Argent dans le couple : "Quand t'es une meuf et que tu gagnes plus que ton mec, c'est encore très difficile"
Invitée du podcast Contre Soirée de l'influenceuse Annarvr, la créatrice de contenus Marie Lopez, alias EnjoyPhoenix, s'est confiée sur sa vie amoureuse. La jeune femme a notamment évoqué le fait que gagner plus que son partenaire avait pu être un problème pour elle et l'avait même menée jusqu'à la rupture. Si les mentalités évoluent, il semblerait que la différence de revenus reste un point de désaccord dans les couples. Pour Yahoo, des femmes qui gagnent plus que leur compagnon ont expliqué la place que prenait l'argent dans leur relation.
"Cela a été très dur pour moi". Dans le podcast "Contre Soirée", Marie Lopez, qui s'est fait connaître sous le pseudo EnjoyPhoenix, est revenue sur son historique amoureux et les échecs de sa vie sentimentale.
Si la notoriété de celle qui cumule plusieurs millions d'abonnés sur les réseaux sociaux a été une difficulté pour construire une relation amoureuse, l'argent qu'elle gagne, en tant que femme, a aussi été un sujet. À tel point qu'il la conduite à rompre avec un de ses petits amis, qui avait des revenus plus faibles. "J'ai été avec quelqu'un qui était le total opposé de ma vie (...) et ça n'allait pas. (...) C'est très difficile d'être avec quelqu'un qui ne comprend pas ce que tu fais (...) Il y a aussi, intrinsèquement, une sorte de jalousie vis-à-vis de ce que tu gagnes (...) C'est vrai, quand t'es une meuf et que tu gagnes plus que ton gars, je suis désolée, oui, les mentalités évoluent, mais c'est encore très difficile", a-t-elle expliqué.
Anna Rvr, l'hôtesse du podcast Contre Soirée, elle aussi créatrice de contenus, a également vécu ce décalage. "Je suis complètement d'accord (...) Ma relation a été très compliquée en partie parce qu'il (son compagnon de l'époque; ndlr) ne supportait pas que je voyage, que je gagne bien ma vie alors que lui pas du tout", a-t-elle réagi.
Un "complexe d'infériorité" masculin ?
Et les histoires des deux jeunes femmes ne semblent pas être des cas isolés. En 2020, des sociologues de la City University of London ont ainsi établi dans une étude que la plupart des hommes "souffrent quand ils gagnent moins que leurs épouses" résume la sociologue Vanessa Gash, principale autrice de l’étude, sur le site de l'université. Gagner moins que leur compagne affecterait donc réellement le bien-être de certains hommes à l'ego blessé, influencés, consciemment ou non, par l'idée archaïque que l'homme devrait être le principal -voire le seul- pourvoyeur de ressources du foyer. "Ces résultats suggèrent que l’écart de rémunération entre les partenaires est renforcé par les normes du modèle traditionnel où l’homme est le principal apporteur de revenus du ménage" confirme Vanessa Gash.
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Sans conduire jusqu'à la rupture, la question de l'argent dans le couple peut créer des tensions, notamment quand l'homme gagne moins que sa compagne. Mathilde* gagne environ 300 euros de plus que son compagnon et concède que cette situation l'a plusieurs fois amenée à se disputer avec lui.
"Ça peut être un problème parfois, ça arrive dans des disputes que je finisse par sortir : "Je paye tout, tu peux rien payer" ou "C'est pas grave, fais en fonction de tes finances". Lui ça le blesse, il me dit : "Je ne peux rien faire pour toi, on ne peut pas partir en voyage à cause de moi". C'est vrai qu'il ne peut pas m'offrir ce qu'il veut ou m'inviter au restaurant, c'est plus moi qui vais le faire. Il veut bien prendre des initiatives mais il n'a pas toujours l'argent pour", rapporte-t-elle.
"Il y a des trucs qu'on ne peut pas partager ensemble"
Au vu des désaccords que pouvait créer leur écart de salaire, Mathilde et son compagnon ont décidé de revoir leur manière de dépenser de l'argent ensemble. "Avant je lui disais : "Paie, tu me rembourseras plus tard", il accumulait sa "dette" et il me remboursait un peu tous les mois, mais ça devenait un poids mentalement", explique-t-elle. "Maintenant, on va essayer de payer le loyer en fonction de nos revenus respectifs."
Mathilde a aussi constaté que son compagnon ne pouvait pas s'empêcher de se comparer à elle, sans pour autant lui reprocher de gagner plus d'argent. "Moi je pouvais m'offrir beaucoup plus de choses que lui, et il s'en est beaucoup plaint. On a la passion du cosplay et il ne peut pas investir là-dedans, il y a des trucs qu'on ne peut pas partager ensemble", constate-t-elle. "Il est plus âgé que moi (quatre ans de plus; ndlr) et il gagne moins, donc pour lui ça le renvoie à un échec, il se dit qu'il en est toujours au même stade au niveau salarial", analyse la jeune femme.
