Pourquoi il faut absolument voir "Comme des reines", qui aborde le tabou de la prostitution des mineurs

Ce mercredi 28 juin à 22h50, France 2 diffuse "Comme des reines", un film racontant l'histoire de la jeune Samia, 15 ans, un peu perdue, se sentant prisonnière d'un carcan familial auquel elle n'adhère pas. Un soir, l'adolescente se laisse convaincre par une de ses amies, qui l'entraîne dans un réseau de prostitution. Le début d'un engrenage qui va installer l'emprise, la marginaliser et l'éloigner de sa famille. Une fiction nécéssaire pour mieux prendre conscience de la réalité : comme Samia, environ 7 000 à 10 000 mineurs se prostituent chaque année en France.

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Pourquoi il faut absolument voir "Comme des reines", qui aborde le tabou de la prostitution des mineurs. Photo : Getty Images

Héroïne de "Comme des reines", de Marion Vernoux, film diffusé ce mercredi 28 juin à 22h50 sur France 2, Samia (Sarah Isabella) a 15 ans et n'aime pas l'école, domaine dans lequel sa soeur aînée excelle. Un soir, alors qu'elle se sent enfin libérée de la pression scolaire et familiale, l'adolescente se rend à une fête. Le genre de soirée trouble où se mêlent mineurs et majeurs, sans que personne n'y trouve quelque chose à redire. Entraînée par une certaine Louise (Nina Louise), petite amie d'un proxénète (Idir Azougli), la jeune et jolie fille tombe dans le piège des passes pour de l'argent facile et la promesse d'une vie meilleure. C'est le début de la prostitution, autrement dit une descente aux enfers marquée par la honte et le secret dont elle ne sortira pas indemne.

"Beauté orientale, 100% halal"

L'histoire de Samia, c'est celle de nombreux mineurs en France : ils seraient environ près de 7 000 à 10 000 -un chiffre approximatif et probablement en deçà de la réalité- majoritairement des filles françaises âgées de 13 à 17 ans, à avoir des relations sexuelles tarifées, selon des chiffres relayés par le gouvernement en 2022. Un chiffre en hausse puisque la prostitution des mineurs est en augmentation régulière depuis cinq ans, d'après une étude menée par le ministère de la Santé.

À travers Samia, Marion Vernoux a voulu aborder le sujet encore tabou de la prostitution des mineurs, qui nécessite d'être pris à bras-le-corps. "On m’a proposé ce scénario absolument magnifique, écrit par Sandrine Gregor et Mélina Jochum, qui ont travaillé avec l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants (ACPE). J’ai été convaincue par le côté réaliste, documenté et enquêté de leur scénario", a-t-elle confié à Marie-Claire, en 2022.

"Comme des reines" explore la manière dont sont embrigadés les mineurs dans les réseaux de prostitution. Si les profils sont différents, la manière de procéder est souvent similaire : flatter pour installer un lien de confiance, puis l'emprise psychologique. D'abord, les compliments, les convaincre qu'ils sont spéciaux et uniques. Ensuite, leur faire miroiter un avenir radieux grâce à ce business illégal : ainsi, dans cette fiction, le petit ami de Louise, qui prostitue les filles, lui promet une belle maison à la mer. Mais la réalité rattrape bien vite les adolescentes. Leurs corps sont exposés en ligne, sur des sites obscurs, pour attirer les clients. Étiquetés avec des formules irrespectueuses qui ne les font pas passer pour autre chose que de la chair fraîche au rabais. Des annonces illégales, sexistes, mais aussi teintées de racisme.

Dans le cas de Samia, ce sera "Beauté orientale, 100% halal", à son insu. "Ce type d'annonces existe sur la Toile", affirme Marion Vernoux, qui a voulu coller au maximum à la réalité. Une réalité très sombre, qui veut s'adapter au "marché" et colle aux tags en vogue sur les sites pornos (comme le -malheureusement- très prisé "beurette"), non moins stéréotypés et discriminants.

"Il y a des images qui ne peuvent pas s'effacer"

Parfois des indices sèment le doute : derrière les nouveaux vêtements, les sacs de luxe et les absences répétées, difficile de ne pas éveiller les soupçons sur ces jeunes qui peuvent s'enfermer dans le silence et la culpabilité. Certaines familles s'inquiètent des cachoteries de leur progéniture, de son mutisme ou des rumeurs qui l'entourent. D'autres ne reverront jamais leur enfant.

"Comme des reines" explore également cet aspect : on observe ainsi la mère de Samia (Karole Rocher) et les parents de Louise (Nathalie Richard et Bernard Campan) remuer ciel et terre pour délivrer leurs filles de l'emprise que leur proxénète a sur elles. Une entreprise d'autant plus difficile pour des parents, parfois dépassés par la complexité des réseaux tentaculaires en ligne, qui se déploient en toute discrétion. Ces dernières années, selon l'ACPE, les smartphones, tablettes et autres objets connectés ont largement facilité la multiplication des "conduites prostitutionnelles".

Des "chasseurs de tête" démarchent, "vendent" et parfois figent pour toujours les mineurs en les filmant dans des situations dégradantes et en postant les vidéos sur Internet. Plus besoin de faire le trottoir, la prostitution, comme le reste de la société, a connu l'ubérisation. Un rendez-vous fixé en trois messages pour une passe dans -au mieux- un hôtel Ibis de banlieue : aussi simple que de commander une pizza. Au bout de la course, pas de repas, mais des adolescents traumatisés et des familles détruites...

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"Je suis mère. Je m'imaginais à leur place... C'est un pur cauchemar pour ces familles totalement démunies. Je pense que ces parents se sentent trahis. Il y a des images qui ne peuvent pas s'effacer. Quand on tombe sur sa môme sur un site porno, par exemple. C'est aussi extrêmement culpabilisant. Ils ressentent de l'incompréhension, car ils ne connaissent pas les codes des réseaux sociaux, où les jeunes sont désormais ciblés par les proxénètes. (...) Mais je crois que le sentiment qui domine est l'impuissance, comme face à un enfant qui se droguerait", explique Marion Vernoux.

Car, pour les mineurs, il est extrêmement difficile de s'extraire des réseaux de prostitution. Encore et toujours à cause de l'emprise installée par les proxénètes, qui fragilise et marginalise les victimes. "Il est très difficile pour ces jeunes filles de se ré-intégrer au sein d'un foyer, d'un collège, d'un cercle proche", analyse la réalisatrice. Parfois jusqu'au point de non-retour : "Même quand elles reviennent chez leurs parents... Elles repartent parfois."

"Comme des reines" ce soir à 22h50 sur France 2.

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