à contrôler ni leurs émotions, ni leur poids. Et dès qu'ils ont des contrariétés, ils se vengent sur l'alimentation", confirme le médecin. Un véritable cercle vicieux.

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Régime express : pourquoi c'est une arnaque ?

La question à se poser est la suivante : avez-vous vraiment envie de mettre en péril votre santé physique et mentale pour vous conformer aux normes de la société ? La réponse est probablement non. Si vous avez vraiment envie de perdre du poids, la seule solution est de prendre son temps, et de se faire accompagner par des professionnels de santé (médecins, nutritionnistes mais aussi psychologues) pour comprendre comment fonctionnent votre appétit, votre organisme et votre rapport à la nourriture. Cela vous permettra trouver les solutions qui vous conviennent, sur le long terme et non pas en l'espace de quelques semaines.

Le docteur Arnaud Cocaul est formel : "Les régimes express, ça ne fonctionne pas, parce que ça violente l'organisme, et ça perturbe les signaux de régulation de l'appétit au niveau cérébral. C'est-à-dire que ça contrarie le fonctionnement normal de votre corps. Tout ce qui est assimilation des nutriments et complètement perturbé, et faire des régimes restrictifs, c'est-à-dire se contraindre à ne pas manger, cela revient à imposer à votre organisme quelque chose qui ne va pas fonctionner durablement." Il précise par ailleurs que ces régimes restrictifs rapides ne s'attaquent pas à la vraie source du problème, le gras : "Quand vous faites des régimes restrictifs, vous perdez de l'eau et du muscle, au départ. La réserve de gras, c'est ce qui disparaît en dernier. Et en plus, vous utilisez des carburants, des corps cétoniques quand vous faites de la restriction. Ce sont des substances qui ne sont pas des substances normales du fonctionnement de votre corps. On s'est rendu compte qu'après, votre métabolisme est moins flexible. C'est à dire que vous réagissez moins bien aux signaux d'alimentation. Dès lors que vous avez des sollicitations olfactives ou visuelles, vous allez être moins résistants puisque vous avez mis à mal votre équilibre alimentaire."

Les régimes "spécial bikini" des magazines féminins sont des arnaques capitalistes qui encouragent à la normalisation des corps au détriment de la santé physique et mentale. Ne vous laissez plus avoir.

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