Abstinence au sein du couple : "Je n'ai pas couché avec mon copain pendant deux ans"
Ces dernières semaines, Drew Barrymore a évoqué à plusieurs reprises sa longue période de célibat, mais aussi d'abstinence. La comédienne américaine a révélé ne pas avoir eu de rapport sexuel depuis maintenant 6 ans, relançant les interrogations autour de l'asexualité et des variations de la libido chez les individus. Pourtant, le sexe est aujourd'hui largement vu comme un pilier de l'épanouissement. Mais en couple ou célibataire, est-ce vraiment si important ?
On s'en souvient encore comme si c'était hier. Il y a quelques années, le magazine ELLE titrait : "La pipe, c'est le ciment du couple." Même si les vues autour de la sexualité ont largement évolué au fil des années, le fait d'avoir des rapports sexuels réguliers est toujours vu comme la preuve ultime que tout va bien dans un couple, et les chutes de libido comme le premier symptôme de la fin des haricots. Cette pensée est très largement ancrée dans notre société patriarcale et hétérocentrée, qui a longtemps voulu nous faire croire que les hommes cis avaient des "besoins", des "pulsions", même, et que leurs compagnes devaient s'y plier pour ne pas subir d'infidélité ou être laissées sur le carreau.
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"Je ne suis pas une personne qui a besoin de sexe", affirme Drew Barrymore
Au début du mois d'octobre, Drew Barrymore évoquait sans tabou le fait de ne pas avoir eu de rapports sexuels depuis longtemps, et le fait que cela ne lui manquait pas du tout. A New York, sur le plateau de son émission "The Drew Barrymore Show", auquel nous avons eu la chance d'assister, elle confiait : "Quand je vois des couples heureux et épanouis autour de moi, ça me rend heureuse, mais pas au point où je me dis que ça me manque." Depuis, la comédienne a publié un long article sur son blog personnel dans lequel elle évoque sa situation. Divorcée depuis 2016 du père de ses filles Will Kopelman, elle explique : "J'ai eu besoin de rester célibataire pour honorer une sorte de deuil de la famille traditionnelle que je m'étais juré d'offrir à mes filles."
Elle précise : "À près de 48 ans, j'ai une vision différente de l'intimité de quand j'étais jeune (...) et aujourd'hui, je ne suis pas une personne qui a besoin de sexe. Pour votre gouverne, je ne déteste pas ça. Je suis juste arrivée à un point d'épiphanie où l'amour et le sexe ne sont simplement pas la même chose." Et de conclure : "Tout ça ne veut pas dire que le sexe ne deviendra plus jamais une priorité pour moi. J'ai juste besoin de temps."
"Avec mon mec, on a pas couché ensemble pendant deux ans avant de recommencer comme jamais"
L'abstinence ne concerne pas que les célibataires. Elle s'invite parfois au sein des couples, que ce soit dans le cadre de l'asexualité, ou tout simplement d'une grosse chute de libido. Cette situation, Marion l'a traversée, avec le lot de craintes qui l'accompagne. "En 2017, j'étais avec mon copain depuis huit mois environ quand un deuil m'a plongée dans une profonde dépression. J'étais suivie par un psychiatre, qui m'a prescrit des anti-dépresseurs. Le problème, c'est que la dépression comme les anti-dépresseurs ont le pouvoir de flinguer ta libido", regrette-t-elle.
"Je connais des tas de mecs qui auraient pris la fuite. J'ai déjà eu des partenaires qui s'énervaient parce qu'on n'avait pas baisé depuis trois jours, alors quand j'ai compris que ma libido s'était fait la malle pour un moment, je me suis dit que mon copain allait me larguer vite fait, bien fait. Je lui ai même proposé, dans un geste dramatique, de lui "rendre sa liberté". Je me souviens encore de la façon dont il m'a ri au nez avant de m'expliquer que le sexe, ça pouvait revenir, ou pas. Mais que l'amour qu'il me portait ne partirait pas comme ça." Résultat, c'est ensemble que le couple a décidé de travailler sur la question de l'intimité, de faire des choses ensemble sans nécessairement passer par le sexe. "Ça a pris du temps. Deux ans sans sexe. Puis un jour, j'ai commencé à aller mieux. Ma libido a repris, et il m'a accompagnée avec toute la douceur possible, sans me brusquer. Et maintenant, on ne s'arrête plus. Comme quoi, il avait raison depuis le début."
Et si les périodes d'abstinence rentraient enfin dans la norme ?
On le sait : en matière de sexualité, il n'y a pas de norme. Pas de nombre de partenaires idéal, pas de nombre de rapports par semaine ou par mois idéal. Mais en revanche, pour la sexothérapeute et créatrice du compte Instagram Merci Beaucul Léa Toussaint : "Il est normal d'avoir des périodes d'abstinence dans un couple, car il n'est pas toujours possible de synchroniser sa libido avec celle de son partenaire." La spécialiste l'affirme : "Il y a forcément des événements qui affectent notre envie de sexe, donc c'est complètement normal, et ce n'est pas forcément symptomatique de quoi que ce soit. Cela ne veut pas dire qu'il y a un dysfonctionnement dans le couple." Le fait d'avoir une sexualité "saine et régulière" est en effet souvent placé comme preuve de bien-être dans le couple. Mais ne pas avoir envie de faire l'amour ne signifie pas que l'on est au bord de la rupture pour autant. "Il y a forcément des événements qui affectent notre envie de sexe, donc c'est complètement normal. Les enfants, le travail, les voyages... Tout ça peut générer du stress, et le stress est l'ennemi numéro 1 de la libido. Bien sûr, cela peut être le symptôme d'un dysfonctionnement, mais ce n'est pas toujours le cas, et c'est rarement le symptôme numéro 1."