"Il en parle ouvertement"
À l'inverse, Chloé* gagne "environ 10 000 euros bruts de plus à l'année" que son partenaire, soit environ "500 euros de plus par mois", et estime que cet écart de salaire n'a jamais était un sujet. Mais elle n'a pas pu s'empêcher de se demander si cela affectait son compagnon, et lui a donc posé directement la question. "Ça ne lui pose pas de problème, on en a déjà parlé. Je lui avais demandé si ça "mettait à mal son ego" et il m'a dit que non pas du tout, il en parle même ouvertement avec ses potes" raconte-t-elle.
Il peut être difficile d'aborder la question de l'argent dans le couple, aussi par peur de heurter l'autre, qui n'a pas envie d'être perçu comme un "poids" dans le couple. "Mon compagnon voulait faire 50/50, ça lui semblait plus juste, j'ai dû insister pour le convaincre qu'un calcul au pro-rata de nos revenus était en fait plus juste, de manière à ce que les charges de la famille pèsent autant sur l'un que sur l'autre", se souvient Myriam*.
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"Je lui dis qu'il me "michtonne""
Emma*, elle, se dit tellement à l'aise sur le sujet qu'elle a même tendance à "vanner" son partenaire. "On en rigole de temps en temps, je lui dis même qu'il me "michtonne"", s'amuse-t-elle. "Quand on s'est rencontrés, j'étais au RSA, puis j'ai été embauchée à Paris et la situation s'est inversée. Je n'ai jamais senti un malaise du fait que je gagne plus que lui. On se fixe un budget commun et ensuite chacun fait ce qu'il veut de ses sous. On se dit souvent cette phrase : "Les bons comptes font les bons amis". Je l'aide même à lire ses fiches de paye, donc il n'y aucun tabou je pense".
Mélanie* a connu la même situation : lorsqu'elle a rencontré Guillaume*, elle gagnait moins que lui, mais son changement de poste a modifié les choses. Pour autant, cela n'a pas perturbé l'équilibre du couple, qui ne possède pas de compte commun, mais a une organisation bien rodée. "Nous gérons les dépenses avec un Tricount (une application qui permet d'équilibrer les dépenses au sein d'un groupe, ndlr). Chacun paye les dépenses communes (courses, charges, sorties communes, etc.) en fonction de l’avancée du Tricount", détaille Mélanie. "L'argent n’a jamais été un sujet majeur chez nous, nous en parlons peu", conclut-elle.
Pour Héloïse Bolle, conseillère en gestion de patrimoine et fondatrice d'Oseille et compagnie, l'argent doit pourtant justement être au coeur des discussions d'un couple, afin qu'aucune des deux parties ne soit lésée. "Il y a des couples où non seulement les femmes sont les plus gros pourvoyeurs financiers mais où en plus elles ont une charge mentale très forte et beaucoup plus élevée que celle de leur mari", affirme-t-elle.
Prévoir "un filet de sécurité"
"Sur le plan financier il y a un partage, mais pas sur les tâches ménagères. Il faut bien garder en tête qu'il y a la valeur du temps que vous donnez à votre travail, et il y a la valeur du temps que vous donnez à votre couple, à votre famille. Le temps domestique est vraiment important aussi et il a une valeur économique", rappelle Héloïse Bolle, co-autrice, avec Insaff El Hassini, de "Aux thunes, citoyennes".
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L'experte incite ainsi les couples à se renseigner, notamment sur les différents régimes matrimoniaux qui encadrent le mariage. "Quand il y a des disparités de revenus, il faut faire encore plus attention aux incidences du régime matrimonial parce qu'une séparation ou un deuil ça peut avoir un effet dévastateur", met-elle en garde.
"Si on ne veut pas se retrouver dans un schéma où il y en a un qui rafle tout et l'autre qui se retrouve lésé, il faut comprendre ce que l'on fait et dans quelle organisation on s'est mis. Il faut que les deux puissent avoir un filet de sécurité", insiste-t-elle.
Trouver l'équilibre
Si l'on espère que les mentalités changent sur ce sujet, c'est peut-être encore l'expérience qui permet aux femmes de trouver ce qui leur convient, tout en sachant "se mettre à l'abri" en cas de séparation.
À 50 ans passés, divorcée, Véronique* est consciente des risques que comporte le mariage. "J'ai vécu longtemps avec quelqu'un qui gagnait trois fois plus d'argent que moi, et maintenant je suis avec un homme qui gagne moins", déclare celle qui est séparée du père de ses deux filles. Pour elle, "peu importe, ce qui est important, c'est d'être en capacité d'adopter un mode vie dans lequel les deux s'accordent. Ce qui compte, c'est que moi je sois indépendante financièrement, et c'est ce que je conseille souvent à mes filles." Un conseil qui s'applique à toutes.
*Les prénoms ont été modifiés.
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