Sexualité : les Français font moins l’amour mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose, selon l’Inserm

Si les Français déclarent avoir eu moins de rapports au cours des douze derniers mois, cela n’entame pas pour autant leur satisfaction sexuelle.
franckreporter / Getty Images Si les Français déclarent avoir eu moins de rapports au cours des douze derniers mois, cela n’entame pas pour autant leur satisfaction sexuelle.

SEXUALITÉ - À quoi ressemble la vie intime des Françaises et des Français en 2023 ? Voici la question à laquelle s’est attelé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans une vaste enquête intitulée Contexte des sexualités en France, et dont les résultats ont été dévoilés ce mercredi 13 novembre.

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Fruit de cinq années de travail, elle dresse pour la première fois depuis 2006 – date de la dernière recherche similaire – un état des lieux des représentations et des pratiques sexuelles des Français. Elle s’appuie sur des interrogatoires menés par téléphone et sur Internet auprès de 31 518 personnes âgées de 18 à 89 ans, résidant en France hexagonale et dans quatre territoires ultramarins : la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane.

Une diversification des pratiques et des partenaires

Premier enseignement de la recherche menée par l’Inserm, avec l’aide de Santé Publique France et de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes : les Françaises et les Français entrent de plus en plus tardivement dans la sexualité. Entre le début des années 60 et le début des années 2000, l’âge médian au premier rapport avait diminué de trois ans pour les femmes et d’un an et demi pour les hommes. Cette tendance s’est inversée à partir de la fin des années 2010. Il est désormais établi à 18,2 ans pour les femmes et à 17,7 ans pour les hommes.

En revanche, le nombre de partenaires augmente et ce, pour toutes les générations. Les femmes sont ainsi passées en moyenne à 3,4 partenaires au cours de leur vie en 1992 à 4,5 en 2006 et 7,9 en 2023. L’écart reste cependant marqué avec les hommes, qui passent de 11,9 partenaires en 2006 à 16,4 en moyenne pour la dernière enquête.

Cette augmentation du nombre de partenaires s’accompagne d’une diversification des pratiques sexuelles, à commencer par la masturbation, bien moins taboue chez les femmes en 2023 qu’elle ne l’était lors des précédentes enquêtes. Elles sont ainsi 72,9 % à dire l’avoir déjà pratiquée l’an dernier, contre seulement 42,4 % en 1992. La pratique de la fellation et du cunnilingus augmente aussi, pour les femmes et pour les hommes, tout comme celle de la pénétration anale, en augmentation chez les femmes (38,9 % en 2023 contre 23,4 % en 1992) comme chez les hommes (57,4 % en 2023 contre 26,9 % en 1992).

Moins de rapports mais plus de satisfaction

L’autre leçon à tirer de cette grande enquête est ce que Nathalie Bajos, sociologue et directrice de recherche à l’Inserm, nomme le « paradoxe contemporain de la sexualité » : bien qu’ayant diversifié leurs pratiques et leurs partenaires, les Françaises et Français font aussi moins l’amour. En 2023, 77,2 % des femmes et 81,6 % des hommes ont déclaré avoir eu une activité sexuelle avec un partenaire au cours de l’année. C’est bien moins qu’en 1992, où 86,4 % des femmes et 92,1 % des hommes déclaraient avoir eu une sexualité active dans les douze derniers mois.

Mais cela n’atteint pas leur moral ou leur satisfaction, bien au contraire. L’enquête met même l’accent sur une légère augmentation de la satisfaction sexuelle, tant pour les femmes (45,3 % en 2023 contre 43,6 % en 2006) que chez les hommes (39 % en 2023 contre 35,1 % en 2006). Pour les chercheurs de l’Inserm, ces chiffres peuvent s’expliquer par une diminution du nombre de femmes s’engageant dans des rapports sans en avoir vraiment envie, pour faire plaisir à leur partenaire.

L’enquête 2023 s’intéresse aussi pour la première fois à la sexualité des seniors. Elle montre que la vie sexuelle se prolonge aux âges « avancés », comme les qualifie l’enquête, puisqu’en 2023, 56,6 % des femmes et 73,8 % des hommes restent actifs sexuellement après 50 ans.

Autre phénomène notable : la proportion de personnes s’engageant dans une sexualité non exclusivement hétérosexuelle « augmente très nettement ». En 2023, 8,8 % des femmes et 8,9 % des hommes de 18-89 ans déclarent avoir eu au moins un ou une partenaire du même sexe au cours de la vie. Cette « remise en cause de plus en plus marquée de la norme hétérosexuelle » s’accompagne d’une forme de consensus autour de l’homosexualité, qui n’est plus taboue pour une large majorité de Français. Même si elle s’est imposée plus récemment dans le débat public, la question de la transidentité est elle aussi mieux acceptée. 41,9 % des femmes et 31,6 % des hommes considèrent qu’il s’agit d’une identité comme les autres.

Des rapports moins protégés

La question des violences sexuelles est aussi largement abordée dans l’enquête de l’Inserm, avec un constat : ces abus sont de mieux en mieux identifiés, notamment par les femmes. En 2006, elles étaient 15,9 % à déclarer avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé. Cette proportion passe à 29,8 % en 2023. Selon Nathalie Bajos, « le mouvement #MeToo n’a pas provoqué d’explosion dans les déclarations de violence, mais change les cadres normatifs du consentement sexuel, et s’inscrit dans le long terme ».

L’étude possède enfin un volet consacré à la prévention des risques liés aux infections sexuellement transmissibles (IST). Et les résultats sont « préoccupants », jugent les auteurs. Ainsi, seuls 49,4 % des femmes et 52,6 % des hommes ont déclaré s’être protégés lors de leur premier rapport avec un nouveau partenaire sexuel au cours de la dernière année.

Ces résultats sont à mettre en parallèle avec l’augmentation de la prévalence de certaines IST comme la Chlamydia chez les 26-29 ans. Pour Nathalie Bajos, cela peut s’expliquer par l’absence de politiques de prévention et de dépistage systématique pour cette tranche d’âge. Il faut aussi les rapprocher du nombre de grossesses non désirées, qui augmente sensiblement. En 2023, 34,7 % des dernières grossesses survenues dans les cinq ans sont non souhaitées.

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