Elles ont peur de l'amour à cause de leurs problèmes de fertilité : "Mon ex m'a quittée parce qu'il voulait être sûr que sa partenaire puisse lui donner des enfants"

Dans une société où il existe toujours une pression forte sur les femmes pour qu'elles deviennent mères, celles qui rencontrent des problèmes de fertilité sont nombreuses à avoir du mal à trouver leur place. A tel point que, parfois, elles redoutent de ne plus être capables de trouver l'amour, par peur de décevoir leur partenaire qui voudrait fonder une famille.

Elles ont peur de l'amour à cause de leurs problèmes de fertilité :
Elles ont peur de l'amour à cause de leurs problèmes de fertilité : "Mon ex m'a quittée parce qu'il voulait être sûr que sa partenaire puisse lui donner des enfants". Crédit : Getty

"Comme j'ai de l'endométriose, je ne sais pas si je pourrais avoir des enfants un jour." Cette phrase a été prononcée par Demi, candidate de la première édition britannique de l'émission "Love is Blind", sur Netflix. Avant d'aller plus loin dans l'aventure avec son prétendant favori, Ollie, la jeune femme a expliqué qu'elle devait être honnête avec lui sur un aspect important de sa santé, et sur le fait qu'elle ne pourrait peut-être jamais tomber enceinte.

Intime et émouvante, la séquence témoigne d'une véritable angoisse chez la candidate, qui révèle avoir déjà pensé "ne pas mériter" de trouver l'amour, à cause de ses problèmes de fertilité. Et malheureusement, elle n'est pas la seule.

Qu'elles souffrent d'endométriose, d'un SOPK, qu'elles soient nées stériles ou qu'elles aient des problèmes de fertilité à cause d'une maladie, les femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfants alors qu'elles souhaitent en avoir sont nombreuses. La preuve : alors que les programmes d'aide médicale à la procréation se multiplient, ces derniers sont pris d'assaut, et les délais pour en bénéficier sont longs.

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Mais surtout, aujourd'hui encore, les femmes sont naturellement poussées vers la maternité, que ce soit par des discours comme celui d'Emmanuel Macron, qui parle de réarmement démographique, ou tout simplement par les incessantes questions de leur entourage, du célèbre "Le bébé, c'est pour quand ?" à "Tu vas regretter si tu n'as pas d'enfant."

Face à ces pressions, difficile d'évoquer les problèmes de fertilité que l'on peut rencontrer, sous peine de se retrouver au mieux confrontée à des conseils entendus mille fois, et au pire à des reproches concernant son mode de vie.

Cyrielle, 29 ans, fait partie des personnes qui ont conscience que le fait de tomber enceinte ne sera pas facile pour elles. "Depuis que mon gynéco m'a annoncé que j'avais un syndrome des ovaires polykystiques, je sais que ça va être une galère. J'ai commencé une procédure pour faire congeler mes ovocytes, pour maximiser mes chances, mais cela veut dire passer par une FIV plus tard, et on ne sait jamais vraiment si ça va prendre", explique-t-elle.

D'autant que la jeune femme est récemment célibataire, notamment à cause de ses problèmes de fertilité. "J'étais avec mon ex depuis six ans. Depuis presqu'un an, on essayait d'avoir un enfant, sans succès. C'est à ce moment-là que j'ai demandé des examens plus poussés à mon gynéco, et qu'on a décelé le SOPK, qui expliquait pourquoi mes cycles n'étaient pas réguliers. Quand j'en ai parlé à mon mec, je m'attendais à ce qu'il me soutienne, qu'on traverse ça à deux. Mais, quelques mois plus tard, il m'a quittée avec ces mots qui m'ont traumatisée : "Je t'aime, mais je ne peux pas envisager une vie sans enfants. J'ai besoin de la certitude que ma partenaire pourra m'en donner, et ce n'est pas ton cas"."

Six moi après cette rupture violente, Cyrielle cherche à trouver le courage de retrouver l'amour. "Quand il m'a dit ça, j'ai eu l'impression d'être cassée, incapable, bonne à jeter. Il m'a fallu beaucoup de thérapie pour comprendre que je méritais l'amour, de façon inconditionnelle, même si je ne pouvais pas avoir d'enfants." Mais la crainte de se retrouver à nouveau confrontée à des reproches sur sa fertilité l'empêche pour l'instant de franchir le pas.

Cyrielle n'est pas la seule à avoir longtemps hésité à s'engager dans une relation amoureuse, par peur d'être confrontée à un désir d'enfant trop présent de la part de son partenaire. "Je fais de l'endométriose, et ça fait des années que j'ai fait la paix avec l'idée que je n'aurais peut-être pas d'enfants, même si j'en veux. Je me suis déjà renseignée sur les processus d'adoption, ce qui est peut-être un peu dingue puisque je suis encore célibataire et que je n'ai que 24 ans", rigole-t-elle. "Mais on m'a tellement dit que je ne trouverais pas de mari si je ne pouvais pas avoir d'enfant, dans ma famille ultra-catho, que j'ai préféré prendre les devants."

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Même chose sur les applications de rencontre. "J'ai décidé d'annoncer la couleur. Quand je discute avec un mec avec qui j'envisage plus qu'un plan cul, je préfère être cash, et savoir déjà s'il connaît les conséquences de l'endométriose, parce que quand je suis en crise, je suis vraiment dans le mal. Mais aussi s'il veut des enfants, et que ceux-ci soient ses enfants biologiques." La jeune femme en a conscience, cela lui ferme sans doute des portes. "C'est fou le nombre de mecs qui balisent dès qu'on attaque les sujets un peu sérieux, mais au moins, ça me permet de faire le tri. Je veux trouver l'amour sans avoir à me sentir "moins légitime" sous prétexte que je ne peux pas avoir d'enfant, alors je préfère ne rien laisser au hasard", conclut-elle.

Alexia, 34 ans, s'est beaucoup retrouvée dans le profil de Demi, de "Love is Blind". "Moi aussi j'ai longtemps hésité à me lancer dans des relations amoureuses, traumatisée par des reproches passés de mes exs sur le fait de ne pas pouvoir leur donner d'enfant. Aujourd'hui, je ne sais pas encore si je veux me mettre en couple, ou pas, parce que j'ai peur que mes problèmes de fertilité me reviennent dans la figure."

"Bien sûr, précise-t-elle, j'ai déjà eu des partenaires qui m'ont dit qu'ils s'en moquaient. Mais qui me dit qu'ils penseront encore ça dans deux ans, ou dans cinq ans ? Pour moi, c'est un vrai stress, c'est terrible et terrifiant. J'en suis arrivée à un stade où j'ai hâte d'arriver dans la quarantaine, car la pression est bien moindre chez les femmes de cet âge-là", conclut-elle avec amertume.

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