La sexothérapeute l'affirme toutefois : ce n'est pas parce que c'est normal qu'il ne faut pas en parler, bien au contraire. "A partir du moment où une des deux personnes en souffre, on peut commencer à se poser des questions et trouver des solutions." D'autant que le sexe n'est pas forcément une composante essentielle du couple : "L'intimité se construit sur plein d'autres choses que le sexe, donc un couple peut complètement fonctionner sans. Cela dit, il est important d'être honnête avec soi-même, et de connaître l'importance de la sexualité perso et de la sexualité partagée dans un couple. C'est quelque chose sur lequel il vaut mieux être honnête dès le début. Ce sont des discussions à avoir pour savoir si on peut imaginer un avenir avec la personne."
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L'art de gérer la frustration
L'expérience de Marion n'est malheureusement pas universelle. Pénélope, elle, a été confrontée à un partenaire qui a perdu tout désir à un moment de leur relation. "Au début, je pensais que ça passerait, mais rien ne changeait au fil des mois. Il a fait des analyses, et rien ne clochait de ce côté. Je lui ai demandé s'il se pensait asexuel, et il m'a répondu que non. Ça n'a pas été facile, mais en dehors de ça, c'était une relation parfaite, alors j'ai décidé de faire une croix sur le sexe avec, et avec le temps, on finit par s'habituer. D'autant que nous avions une relation ouverte qui me permettait d'avoir des relations sexuelles avec des femmes, même si ça n'arrivait que rarement. On a fini par se séparer pour des raisons qui n'ont rien à voir, mais c'était quand même pesant : il faut avoir un sacré mental pour ne pas perdre son estime de soi."
Le fait d'ouvrir son couple fait partie des options évoquées par Léa Toussaint en cas de frustration face à une situation d'abstinence non-commune. La sexothérapeute prône un maximum de communication au sein du couple pour trouver une solution qui convienne à toutes les personnes concernées, sans générer de frustration ni de culpabilisation : "Si une personne du couple se retrouve frustrée par rapport à ce type de situation, il faut absolument en discuter sans pour autant culpabiliser la personne qui a une libido moins forte. C'est ok d'avoir beaucoup de libido, c'est ok de ne pas ne avoir du tout, c'est ok d'en avoir avec plus ou moins. " La conversation va permettre de réfléchir à des solutions : "Ce qui aide, déjà, c'est d'explorer sa sexualité en solo. On peut aussi tenter les échanges numériques, avec des camgirls ou des camboys par exemple, ou avec des travailleurs et travailleuses du sexe sur Onlyfans, pour partager ça avec quelqu'un autre sans passer par du charnel. Il y a aussi la potentielle ouverture de couple, qui peut se faire de différentes façons, à définir avec son ou sa partenaire."
L'important est de réaliser que personne n'est à blâmer en cas de perte de libido, ou de déséquilibre dans la libido. Pas question de forcer son ou sa partenaire, ni bien évidemment de lui reprocher son manque d'envie. Mais il ne faut pas oublier pour autant la vision des choses de l'autre personne : "Quand c'est une vraie frustration de ne pas pouvoir faire de sexe, pas en général mais avec la personne qu'on aime, c'est très compliqué. C'est quelque chose qui n'est pas forcément possible à contrôler, donc il faut en parler, et déterminer quelque chose qui convient à tout le monde, et qui se fait avec l'accord de tout le monde."
Recréer de l'intimité sans passer par la sexualité
Un couple sans sexe n'est pas voué à l'échec, loin de là, mais ces relations ont vite tendance à être vues plus comme de l'amitié sentimentale que comme une vraie relation amoureuse, du moins par les personnes qui n'imaginent pas un couple sans sexualité. Pourtant, Léa Toussaint le rappelle : "Il y a plein de manières différentes de créer de l'intimité au sein du couple. Il y a les fameux langages de l'amour, c'est un très bon test à faire pour savoir ce qui nous fait du bien et comment la personne en face peut nous l'apporter. Ça repose autant sur la complicité, les moments fun... C'est un peu comment on retrouve cette pureté, cette innocence qu'il peut y avoir dans l'enfance, ensemble. C'est l'art de créer un espace safe pour retrouver son enfant intérieur."
Mais encore faut-il parfois trouver le courage d'aborder la conversation. Pour aider ses patients, la sexothérapeute a créé un outil, le jeu de cartes "Discultons", qui "permet de poser les mots sur ses envies et de se décharger émotionnellement." Elle propose également des workshops à destination des couples, qui permettent de "se reconnecter avec le corps de l'autre d'une façon totalement nouvelle, sans l'enjeu de l'orgasme ou de la pénétration", tout en préparant "des ateliers et workshops en présentiel, dont certains destinés aux couples, qui viennent donner des exercices et des mises en pratique dans l'intimité plutôt que dans la sexualité, pour voir comment recréer ce cocon." Avec un objectif : apprendre à différencier sexualité à deux et intimité.
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