"Je vous ai servi un soda light parce que vous ne devez pas grossir" : ces phrases anodines qui participent à la culture du régime

Plus sûr que les hits de l'été, chaque année, le même sujet revient sur le tapis à l'approche des vacances : celui du "Summer Body". De nombreuses personnes – majoritairement des femmes – sont encouragées par la société à perdre du poids avant de se mettre en bikini sur la plage ou au bord de la piscine. Une conséquence de plus de ce que l'on appelle la "Diet Culture", ou culture du régime.

"Je vous ai servi un soda light parce que vous ne devez pas grossir" : ces phrases anodines qui participent à la culture du régime. Crédit : Getty
"Je vous ai servi un soda light parce que vous ne devez pas grossir" : ces phrases anodines qui participent à la culture du régime. Crédit : Getty

"Tant pis pour le summer body." Quelques mois après la naissance de son fils Malo, l'ancienne Miss France Camille Cerf a posé en lingerie, avec pour objectif la chasse aux complexes et au culte de la minceur avant l'été. Comme chaque année, les régimes express et autres programmes sportifs pullulent dans les magazines et sur Internet, avec un objectif : être mince pour se mettre en maillot de bain cet été.

Selon une étude menée par l’agence spécialisée dans les statistiques FLASHS pour le site de voyages NYC.fr, le culte de la minceur et des régimes a encore de beaux jours devant lui. Car si 76% des personnes interrogées dans cette enquête estiment que le culte de la minceur est trop présent dans les médias, un tiers des sondés pense que le mouvement body-posi encourage les personnes obèses ou en surpoids à le rester. D'ailleurs, 37% des Françaises et des Français estiment que les personnes obèses ou en surpoids sont principalement responsables de leur situation tandis que 14% jugent même qu’il est normal de refuser un emploi à quelqu’un du fait de sa forte corpulence.

Résultat, la "diet culture", ou culture du régime, reste omniprésente dans notre société. D'ailleurs, vous y contribuez peut-être, sans vous en rendre compte, à travers des petites phrases qui en disent long sur ce que vous pensez des corporalités grosses.

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Emeline a 34 ans. Avec sa taille 40-42, elle est loin d'être objectivement en surpoids, mais pourtant, elle est déjà considérée comme "grosse" par de nombreuses personnes. Résultat, elle n'est pas à l'abri des petites remarques assassines. La dernière en date a eu lieu alors qu'elle prenait un verre en terrasse avec des amies, alors que la chaleur battait son plein.

"J'ai commandé un soda d'une grande marque bien connue, tandis que les amies prenaient des cocktails ou de la bière. Au moment de venir me servir, le serveur m'a dit : "Je vous ai mis un soda light plutôt qu'un normal, c'est l'été, il faut que vous fassiez attention à ne pas grossir." J'étais sous le choc. Déjà, de quoi il se mêle ? Et ensuite, je peux avoir toutes les raisons du monde de commander la version classique d'un soda, plutôt que la version édulcorée. Et bizarrement, mes compagnes qui boivent de l'alcool, autrement plus calorique qu'un soda, n'ont pas eu droit à ce genre de reproche."

En effet, si les sodas sont largement décriés, en boire un de temps en temps ne fera aucun mal à votre santé.

Les serveurs ne sont pas les seuls à se permettre de changer la commande des consommatrices. Clotilde, elle, a eu droit à une réflexion déplacée de la part de la caissière alors qu'elle faisait ses courses au supermarché. "En tant que femme grosse, j'appréhende toujours de me faire juger sur le contenu de mon panier, mais c'est la première fois que j'ai droit à une réflexion aussi virulente. J'avais acheté de la viande, du poisson, des pâtes, des conserves, mais aussi des biscuits. Et la caissière m'a dit : "Ah bah, vous n'achetez pas beaucoup de légumes, hein", en me toisant de haut en bas. Sauf que j'ai un potager chez moi, et que je cultive mes propres légumes, et que je complète mes courses par un passage chez le primeur, plutôt que de payer 5 euros des tomates qui viennent du bout du monde."

Toutefois, la jeune femme n'a pas osé rabattre le caquet de la vendeuse. "J'ai fait comme si je n'avais rien entendu, et je suis repartie avec mon panier, honteuse et les larmes aux yeux. Je ne sais pas si les gens pensent bien faire, ou alors s'ils cherchent vraiment à nous humilier, mais en tout cas, le résultat est là..."

La culture de la minceur ne s'adresse pas seulement aux personnes grosses, qu'elles soient obèses ou en surpoids. Elle peut tout à fait s'adresser aux personnes minces, qui se voient félicitées pour leur corps et leur discipline. C'est ce qu'à vécu Chloé, 27 ans. "J'ai toujours été un petit gabarit : 1m57, 43 ou 44 kilos en moyenne. Clairement, je ne suis pas épaisse, et je ne suis pas à plaindre avec mon corps normé", explique-t-elle.

Toutefois, il y a une phrase qui a le don de la mettre hors d'elle : "Que ce soit quand je sors avec des amies, ou avec des collègues, il m'arrive d'être la seule à prendre un dessert. J'ai le bec sucré, j'aime terminer les repas avec une douceur. Et à chaque fois, j'ai la même réflexion : "Toi, tu peux te le permettre." Cette diabolisation des aliments m'énerve, parce que j'ai grandi avec un rapport très sain à la nourriture, qui dit qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais aliment, qu'on peut manger de tout à condition de ne pas en abuser. Partir du principe que seules les personnes minces ont le droit de manger du sucre, je ne comprends pas le délire. Ça renforce l'idée que certaines personnes doivent se priver, et que d'autres ont mérité le droit de manger certains aliments."

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