Un ancien coach en séduction se confie sur ce "métier" controversé : "Souvent, se cachent des hommes qui détestent les femmes"

Les coachs en séduction pullulent sur les réseaux sociaux, de TikTok à Instagram. Ces hommes y délivrent des conseils, souvent toxiques, pour séduire les femmes, le tout avec des discours misogynes, quand ils ne sont pas clairement masculinistes. Ruben* a pratiqué cette activité au début des années 2010, avant l'ère des réseaux sociaux. Il raconte.

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Un ancien coach en séduction se confie sur ce "métier" controversé : "Souvent, se cachent des hommes qui détestent les femmes". Crédit : Getty

"Pour séduire une femme, il faut lui montrer qu'elle n'est pas votre priorité."

"10 techniques pour manipuler une femme et qu'elle tombe amoureuse de vous."

"Comment convaincre une femme de coucher avec vous ?"

Ces phrases, toutes plus toxiques les unes que les autres, sont nombreuses sur les réseaux sociaux. Elles sont prononcées par des "coachs en séduction" auto-proclamés, des hommes qui affirment pouvoir aider leurs congénères à trouver l'amour. Ou plutôt, à trouver une femme qui acceptera d'être avec eux, quelle que soit la méthode qu'ils utilisent pour la séduire.

Ruben*, 38 ans, s'est lancé dans le coaching en séduction en 2010, pour arrêter quelques années plus tard. "Je me présentais comme un coach de vie, mais l'objectif était clair : aider des mecs timides à trouver l'amour, ou au moins des partenaires sexuelles. Mais évidemment, je ne faisais pas ça par bonté d'âme : ça rapportait énormément."

Le trentenaire, qui a depuis "changé de voie", affirme avoir à l'époque empoché plus de 200 000 euros en l'espace de trois ans. "J'avais écrit un ebook auto-édité, disponible sur Amazon. Je proposais des vidéos sur une chaîne YouTube, sans parler des formations payantes. Avec un site web bien référencé, j'ai très vite eu des clients. Et il suffisait que ça marche une fois pour qu'ils reviennent, avec l'envie d'avoir de nouvelles techniques de drague. Moi, ça ne me demandait qu'un effort minimum, que je faisais en plus de mon métier "classique", mais ça m'a permis de gagner très vite beaucoup d'argent."

Aujourd'hui, les coachs en séduction officient principalement sur TikTok, et dans certains cas, peuvent obtenir une rémunération pour leurs vidéos. "Si j'avais eu ça à l'époque, je serai devenu riche", estime Ruben. "Sur Instagram et sur Facebook, mes pages étaient déjà très suivies, mais à l'époque, ça rapportait seulement des clients. En ajoutant la monétisation de TikTok, j'aurais pu doubler, peut-être tripler mes revenus, avec la bonne stratégie de communication", estime-t-il.

"Je ne sais pas exactement combien ces comptes se font sur les réseaux sociaux, mais s'il y en a autant, c'est que ça rapporte. Et le nombre de formations en ligne et autres ebooks se multiplient."

Si Ruben a bien conscience que ses propres méthodes n'étaient "pas toujours saines" et reposaient sur "une vision sexiste des rôles au sein du couple", il trouve que la situation s'est aggravée ces dernières années. "J'ai vraiment vu un virage quand la tendance des "tradwives" a commencé à percer sur le web. La plupart des mecs qui font du contenu coaching en séduction en ont parfaitement conscience : l'idéal d'une nana comme Nara Smith, belle, bien habillée, et qui cuisine des plats faits maison, ça fait rêver les clients, alors ils mettent ça en avant."

Le trentenaire l'affirme : "C'est le serpent qui se mord la queue. Plus les clients veulent une femme qui correspond à un type précis de valeurs, plus les coachs en séduction vont développer des techniques inspirées par la manipulation, le gaslighting et les doctrines masculinistes. Et plus les internautes vont consommer ce type de contenus, plus ils vont virer dans la théorie de la femme objet, obéissante. Pour moi, ces mecs sont des incels qui se cachent derrière des comptes masculinistes, mais qui détestent en réalité les femmes."

Aujourd'hui, Ruben a renoncé à sa casquette de coach en séduction. "J'ai bien conscience que ce n'était pas le choix de carrière le plus reluisant possible. Mais à l'époque, j'étais célibataire, globalement en colère contre les femmes, et j'avais envie de me faire de l'argent. Je pense que ce sont des leviers qui poussent autant de mecs à devenir coachs à leur tour. La vérité, c'est qu'ils n'arrivent pas eux-mêmes à trouver l'amour, alors ils essayent de se faire passer pour des tombeurs."

"Je ne crois pas avoir entendu un seul de ces coachs être heureux et en couple depuis longtemps, preuve que selon moi, ils vendent du pipeau", souligne-t-il. D'ailleurs, aujourd'hui, il se réjouit de s'être éloigné de cet univers. "Je pense qu'à la longue, j'aurais moi aussi pu virer dans la haine des femmes et tomber dans les dérives masculinistes. Je n'irai pas jusqu'à me dire féministe, mais au moins, je ne suis pas le pire", conclut-il.

* Le prénom a été modifié pour des raisons d'anonymat.