Rencontres et stéréotypes : "Une femme enthousiaste après un rencard passe pour une femme désespérée"
Parmi les biais les plus sexistes qu'ils soient en matière de rencontres amoureuses, celui de la "femme désespérée" à la peau dure. Les femmes sont souvent vues comme étant dans une optique romantique, à vouloir se mettre en couple à tout prix. Pour éviter cela, nombreuses sont celles qui préfèrent modifier leur attitude pour ne pas effrayer une potentielle conquête.
Faut-il vraiment être naturel·le pour trouver l'amour ? Pour près d'une personne sur deux, la réponse est non. En particulier pour les femmes ! L'application de rencontre Bumble, qui laisse les femmes faire le premier pas a décidé d'enquêter sur le phénomène du "Romance Gap", c'est-à-dire la disparité des comportements attendus par la société dans les relations amoureuses selon qu’une personne s'identifie comme homme ou femme. Et les résultats sont édifiants. D'après un sondage de l'application mené en partenariat avec YouGov, 44% des personnes interrogées estiment qu'il est "important que les femmes évitent de paraître trop enthousiastes, “collantes”, attachées au risque de paraître désespérées."
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La femme désespérée, un cliché 100% sexiste
Ce chiffre est tout sauf anodin et illustre un cliché qui revient souvent dans la quête d'amour des célibataires. Les hommes sont à la recherche de "relations sans prise de tête" (comprenez : une relation sans engagement, avec tous les avantages de la vie de couple, mais sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit). Tandis que de leur côté, les femmes sont souvent perçues comme celles qui s'imaginent leur mariage et leur famille dès la fin du premier rendez-vous.
Un concept largement démocratisé par les comédies romantiques, mais aussi par un cliché de genre persistant, qui montre les hommes comme des Don Juan, et les femmes comme des personnes qui font passer l'amour et la famille avant le sexe. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de femmes ayant une sex-list bien fournie passent plus facilement comme des filles faciles, tandis que ces messieurs gagnent leur badge de séducteur irrésistible.
Les femmes se forcent à modifier leur attitude
Pour éviter de tomber dans la case "désespérée", qui semble être un tue-l'amour ultime pour bon nombre de personnes, 32% des sondées affirment avoir déjà modifié leur attitude pour ne pas être accusées d'être trop intenses ou trop collantes. "Le "Romance Gap" est un nouveau terme, mais nombre d'entre nous ont déjà été confronté.e.s à ce phénomène", estime Naomi Walkland, vice-présidente de Bumble Europe. "Ces moments où l'on se demande si le fait d'envoyer ce message ne nous fait pas paraître trop enthousiaste, où l'on attend qu'il.elle prenne les devants, ou encore où l'on s'inquiète d'être considéré.e comme trop direct.e, trop inexpérimenté.e ou trop âgé.e..."
Rosa Bursztein, humoriste, créatrice du podcast "Les mecs que je veux ken" et autrice du livre du même nom, évoque régulièrement le sujet des différences d'attitudes attendues entre les hommes et les femmes dans son spectacle, et dans ses entretiens audio avec des personnalités. D'autant qu'elle avoue avoir souvent elle-même été victime de ce travers : "Ça m'arrive très souvent d'être très enthousiaste au début d'une relation, et de ne pas trop montrer ce que je ressens pour ne pas faire peur au mec en face de moi, de m'adapter au comportement de l'autre. J'ai même parfois attendu avant de répondre à un message pour copier sa distance, quitte à ne pas être dans la spontanéité."
Elle est loin d'être la seule, puisque Clémentine, 28 ans, confirme "calquer son attitude" sur celle de ses interlocuteurs. "Les mecs ont trop tendance à voir le moindre signe d'enthousiasme comme un red flag, un signe que je m'imagine déjà avec la bague au doigt, trois enfants et un labrador. Alors que je suis juste naturellement de bonne humeur et prompte à la discussion." Résultat, elle se contrôle. "Chaque message est relu avec soin, j'élimine les points d'exclamation, les emojis, je reformule... C'est une galère de ne pas pouvoir être spontanée, mais j'ai l'impression que c'est un passage obligé de montrer que je peux être chill, sous peine de passer pour la nana trop intense, trop prise de tête."
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"Le simple fait de dire la vérité est considéré comme trop intense"
Dans son spectacle Rosa, actuellement joué à La Nouvelle Seine, Rosa Bursztein n'hésite pas à dévoiler ses anecdotes de rendez-vous et de rencontres. "Je raconte notamment l'histoire d'un mec qui refuse de me faire un câlin après une nuit passée ensemble, et je lui demande une explication. Et rien que ça, aujourd'hui, demander une explication, ça paraît toute une montagne. C'est important pour moi d'en parler dans mon spectacle, parce que ça permet de décomplexer. Quand je décris mon "attitude de folle" en grossissant le trait, c'est pour que des femmes puissent s'identifier. Bien sûr, j'exagère pour faire des blagues, mais c'est vrai qu'en règle générale, il y a un manque d'explications de la part des hommes."
Mais aussi un manque de solidarité de la part des femmes, à cause de la misogynie intériorisée, ce phénomène qui les pousse à reproduire des comportements patriarcaux pour mieux être acceptées par les hommes. "Plus que de la part de mecs, c'est des copines qui ont tendance à me dire que je vais "passer pour une folle" si j'exprime trop mes émotions à un homme", regrette l'humoriste avant de préciser : "Les hommes ne me le reprochent pas, peut-être parce que justement, ils ne s'expriment pas sur ce qu'ils ressentent. C'est comme si le mode de communication aujourd'hui était le silence, ce qui complique les rapports. A cause de ça, c'est difficile de mettre des limites, et parfois juste dire la vérité, c'est être trop intense, et je trouve ça dommage." Un avis partagé par Olivia, qui regrette ses propres comportements passés : "Combien de fois j'ai dit à mes copines 'Non mais tu peux pas lui envoyer un texto la première, tu vas passer pour une folle' ? Et combien de fois je l'ai entendu aussi ? C'est un vrai piège parce que ça nous pousse une fois de plus à nous contrôler, pour ne pas passer pour des hystériques."
Une double charge amoureuse imposée par la société
Sois toi-même, mais pas trop. Trouve un mari, mais ne soit pas trop exigeante face aux hommes qui ne veulent pas s'engager. Aujourd'hui, la grande majorité des femmes célibataires se retrouvent avec le cul entre deux chaises au milieu des injonctions, et ne savent pas où donner de la tête. D'un côté, elles ne doivent pas être la "vieille fille", indigne d'amour puisqu'elle n'a pas trouvé chaussure à son pied. Mais de l'autre, elles ne doivent pas trop en demander sous peine de passer pour une femme désespérée. Les injonctions à ne pas rester célibataire rentrent en collision avec celles à ne pas se mettre en couple trop vite.
Il serait peut-être temps de sortir du cliché de la femme fragile et dépendante et de l'homme sans attache. Moins de prises de tête en amour serait bénéfique à tout le monde, comme l'affirme Rosa : "Moi, je prône la sensibilité, la vulnérabilité, le besoin d'échanger, de comprendre et de communiquer au mieux ce que l'on ressent, pour ne pas que les êtres soient interchangeables."
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