Pass sanitaire et charge mentale : "C'est moi qui dois gérer pour mon mari"
Depuis maintenant plusieurs jours, le pass sanitaire est obligatoire pour accéder aux lieux de culture, pour voyager, mais aussi dans certains centres commerciaux ou grandes-surfaces. Une préoccupation de plus pour les Français, et en particulier pour les femmes, qui se retrouvent généralement à devoir tout gérer pour leur famille... y compris pour leur conjoint.
La question de la charge mentale est de plus en plus abordée, et bien souvent, force est de constater que ce sont les femmes qui la subissent. En 2021, outre les nombreuses inégalités de genre qui subsistent au niveau des salaires ou des agressions, ce sont les femmes qui, dans les relations hétérosexuelles, doivent prendre en charge la majeure partie du ménage, les activités pour les enfants et bien d'autres petites choses. Des petites choses qui, mises bout à bout, représentent presque un job à part entière. La situation s'est aggravée pendant le confinement, notamment avec l'école à la maison.
On aurait pu penser que le semi "retour à la normale" (fin des confinements et des couvre-feux, campagne de vaccination...) aurait facilité les choses pour les personnes dont la charge mentale explosait depuis quelques mois. Mais souvent, c'est tout le contraire. En cause ? Le pass sanitaire, mis en place depuis quelques semaines et qui tend à se démocratiser dans les mois à venir. Cette nouvelle formalité demande un minimum d'organisation. Organisation qui repose une fois de plus sur les femmes et sur les mères de famille. Comme quoi, le secrétaire général des Nations unies António Guterres n'avait pas tort quand il affirmait que "Le Covid-19 est une crise avec un visage féminin."
"J'ai le passeport sanitaire de mon mari sur mon téléphone"
Pour obtenir un passeport sanitaire, il y a plusieurs possibilités. Soit avoir complété son schéma vaccinal avec le nombre d'injections nécessaires (une, deux ou trois selon les profils), soit avoir réalisé un test PCR (et non un test antigénique) négatif dans les 72h, soit avoir un certificat médical attestant que l'on a eu le Covid il y a quelques mois, et que l'on est donc toujours immunisé. Toutefois, il est nécessaire d'avoir l'un de ces documents sur soi, que ce soit pour partir en vacances, aller dans un bar ou au restaurant, au cinéma, et même parfois pour faire des courses ou du shopping. Et ça, le mari de Corinne a du mal à l'intégrer.
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"Mon époux n'a pas l'application Tous Anti-Covid car il n'a pas de smartphone. Je lui ai donc imprimé son passeport vaccinal sur un petit carton, pour qu'il puisse l'avoir toujours dans sa poche ou dans son porte-feuille. A priori, ça ne devrait pas être compliqué, non ? C'est moi qui ai fait tout le travail. Et globalement, ça marche quand il sort en solo. Par contre, quand on sort tous les deux, c'est une autre histoire...". En effet, lorsqu'ils vont au restaurant ou au cinéma ensemble, l'homme a tendance à ne pas prendre son porte-feuille puisque sa compagne possède une carte bleue pour accéder à leur compte commun. "Pas de smartphone, pas de porte-feuille... Du coup, pas de pass sanitaire. Deux fois depuis le début du mois d'août, on a dû faire demi-tour en arrivant au resto pour retourner chercher son QR Code. Du coup, maintenant, j'en garde une copie sur mon téléphone à moi. Ça m'épuise de devoir gérer ça à sa place, mais ça m'évite de l'entendre râler et pester parce qu'il ne prend pas ses dispositions. C'est un peu la double peine...".
"J'ai dû rappeler à mes potes de prévoir leur passeport sanitaire pour les vacances"
Si Corinne se réjouit toutefois d'avoir un époux vacciné, Blanche, elle, a failli abandonner ses vacances entre amis au dernier moment face à l'attitude de certains garçons de sa bande. "On est un groupe de 10 copains, trois filles et sept garçons. On se connaît depuis la maternelle, et ça fait maintenant quatre ans qu'on part ensemble tous les étés. Jusqu'à maintenant, ça se passait bien, chacun mettait la main à la pâte sur place et dans l'orga. Mais cette année, c'est n'importe quoi."
Le petit groupe a en effet décidé de louer une maison en Espagne, pour deux semaines. Les réservations ont été faites en juin, au moment où toute la petite troupe commençait à se faire vacciner. "On est huit à avoir le vaccin, et deux bolosses qui ont préféré attendre le dernier moment, et qui n'ont donc pas pu avoir leur deuxième dose à temps", râle-t-elle. "Non seulement quelques jours avant le départ j'ai dû rappeler à tout le monde de m'envoyer leurs passeports vaccinaux, vu que c'est moi qui gère l'administratif, mais en prime, j'ai dû rappeler à ces deux-là d'aller faire un test PCR juste avant le départ." D'ailleurs, leurs camarades n'étant pas vaccinés, ils n'ont pas pu faire certaines activités avec eux pendant les vacances. "Certains bars demandaient un pass sanitaire, et en Espagne, un PCR coûte entre 75 et 150 euros. Autant dire que les deux non-vaccinés n'allaient pas en faire tous les deux jours pour pouvoir nous suivre. Mais ça ne les a pas empêchés de râler quand on sortait sans eux, alors qu'ils ne pouvaient s'en prendre qu'à eux-mêmes."
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"Pendant les vacances, c'est un véritable enfer pour moi"
Comme bon nombre de familles sans comorbidités, la petite tribu de Maéva a dû attendre le mois de juin pour passer par la case vaccination. "Deux parents, deux ados majeurs de 18 et 19 ans qui partaient avec leurs copains, deux ados de 13 et 15 ans qui partaient en colo, et notre petit dernier qui a 5 ans. Ça en fait du monde à vacciner, tester, encadrer. Cette année, en plus des départs, des valises et des lessives pour les vacances de chacun, il a fallu s'organiser pour faire vacciner tout ce petit monde à temps, en jonglant entre les dates d'examen pour éviter les éventuelles galères d'effets secondaires... Sans oublier les tests PCR, obligatoires en dépit de la vaccination complète pour certaines destinations.
La mère de cette famille nombreuse a tout organisé d'une main de maître : "Tableau Excel, calendrier, codes couleurs, listes... J'ai pris en compte tous les paramètres pour faire au mieux, parce que je voulais que tout le monde puisse profiter de son été. Ça a été un véritable enfer pour moi, parce que je me suis retrouvée à tout gérer en solo. Mon mari et mes enfants m'ont laissé prendre les choses en main comme si c'était normal. Seul mon aîné a pris la peine de s'intéresser au système et de proposer des idées pour faciliter les démarches." Epuisée par ces vacances, Maéva compte bien faire une petite mise au point avec ses proches à la rentrée : "Pour les plus de 18 ans, que ce soit mes fils ou mon mari, maintenant, c'est chacun pour soi. Il serait temps que chacun y mette du sien et se rappelle que je ne suis pas une surhumaine."
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