Les femmes DJ dénoncent les violences sexistes et sexuelles : "En plein set, il me touche la taille"
Révoltée par les violences sexistes et sexuelles qui règnent dans le milieu de la musique électronique, la DJ Paloma Colombe a décidé de dénoncer la situation en juin dernier sur Instagram. Une prise de parole nécéssaire qui a trouvé un écho et a mis en lumière la difficulté d'exister en tant que femme dans le monde de la nuit.
Alors que #MeToo, en 2017, a été le point de départ de la libération de la parole pour de nombreuses femmes, le hashtag originel s'est rapidement segmenté, et a permis de mettre l'accent sur des communautés, des professions et des profils particuliers.
Ainsi, #MusicToo, qui dénonce les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la musique, a émergé. De nombreuses artistes, comme Pomme, mais aussi plus récemment Tal, devenue Taloula, ont dénoncé les contrats abusifs, l'exploitation de leur image et les dynamiques de pouvoir et d'emprise installée par les décisionnaires (managers, producteurs...), majoritairement des hommes, de cette industrie. Mais si la parole de certaines artistes renommées a trouvé un écho, de nombreuses femmes de l'ombre continuent de subir la pression psychologique, le sexisme ordinaire et les violences sexuelles dans le cadre de leur travail.
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"Un homme me hurle dessus pour me dire quoi jouer"
C'est pourquoi Paloma Colombe, l'une des figures féminines de la musique électronique française, a décidé de taper du point sur la table en juin 2023. Dans un post publié sur Instagram, l'artiste dénonce plusieurs situations auxquelles les femmes DJ sont confrontées dans l'exercice de leurs fonctions, simplement parce qu'elles sont des femmes. "Une énième situation de harcèlement sexiste en club me pousse à vous écrire ces mots et essayer de trouver des solutions collectives pour rendre nos espaces festifs plus safes", a d'abord écrit la DJ. Elle évoque ensuite sa propre expérience et explique avoir démarré son set, le 10 juin, au Cabaret Sauvage, "au milieu d'hommes déchaînés, désinhibés et s'entraînant mutuellement." Elle poursuit : "Un homme à ma gauche me hurle dessus, puis un à ma droite. L'un d'eux me hurle dessus sans discontinuer pour me dire quoi jouer et quoi faire." Elle explique ensuite que ses proches (trois femmes) ont dû se substituer au service de sécurité, absent, pour protéger l'artiste. Paloma Colombe explique avoir pensé à arrêter son set et avoir gardé sa veste longue pendant toute sa performance, consciente des "regards salaces" qui pesaient sur elle.
Des femmes qui veulent juste exercer leur passion se retrouvent ainsi sans cesse renvoyées à leur apparence. Sur Instagram, plusieurs comptes dénoncent cette situation dans le milieu de la musique électronique en recensant des remarques entendues en soirée et en diffusant différents témoignages, comme le fait @divamgmt. Le compte @tumixesbien cite plusieurs commentaires sexistes : "Tu mixes bien pour une fille", "Tu es une fille, donc si tu réussis dans la musique c'est pour ton physique", "Souris quand tu mixes, tu es plus jolie", "Tu te laisses aller va falloir perdre du poids...", "Mets un soutif la prochaine fois"...
"Les hommes ont l'impression que nous sommes à leur disposition"
Contrairement à leurs homologues masculins, les femmes DJ disent ressentir davantage de pression quant à leur apparence physique, qui n'influe pourtant en rien sur la qualité de leur mix. Ainsi, comme l'indique le rapport IMS (International Music Summit) 2023 sur l’industrie de la dance music, 67 % des femmes DJ se sentent obligées de paraître séduisantes pour faire carrière, contre seulement 14 % des hommes.
Le post de Paloma Colombe est devenu viral (il a récolté plus de 20 000 likes) et a mis en lumière la difficulté pour une femme d'exister en tant que DJ comparé à ses homologues masculins. Exposées, proches du public physiquement, amenées à travailler avec une majorité d'hommes (techniciens, vigiles, gérants de bars et de clubs...) les femmes DJ sont régulièrement la cible de violences sexistes et sexuelles.
Ainsi Elodie Vitalis, alias Abs8lute, insiste : "Oui, c'est un environnement cool et festif, mais quand une DJ mixe, elle travaille. Or, les hommes dans le public ont souvent l'impression que nous sommes à leur disposition. (...) Ils n'ont pas l'habitude de voir des filles derrière les platines. On se fait carrément draguer", décrit-elle dans Le Monde, le 16 décembre 2023. Paloma Colombe a également livré au quotidien national une autre anecdote : "J'étais en plein set dans un festival (...) quelqu'un arrive derrière moi et me touche à la taille. Je fais un bond, me retourne et l'ingénieur du son me dit : 'Si tu veux, tu as le bouton du volume de retour juste ici.' Comme si je ne connaissais pas mon matériel ! Du pur mansplaining."
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