"On m'a dit que ma fausse couche était due à mon alimentation" : partout à travers le monde, les femmes sont toujours blâmées pour les arrêts de grossesse
Une étude publiée fin novembre 2023 dans la revue Nature prouve que plus de deux fausses couches sur trois sont liées à des anomalies chromosomiques. Une raison de plus de cesser de culpabiliser les femmes qui subissent une fausse couche.
Faire une fausse couche, ou un arrêt naturel de grossesse, est un événement qui peut s'avérer particulièrement traumatisant lorsque l'on souhaite mener à bien un projet de maternité. Il faut alors faire son deuil, se réparer. Ce qui n'est pas toujours facile lorsqu'il s'agit de faire face aux réflexions de certaines personnes, qui ne sont pas toutes bien intentionnées. Dans l'imaginaire collectif, en effet, les fausses couches sont généralement la faute de la personne qui était enceinte. Une pensée erronée, comme l'ont confirmé plusieurs études.
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Des femmes accusées de nuire à leur futur bébé
Lors de sa grossesse, Camille Cerf, désormais maman d'un petit Malo, né le 18 août 2023, a eu droit à de nombreuses réflexions sur le fait qu'elle bronzait, qu'elle se baignait, ou encore qu'elle caressait un chat. Sur TikTok, l'influenceuse Julie Lorentzen a été accusée d'avoir provoqué sa fausse couche en continuant à faire de la musculation, et ce, alors qu'elle avait obtenu l'aval de son médecin et de sa gynécologue. On ne compte plus le nombre de cas où des personnes enceintes ont été accusées d'être responsables d'un arrêt naturel de grossesse, pour telle ou telle raison.
Pourtant, d'après la science, les parents n'y sont pour rien. Une étude publiée dans la revue Nature le 23 novembre 2023, et réalisée par des chercheurs du centre médical universitaire de Maastricht (Pays-Bas), l'affirme : 68% des fausses couches, soit plus de deux tiers des cas étudiés, étaient liées à des anomalies chromosomiques. Pour Masoud Zamani Estetik, co-auteur de l’étude, ces résultats prouvent qu'il est essentiel de déculpabiliser les femmes qui font une fausse couche. "Les anomalies chromosomiques contribuent beaucoup plus à la fausse couche que celles trouvées dans des études antérieures utilisant des méthodes conventionnelles", affirme-t-il. "Le fait de savoir que la grossesse était anormale enlève toute responsabilité", confirme de son côté Siobhan Quenby, professeure d’obstétrique de l’Université de Warwick (Royaume-Uni), dans les colonnes du magazine New Scientist.
"On m'a accusée d'avoir fait cuire mon bébé"
Catherine vit en Australie depuis maintenant douze ans. En 2019, elle tombe enceinte de son premier enfant, au printemps. "Mon ventre a commencé à s'arrondir au début de l'été. Sur Instagram, j'ai partagé quelques photos de mon baby bump en bikini, j'étais tellement impatiente de mener cette grossesse à son terme...", se souvient-elle avec émotion. Malheureusement, alors qu'elle est enceinte de 22 semaines, elle se met à saigner abondamment.
"Mon mari nous a emmenés aux urgences. J'ai appris que je venais de faire une fausse couche. J'étais dévastée et je suis tombée dans une profonde dépression." Une dépression qui s'est aggravée lorsqu'elle a commencé à recevoir des messages de reproches. "La mère de mon mari m'a dit qu'aucune femme de sa famille n'avait jamais fait de fausse couche, et que c'était forcément ma faute. Elle m'a dit que j'avais fait cuire mon bébé en m'exposant au soleil alors que j'étais enceinte. Sa tante m'a traitée de meurtrière."
Heureusement, Catherine a pu compter sur le soutien de son mari, qui a décidé de couper les ponts avec sa mère après cet incident. "Aujourd'hui, nous sommes les heureux parents d'une petite fille. Ma belle-mère enrage de ne l'avoir jamais rencontrée, mais mon mari est formel : vu la façon dont sa mère s'est comportée, elle a perdu son droit d'être une grand-mère présente pour nos enfants."
"Il y avait un fond de racisme dans la manière dont on m'a reproché ma fausse couche"
Assa est une Française d'origine africaine, en couple avec un homme blanc à l'époque où elle est tombée enceinte. "Ces précisions sont importantes, parce que ça en dit long sur nos différences de culture", explique-t-elle. En 2016, elle découvre qu'elle est enceinte. "C'était une grossesse imprévue, car je prenais la pilule, mais mon compagnon était ravi, et moi aussi. Malheureusement, lors de la première échographie, la gynécologue nous a annoncé que j'avais fait une fausse couche. Le coeur du bébé ne battait pas. Bien sûr, j'étais triste. Mais mon ex, lui, était dans une rage folle."
À peine rentrés chez eux, alors qu'Assa peine à retenir ses larmes, son compagnon explose. "Il a commencé à hurler que c'était à cause de "la merde" que je mangeais que nous avions perdu notre bébé. La "merde" en question ? Des plats africains, très épicés, qu'il n'a jamais apprécié. Lui est plutôt du genre poulet-ketchup. Pour lui, ce sont les épices présentes dans ma nourriture qui ont "tué" notre enfant." Pourtant, de nombreuses études ont prouvé qu'il n'y avait aucun risque à consommer des plats épicés lors de la grossesse, à moins de souffrir de reflux gastriques.
"Au-delà du fait d'avoir été blâmée pour quelque chose de complètement faux, je n'ai pas pu m'empêcher de voir une vraie composante raciste dans son reproche. Notre relation n'est pas allée plus loin. Aujourd'hui, à ma connaissance, il est célibataire et sans enfant. Moi, je suis maman de jumeaux, qui ont visiblement hérité de ma passion pour le piment, dont je me suis gavée pendant ma grossesse", conclut-elle avec humour.
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