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En Corée du Sud, des militants masculinistes veulent supprimer le "cancer féministe"

South Korea-South Korean Workers confederation Union Memebers held on 'Womens Larbor Day Event' at Gwanghwamoon Square in Seoul, South Korea on 8 March 2018. South Korea vowed on Thursday to strengthen laws against sexual assault and implement measures to reduce harassment as the #MeToo campaign sweeps the country and sparks calls for meaningful action to tackle sexual abuse. (Photo by Seung-il Ryu/NurPhoto via Getty Images)
En Corée du Sud, de plus en plus d'hommes masculinistes luttent ouvertement contre le féminisme et l'égalité homme-femme. (Photo by Seung-il Ryu/NurPhoto via Getty Images)

La lutte pour l'égalité femme-homme se déroule dans le monde entier, et dans certains pays, les choses sont particulièrement compliquées. En Corée du Sud, notamment, 60 % de jeunes hommes se déclareraient en effet "anti-féministes" et même masculinistes. Les féministes subissent insultes et menaces de mort. Une situation qui continue de s'aggraver depuis plusieurs mois.

En France, les féministes s'entendent régulièrement affirmer que leur lutte ne sert plus à rien et que l'égalité femme-homme est atteinte depuis belle lurette. C'est faux, et cela a été prouvé à de nombreuses reprises : l'égalité salariale et la parité ne sont toujours pas au rendez-vous, tandis que les violences sexistes continuent à faire des victimes. Les chiffres des féminicides parlent d'eux-mêmes. Mais notre pays n'est pas le seul à lutter pour les droits des femmes. S'il existe évidemment un certain nombre d'incels sur le territoire français, ceux de Corée du Sud s'illustrent par leur férocité et par le danger qu'ils représentent pour les femmes de leur pays.

Vidéo. Irene (La terreur féministe) : "Parlons plutôt de la peur que les femmes et les minorités ressentent depuis toujours et presque tous les jours"

"Le féminisme est un cancer"

"En Corée du Sud, près de 60 % de jeunes hommes se déclarent fortement opposés au féminisme." Voilà ce qu'affirme France Culture dans un reportage dédié à la vague d'opposition qui s'oppose au féminisme dans ce pays d'Asie. Alors que le mouvement de lutte pour les droits des femmes gagne en ampleur depuis le milieu des années 2010, ses détracteurs clament de leur côté : "Le féminisme est une maladie mentale" lors de manifestations, notamment devant celles et ceux qui luttent pour le droit à l'avortement, décriminalisé mais en plein vide juridique sur le territoire du pays.

Dans le reportage, les masculinistes ne cachent pas leurs pensées : "Les femmes ne remplissent pas leurs devoirs. Elles ne font pas leur part du travail, mais elles demandent des droits. En plus de tout cela, les féministes détestent les hommes et c'est pour ça que je pense que le féminisme est un cancer." En Corée, le mouvement masculiniste est notamment porté par un certain Bae IngGyu, alias Wangja, YouTubeur connu pour ses vidéos misogynes. Ce dernier fait régulièrement l'apologie de la "nouvelle force masculine", et n'hésite pas à proférer des menaces de mort : "Putain, il y a tellement d'insectes ici, il y en a tellement, ouais, je vais tuer les insectes, ce sont des insectes, non ?”, clame-t-il en faisant référence aux féministes. Sur une autre vidéo, il déclarait : "Tu connais les féministes ? Tu ne connais pas. Ce sont des misandres. Elles détestent les hommes. Ce n'est pas grave. Si tu ne les connais pas, c'est parce que je vais toutes les tuer." Depuis, sa chaîne YouTube a été fermée, au grand soulagement des féministes coréennes qui y étaient régulièrement prises pour cible.

Une élection inquiétante

En mars 2022, le mouvement féministe coréen a subi un sacré revers avec l'élection du candidat conservateur Yoon Suk-Yeol lors de la présidentielle. Ce dernier s'est notamment appuyé sur les mouvements masculinistes et anti-féministes pour remporter l'élection de justesse. L'homme politique avait notamment promis l'abolition du ministère pour l'Egalité des genres, mais aussi blâmé le faible taux de natalité de la Corée du Sud sur le féminisme, affirmant que le féminisme empêchait les relations saines entre les hommes et les femmes. Il n'a pas hésité à affirmer que les discriminations systémiques contre les femmes n'existaient pas, alors que la Corée du Sud est connue pour avoir l'un des plus grands écarts salariaux entre les salaires des hommes et les salaires des femmes (elles gagnent 31,5% de moins que leurs homologues masculins, ndlr).

En attendant, les masculinistes essayent de renverser le problème, puisque dans un sondage réalisé en 2021 et relayé par Hankookilbo, 84% des hommes âgés de 20 à 30 ans, et 83% des hommes âgés de 30 à 40 ans affirment avoir été victimes de "sérieuses discriminations sexistes". Un discours qui n'est pas sans rappeler celui des Incels, ces hommes qui estiment que les femmes ont le devoir de coucher avec eux pour ne pas qu'ils souffrent de misère sexuelle.

L'anti-féminisme en Corée : l'impact inattendu sur la musique

Les mouvements masculinistes et la lutte contre les droits des femmes ont de multiples impacts, et l'un d'entre eux concerne directement l'industrie musicale. En France, le théâtre, le cinéma, la télévision et la musique ont tous eu droit à leur déclinaison du mouvement #MeToo. En Corée du Sud, c'est la K-Pop qui se retrouve particulièrement touchée. Non seulement les membres de girls bands doivent suivre des règles très strictes (aussi bien concernant leur apparence physique qui doit répondre aux normes sociétales, qu'en dissimulant si elles sont en couple), elles doivent également faire attention au moindre propos qu'elles tiennent pour ne pas "froisser" leur public masculin, particulièrement virulent.

"Depuis que le féminisme a pris en puissance en Corée, les membres de groupes de K-Pop doivent faire attention à ce qu'elles disent et à ce qu'elles font. Elles risquent des insultes et des menaces simplement parce qu'elles ne lisent pas le bon livre", dénonce la critique musicale coréenne Park Hee-a dans les colonnes du Korea JoongAng Daily. C'est d'ailleurs précisément ce qui est arrivé à la chanteuse coréenne Irene du groupe Red Velvet en 2018, ou encore à Yeeun du groupe Wonder Girls en 2019. "Peu importe la façon dont la société évolue, c'est comme si les groupes féminins devenaient de plus en plus bloqués de par le statut "d'idoles féminines"", regrette l'experte. Une constatation dans laquelle bon nombre de féministes risquent malheureusement de se reconnaître.

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