Confinement et cycle menstruel : "J'ai bien cru que je n'arriverais pas à acheter mes médicaments"
Alors que le confinement dure depuis trois semaines déjà, de nombreuses femmes ont remarqué que leur cycle menstruel était sensiblement modifié. Sur les réseaux sociaux, des médecins expliquent que le stress est le principal coupable de ces altérations du cycle : retards de règles, aménorrhées, syndrome pré-menstruel ou douleurs plus importantes. Et ce n’est pas tout car les galères de règles à l’ère du confinement ne s’arrêtent pas là. Témoignages.
Claire a remarqué des ruptures de stocks partielles dans les rayons de son supermarché de quartier : ”Quand je vais faire mes courses une fois toutes les deux semaines je vois bien que le rayon protection hygiénique est pris d’assaut... ça me fait tout drôle à chaque fois parce qu’on a beaucoup parlé du papier toilette mais pas de ça. Pourquoi ?”
Des solutions alternatives
Sur les réseaux sociaux, plusieurs femmes ont avoué profiter du confinement pour utiliser des protections hygiéniques alternatives, comme la cup ou les culottes de règles. C’est le cas d’Émilie : “J’ai l'impression d'être comme pas mal de femmes. J'ai un syndrome pré-menstruel qui dure depuis plusieurs jours, des crampes, les seins douloureux… et toujours pas de règles. Après, comme je n'ai jamais eu des cycles réguliers, je ne panique pas. Peu de temps avant le confinement, j'ai acheté trois culottes Réjeanne, que je vais pouvoir tester. J'espère juste que mon flux ne sera pas plus abondant qu’habituellement, parce que sinon ce sera carrément l’hémorragie.”
“J’ai même eu ma gynéco au téléphone ce matin, parce que je commençais à flipper. Apprendre que je ne suis apparemment pas la seule a dû me rassurer”
Aude a aussi choisi l’option culottes de règles mais a vu son cycle bouleversé par la situation. Elle a ses règles sans discontinuer depuis le début du confinement : “J’ai eu mes règles le lundi. Premier jour de confinement. Mes règles c’est le lundi. Sauf qu’en principe c’était celui d’après. Je suis réglée comme du papier à musique depuis la naissance de mon deuxième enfant puis la pose d’un stérilet au cuivre -sans hormones donc- il y a presque 5 ans. Donc une semaine d’avance. Bon, confinée, avec mes culottes de règles et tout ce dont j’avais besoin, je ne me suis pas particulièrement émue. Ça n’allait pas changer mon emploi du temps ni contrarier des plans, puisque, comme tout le monde, mon seul plan était de rester chez moi. Sauf que les règles ont duré. Pas cinq ou six jours comme d’habitude, mais quinze jours. Un flux réduit, pas de douleurs particulières, mais quinze jours. J’ai même eu ma gynéco au téléphone ce matin, parce que je commençais à flipper. Apprendre que je ne suis apparemment pas la seule a dû me rassurer, car je crois que c’est en train de s’arrêter. J’espère.”
Comment éviter les anti-inflammatoires ?
Pour les femmes atteintes d’endométriose ou particulièrement sujettes aux douleurs de règles, la période s’est aussi considérablement compliquée. Une communication du ministère de la Santé déconseille en effet d’utiliser des anti-inflammatoires depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Or, les anti-inflammatoires constituent souvent pour ces femmes le seul moyen de soulager leurs douleurs persistantes. Mylène a fait le choix de suivre les conseils du gouvernement et d’adapter ses habitudes : “Pour lutter contre la douleur, j'ai utilisé un savant mélange de bouillotte, de Livia (petit appareil qui aide à lutter contre la douleur), de paracétamol (même si l'effet est très limité) et de divers compléments alimentaires à base plantes censés aider à lutter contre la douleur. Il y a notamment des comprimés d'huiles essentielles et des infusions d’hibiscus. La douleur était assez gérable pour que je reste dans le fond de mon canapé à ne rien faire, mais pas assez pour que je puisse faire quoi que ce soit qui demande d'être en station debout prolongée (vaisselle) ou de marcher trop longtemps (courses).”
Son cycle a lui aussi été bouleversé, et de nouveaux symptômes sont apparus : “J'ai habituellement un cycle de 28-29 jours qui a été réduit à 22-23 jours (je ne suis pas sous contraception hormonale). Ma période de saignement a elle aussi été écourtée car elle est passée de 9-10 jours à 6 jours. Les nouveaux symptômes, sûrement dûs au stress accru en plus du syndrome pré-menstruel habituel, sont principalement de très forts maux de tête (je ne suis pas migraineuse d'habitude), des épisodes de forte anxiété et encore plus de soucis intestinaux qu’à l'accoutumée."
“J'ai bien cru que je n'arriverais pas à acheter mes médicaments”
Quant à Margaux, elle a décidé de continuer à prendre son anti-inflammatoire habituel, mais a été obligée de négocier son traitement avec une pharmacienne particulièrement zélée : “J'ai un stérilet, donc des règles qui peuvent être douloureuses et une prescription d'Antadys pour cela. Je suis allée la chercher à la pharmacie de ma rue. J'ai tout de suite vu que la pharmacienne tiquait. Elle m'a demandé si j'étais au courant que c'était déconseillé. J'ai dit oui, que je ne prenais pas ces anti-inflammatoires pour un mal de tête mais pour des règles douloureuses, que je n'en prenais pas beaucoup et que je n'avais aucun symptômes du Covid. Elle a fait appel au gérant de l’officine, qui m'a répété qu'on pouvait avoir le Coronavirus sans symptômes, que je devais absolument faire attention. J'ai répété qu'il était hors de question d'abuser de ces médicaments mais que j'en avais absolument besoin trois jours par mois. Il m'a demandé si j'avais un thermomètre chez moi, ce qui est le cas, et m'a dit que je devais absolument prendre ma température avant chaque prise d'Antadys. Je ne suis pas quelqu'un de stressée de nature, j'avais eu des avis médicaux me disant que je pouvais toujours prendre mes antidouleurs avec prudence, mais de fait j'ai bien cru que je n'arriverais pas à acheter mes médicaments.”
La sororité, une valeur à cultiver
Sur les réseaux sociaux, en plus des anecdotes de pharmaciens et pharmaciennes qui déconseillent ou refusent de vendre des anti-inflammatoires, de plus en plus de femmes partagent des histoires de forces de l’ordre qui verbaliseraient pour un achat de protections hygiéniques jugé “non vital”.
En cette période d’épreuve collective, les femmes voient leurs cycles et leurs difficultés encore une fois invisibilisées ou carrément niées. Un conseil s’applique alors à toutes : particulièrement pendant ces temps troublés, prenez soin de vous. Parler avec des amies de ses inquiétudes et de ses douleurs est aussi un bon moyen de se rendre compte que la galère est partagée et d’échanger des petits trucs et astuces en plus de soutien moral. La sororité, plus que jamais, est une valeur à cultiver.
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