Corinne Masiero raconte son quotidien violent de femme à la rue : "On m'a déjà menacée avec un flingue, 'suce-moi sinon je te tire une balle !'"
Actrice engagée pour la cause féministe, Corinne Masiero a plusieurs fois évoqué les événements traumatiques qu'elle avait vécus dans la rue. La comédienne a ainsi révélé avoir été victime de plusieurs viols. Dans une interview accordée à Konbini, elle a livré les détails glaçants de ses agressions et son quotidien difficile en tant que sans domicile fixe. Un témoignage poignant et nécéssaire.
"Il faut arrêter de dire que c'est une question de volonté de s'en sortir" déclare Corinne Masiero face à la caméra de Konbini, à l'occasion de la sortie du film "La Marginale". Elle y interprète une sans-abri, ce qu'elle a été réellement pendant une période particulièrement dure de sa vie. Dans une vidéo postée début mai, l'actrice a accepté de revenir sur les viols dont elle a été victime et sur son expérience dans la rue. Elle délivre ainsi un message fort sur les épreuves auxquelles sont confrontées les femmes SDF. Avec ce témoignage, Corinne Masiero espère notamment lutter contre les clichés sur le viol.
Vidéo. La minute de Corinne Masiero
"Tu comprends que si tu dis pas oui, tu vas encore aller dehors"
Non, il n'y a pas de "profil de violeur", comme il n'y a pas de "profil de victime", ou de "bonne victime". "Quand tu es une femme, qu'est-ce qui est plus dangereux ? Tout !", s'exclame celle qui a été sans domicile fixe, a connu la dépendance à l'alcool, à la drogue et la prostitution. Et de poursuivre, fataliste, et avec ces mots crus : "Quand t'es une gonzesse, je veux dire même avec la gueule que j'ai, on s'en fout, un trou c'est un trou, pour les agresseurs."
Corinne Masiero ajoute : au-delà du violeur et de sa victime, tous les viols ne sont pas commis pas des inconnus, en pleine rue, la nuit. Même si elle raconte elle-même avoir vécu des situations extrêmement violentes et similaires, l'actrice rapporte la manipulation dont font preuve certains agresseurs, qui profitent de la crédulité et/ou de la précarité de leurs victimes pour leur extorquer un rapport sexuel. "Ce n'est pas forcément un couteau sous la gorge, t'as une vieille lame et si tu ne fais pas... Même si j'ai déjà eu ça, un flingue, et 'allez suce-moi sinon je te tire une balle ! Le plus difficile c'est quand on essaye de t'avoir à l'entourloupe, façon "snake" (serpent, en anglais; ndlr). 'Tu viens chez moi, bien sûr je vais te prêter un bout de tapis, un bout de canapé.' Et puis bon, le mec s'assoit à côté de toi, il commence à te frotter le dos, et tu comprends que si tu dis pas oui, tu vas encore aller dehors. Donc qu'est-ce que tu fais ? Tu fermes ta gueule, tu te laisses faire", décrit-elle.
"J'ai été violée par un pote"
Comme l'explique Corinne Masiero, contrairement à une autre idée répandue sur le viol, non, les victimes ne sont pas toujours en capacité d'exprimer leur refus, tout comme il n'y a pas un seul "profil" de violeur : de nombreuses femmes sont en effet dans un état de sidération qui les immobilise quand elle sont agressées. "J'ai même été violée par un pote, une fois. Il ne m'a pas cognée. Tu es sidérée par ce qu'il se passe, tu ne sais plus comment faire, et puis il te passe dessus et quand c'est terminé tu te demandes ce qui t'est arrivé. Et en plus, tu culpabilises parce que tu te dis 'mais pourquoi j'ai pas dit non ?' alors que tu es juste comme un bout de bois, tu ne sais plus bouger, tu ne sais plus quoi dire."
La comédienne est loin d'être un cas isolé : selon les chiffres du Collectif féministe contre le viol (CFCV), la majorité de ces crimes (80%) sont commis par des personnes issues de l'entourage de la personne agressée. Corinne Masiero avait par ailleurs déclaré en 2022 avoir été victime d'inceste de la part de son cousin -aujourd'hui décédé- dans son enfance.
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Des protections hygiéniques avec un vieux t-shirt
À la honte d'être à la rue et à la crainte d'être agressée s'ajoute un problème de taille pour une femme qui ne dispose pas du minimum pour vivre : la précarité menstruelle, ou le fait de ne pas avoir de protections hygiéniques, nécessaires pour vivre sereinement ses règles, faute de moyens. "Je n'ai jamais réussi à commander le flux. En plus comme moi, c'étaient les chutes du Niagara, bah à l'ancienne, t'as un vieux t-shirt qui traîne, tu le mets dedans, tu le retournes, tu le remets en boule. (...) Ou alors avec des papiers, des journaux, ce que tu peux...", a expliqué Corinne Masiero à Konbini.
La comédienne incite les gens à aller au-delà de leur préjugés avec les sans domicile fixe : "Évidemment qu'on a envie de s'en sortir. Allez parler avec les gens qui sont dans la m*rde. Posez-leur des questions. (...) C'est bien de filer une petite piécette, mais parfois c'est bien aussi d'engager la conversation et de demander 'pourquoi ?' sans être dans le jugement."
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