Journée internationale des droits des femmes - Journée de la f(l)emme : je suis féministe, et le 8 mars, je suis épuisée

Qui a dit qu'il n'y avait plus besoin de féminisme en 2022, en France ? Aux dernières nouvelles, des femmes meurent chaque semaine sous les coups de leurs conjoints, les inégalités salariales sont toujours au rendez-vous, et la parole des femmes est toujours remise en cause. Alors, cette année, au lieu de célébrer la journée internationale des droits des femmes, des dizaines de féministes ont décidé de célébrer la journée de la flemme plutôt que la journée de la femme.

Quand on est journaliste, le 8 mars représente forcément une date à ne pas louper. La journée internationale des droits des femmes est un événement essentiel, une journée de mobilisation nécessaire, n'en déplaise à tous ceux qui crient que ces dames se victimisent, et que l'égalité est bel et bien acquise en France. Mais quand on est une femme, et encore plus une femme féministe, c'est d'autant plus particulier.

Vidéo. Irene (La terreur féministe) : "Parlons plutôt de la peur que les femmes et les minorités ressentent depuis toujours et presque tous les jours"

Dans mon cas, cela signifie réfléchir à des sujets sur les femmes d'un point de vue sociétal, recueillir des témoignages pas forcément faciles à entendre, analyser des phénomènes, décortiquer des études. Le tout en écoutant râler les internautes qui me reprochent (encore) de ne donner la parole qu'aux femmes, et jamais aux hommes. Qui me rappellent (encore) que les hommes aussi sont victimes de viols, de violences – ce que personne n'a jamais nié, soit dit en passant, mais qui ne revient bizarrement que lorsque l'on parle des combats des femmes – et d'inégalités. Qui m'accusent (encore) de me placer en victime, et de victimiser les femmes qui ne sont pas si mal loties dans notre pays. Le tout en naviguant entre les newsletters et autres communiqués qui me proposent des réductions exclusives sur les fleurs, la lingerie, le maquillage ou les fers à repasser pour la journée de LA femme. Bref, la flemme.

La journée de la femme ou la journée de la flemme ?

On pourrait croire qu'en 2022, les marques auraient compris la leçon. Qu'elles auraient intégré que le 8 mars n'est pas une Saint-Valentin bis ou une seconde fête des mères. Que ce n'est pas une journée où l'on veut recevoir des cadeaux et des petites attentions, où notre mec ferait le ménage à notre place (au lieu de gérer sa part des tâches ménagères). Ou au moins, à la limite, que les services de presse auraient enfin intégré le fait qu'on ne célèbre pas la "journée de la femme", mais la "journée internationale des droits des femmes", et qu'il s'agit d'une journée de mobilisation pour nos droits, et les droits des femmes du monde entier.

Visiblement, on n'en est pas encore là, et c'est fatiguant. Alors, quand mes adelphes féministes ont évoqué le concept de la journée de la flemme, j'ai totalement adhéré au principe. Je l'ai découvert il y a quelques jours sur le compte Instagram de Sandrine Goeyvaerts. Caviste, autrice, journaliste, féministe, elle fait partie des femmes que j'admire et qui m'inspirent au quotidien, et avec la journée de la flemme, elle a vraiment tout compris.

Sur Instagram, au côté de visuels créés pour l'occasion par Funambuline, elle explique être "usée de fournir du travail gratuit à l'année", et rappelle "qu'un seul jour ne suffit pas à régler les inégalités et au mieux sert d'alibi pour rien foutre à partir du 9 mars." Cette année, Sandrine, comme bien des féministes, a la flemme. Et elle a pris une décision : "Le huit mars, je vais exercer mon droit le plus strict et le plus fondamental : me taire."

Pourquoi les féministes en ont ras-le-bol

Se taire lors d'une journée de mobilisation peut paraître peu constructif. Pourtant, c'est tout le contraire. Le silence a un pouvoir, et depuis des années maintenant, la parole des féministes est utilisée, exploitée et renversée. Il ne se passe pas une journée sans que les féministes ne soient invitées (pour ne pas dire enjointes) à s'exprimer sur différents sujets. Elles le font gratuitement, avec plaisir, en dépit de leurs emplois du temps déjà chargés, dans l'espoir que cette parole permettra à d'autres personnes de s'éduquer. En dépit de la charge mentale que cela représente.

Mais cette parole est plus souvent remise en question qu'autre chose, malgré les arguments avancés, les preuves apportées. Sur les réseaux sociaux, lors des débats, à la radio ou à la télé. Il y a toujours un "mais", quelqu'un qui remet un argument en cause sans pouvoir appuyer son propos, mais qui se fait entendre parce qu'il parle plus fort, et parce que notre société reste patriarcale.

Et surtout, cette parole offerte gracieusement par les féministes dans un but éducatif disparaît très vite. Il suffit de regarder les plateaux des émissions de télévision pour le constater : combien de débats sur le port du voile, les protections menstruelles gratuites ou la question de l'avortement sont organisés uniquement en la présence d'hommes blancs, cisgenres, hétérosexuels ? L'idée n'est pas de diaboliser ces derniers, mais de pointer du doigt une réalité : ils débattent de sujets qui ne les concernent pas, qu'ils ne vivent pas et ne vivront sans doute jamais, et ignorent totalement la parole des concernées.

Un silence pour donner de la voix

Mais, ainsi que l'explique Sandrine Goeyvaerts dans son post, cette journée de la flemme a aussi pour but de laisser la parole à d'autres. Non pas aux hommes, qui la monopolisent déjà au quotidien. Mais à des femmes dont les combats sont encore trop invisibilisés. La féministe l'affirme : "Il est temps de relayer le plus possible de comptes militants moins visibles : ceux des travailleuses du sexe, femmes racisées, trans, handies, grosses, voilées, des minorités de genre..." Bref, de toutes celles qui ne sont pas assez écoutées.

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