Harcèlement sexuel sur LinkedIn : "Il m'a demandé si mes tarifs étaient valables pour des prestations intimes"

Astanbul, Turkey - December 14, 2011: Woman hand holding an touching an Apple iPhone 4 in a coffee shop. iPhone 4 displaying start up screen of LinkedIn application. The iPhone 4 is a touchscreen slate smartphone and the fourth generation iPhone, developed by Apple Inc.
© Getty Images

Le harcèlement sexuel est partout, et quand on est une femme, rares sont les endroits où l'on se sent en sécurité. La preuve : même des réseaux professionnels tels que LinkedIn peuvent devenir le théâtre d'approches de la part d'hommes. Commentaires déplacés, drague déplacée, harcèlement et propositions de promotion canapé : plusieurs victimes de ce phénomène témoignent.

En dépit de la multitude d'application et de sites de rencontres qui existent de nos jours, certaines personnes semblent estimer que la drague en ligne peut aussi passer par les réseaux sociaux. Quelle que soit la plateforme sur laquelle elles se trouvent, les femmes subissent régulièrement des tentatives de séduction non-désirées via Twitter, Facebook ou Instagram... Et parfois même via LinkedIn. Ce dernier site est pourtant loin d'être un réseau social classique : il s'agit plutôt d'un réseau professionnel dont l'objectif est de se faire des contacts dans son milieu, ou encore de trouver du travail. Et pourtant, certains n'hésitent pas à l'utiliser pour tenter de draguer des inconnues. Quitte à parfois tomber dans le harcèlement en ligne.

Vidéo. Quand les femmes reprennent la rue, un pied de nez au harcèlement

"Il m'a fait croire qu'il voulait me recruter"

Alizée avait 19 ans la première fois qu'elle a été confrontée à des messages déplacés sur LinkedIn. A l'époque, la jeune femme venait de débuter des études de commerce, et était à la recherche d'une alternance pour sa 3ème année. Elle s'est donc tout naturellement tournée vers le réseau professionnel dans l'espoir de faciliter sa recherche, expliquant sa démarche sur son profil. "Je commençais à désespérer : les vacances d'été approchaient, mais je n'avais toujours pas trouvé d'alternance pour la rentrée. Je pensais que c'était mort, jusqu'à ce qu'un mec me contacte. Profil bien rempli, photo avenante façon shooting corporate, de nombreuses recommandations sur sa page... Il m'a expliqué être tombé sur mon profil, que sa boîte recrutait, qu'il pouvait pousser ma candidature. J'étais aux anges !"

L'étudiante lui a donc envoyé son CV, sur lequel se trouvaient ses coordonnées, et notamment son numéro de téléphone. "Quelques jours plus tard, il a commencé à m'envoyer des messages. Il était très amical, me donnait des conseils, me posait des questions sur mes cours... Au bout de quelques jours, il me rappelle et me donne une adresse en me disant qu'il m'avait décroché un entretien. Mais en tapant l'adresse sur mon GPS, j'ai vite constaté qu'il s'agissait d'un bar, et non pas de son entreprise. Il a d'abord évoqué un entretien "informel" entre lui et moi, avant de finalement m'avouer qu'il voulait juste prendre un verre avec moi. Et quand je lui ai signifié que je n'étais pas intéressée... Il m'a bloquée. Non seulement j'ai perdu mon temps, mais en plus, maintenant, je redoute un peu les recruteurs qui me contactent sur LinkedIn..."

"Je l'ai dénoncé à son patron"

"En tant que freelance, je suis toujours à la recherche de nouvelles opportunités professionnelles, donc autant vous dire que quand le responsable des ressources humaines d'une grande entreprise française m'a contactée sur LinkedIn, j'avais l'impression d'avoir décroché le jackpot." Margaux est graphiste, elle a travaillé sur des logos, des sites internet, pour des magazines, et bon nombre de ses opportunités professionnelles viennent de LinkedIn, aussi, quand elle a été contactée par un recruteur, elle ne s'est pas vraiment posé de questions.

"On a commencé à échanger via la messagerie intégrée de la plateforme. Il m'a d'abord félicitée pour mon parcours, posé des questions sur mes tarifs, puis complimentée sur mon prénom. C'est là que je me suis dit qu'un truc clochait. J'ai essayé de réorienter la conversation sur le travail, mais il glissait des allusions de partout. Mon travail était "séduisant", mon profil "charmeur", et il voulait me rencontrer avec "plaisir". C'est con, mais en tant que nana, on se méfie vite de ce genre de vocabulaire. J'ai fini par lui rentrer dans le lard et lui demander de me dire clairement ce qu'il recherchait, et il m'a répondu qu'il n'y avait pas que le boulot dans la vie, et demandé si mes tarifs horaires étaient valables pour des prestations plus intimes, ou si j'étais intéressée par une "promotion canapé". Je l'ai immédiatement bloqué... Et je me suis fendue d'un mail gratiné adressé à son supérieur hiérarchique. Pas question qu'il utilise cette façon de procéder avec d'autres potentielles recrues qui n'oseront pas lui dire non."

Vidéo. "J'ai été victime d'un pedocriminel et c'est l'hypnose qui a fait ressurgir ça"

LinkedIn part en guerre contre le harcèlement sexuel

Si les internautes s'attendent désormais à des tentatives de drague sur les réseaux sociaux classiques, ce genre de procédé a encore moins sa place sur un réseau professionnel, et l'entreprise en a bien conscience. Contacté par nos soins, un porte-parole de la plateforme affirme que la modération ne laissera rien passer : "Nous nous appliquons à faire en sorte que LinkedIn soit un espace sûr pour les femmes et nous ne tolérons aucune forme de sexisme ou de harcèlement. Nos équipes prennent continuellement en compte les commentaires de nos membres féminins afin de leur assurer une expérience sécurisée." D'ailleurs, depuis peu, il existe plusieurs outils pour lutter contre les messages déplacés, qui permet de signaler les profils, les messages et les commentaires qui n'ont pas lieu d'être sur la plateforme.

"Nous avons récemment intégré une série de nouveaux outils et cela inclut le renforcement de nos Politiques de la communauté professionnelle pour exprimer encore plus clairement notre position sur le harcèlement et les avances sur LinkedIn. Nous avons également ajouté des rappels afin de faire en sorte que les conversations restent professionnelles dans les posts, messages et commentaires. Par ailleurs, une procédure de signalement plus transparente a été intégrée afin d'assurer à nos membres un suivi suite aux signalements qu’ils nous transmettent", précise le porte-parole. Un outil essentiel pour permettre aux femmes de se sentir plus en sécurité dans leur recherche d'emploi. Décidément, de LinkedIn à Vinted en passant par les annonces pour du babysitting, le harcèlement sexuel est partout...

A LIRE AUSSI

>> #PrendsMaPlainte : 66 % des femmes victimes de violences sexuelles toujours mal accueillies au commissariat

>> "Je pense que j'aurai toujours un peu peur de le retrouver devant ma maison" : elles sont victimes de stalking de la part de leur ex

>> Violences faites aux femmes : "Pour le grand public, il y a des bonnes et des mauvaises victimes"