Les amants du couvre-feu : "Aller chez des hommes, c’est de la survie"
Depuis le samedi 16 janvier, un couvre-feu est obligatoire à 18h dans toute la France. Dans Les amants du couvre-feu, célibataires et amants racontent comment ils arrivent à concilier contraintes sanitaires avec leurs vies amoureuses et sexuelles.
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Donia a 26 ans. Elle est hétérosexuelle, célibataire et très proche de ses parents : "Au premier confinement, j’ai suivi toutes les règles comme il faut. J’avais très peur de voir mes parents malades et j’ai géré au maximum pour qu’ils soient le moins stressés possible. Je nettoyais mes courses, je faisais les leurs et je les nettoyais aussi. Je me suis assurée qu’ils se sentent protégés par moi, à défaut du gouvernement. Pendant ce temps, je télétravaillais et j’ai complètement mis ma vie sentimentale et sexuelle de côté. Il y avait un type avec qui je parlais un peu avant le confinement et je l’ai juste ghosté quand ça a commencé. Je n’avais pas de temps à consacrer à tout ça."
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"Ça m’a fait du bien de rire, de ne rien faire, de profiter du moment"
L’été, elle le passe avec ses amies : "Ce sont mes parents qui m’ont dit : "Profite ! Tu en as assez fait." J’ai donc pris quelques semaines avec mes plus proches amies. On a bougé pour voir la mer pas loin de chez nous, on a bu quelques cocktails, on a parlé des heures. Ça m’a fait du bien de rire, de ne rien faire, de profiter du moment avec des gens dont je ne devais pas me soucier du bien-être. Juste penser à moi et apprécier les vacances. On entendait les médias parler de la deuxième vague, mais c’est resté lointain pendant un moment pour moi. Je me disais vraiment que c’était derrière nous, j’avais tellement fait de sacrifices. Et je sais que je ne suis pas la seule. Imaginer que ça puisse durer, ce n’était pas possible."
"Certains soirs, j’ai vu des hommes que j’ai trouvés sur une application de rencontre"
La rentrée bouscule ses espoirs : "J’ai fini par comprendre que ça n’était pas fini. Mais j’étais épuisée par le stress de tout ça, de la débrouille que cela impliquait, au niveau du travail, de mes parents. Au début juste pour avoir des masques et puis pour avoir des informations qui ont l’air solides, sans virer complotiste. Je me suis sentie abandonnée. Je pense que beaucoup de gens ont été abandonnés. Ça a commencé à me mettre en colère. Et quand la colère est montée, j’ai choisi de faire ce dont j’avais envie et de ne plus écouter personne. J’ai continué à m’occuper de mes parents parce que pour moi, c’est la chose juste à faire. Mais certains soirs, alors qu’il y avait un couvre-feu depuis des mois, j’ai vu des hommes que j’ai trouvés sur une application de rencontre."
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"Je viens de passer presque un an de ma vie à essayer de tout faire bien"
Donia se sent coupable de ne plus totalement respecter les règles, mais elle veut aussi marquer par ce geste son mécontentement et sa colère : "Je viens de passer presque un an de ma vie à essayer de tout faire bien, à me sacrifier pour mes proches et pour protéger les autres. J’ai vu des gens partir en vacances à l’étranger et mon neveu étudiant ne plus savoir si il avait un avenir. J’ai vu des voisins perdre un proche et d’autres organiser des fêtes de famille. J’ai supporté le fait que pendant des semaines on n'avait aucune information sérieuse, aucune issue visible. Je suis épuisée. Alors je n’organise pas de grande fête, je ne ferai certainement pas mon anniversaire cette année encore, et je ne partirai pas en vacances, mais je m’autorise à aller chez des hommes, parfois. Et quand je rentre le soir chez moi, je me dis que c’est de la survie et que c’est ma seule façon de me rappeler que je suis vivante."
"Je profite de leurs bras et de leurs caresses, mais je n’attend rien de plus"
Pour autant, elle n’envisage pas encore de sortir de son célibat : "Tout ça, les rencontres la nuit, c’est juste pour le contact, le frisson. Je ne cherche pas à ajouter quelqu’un dans ma vie. Quelqu’un dont la santé et l’avenir peuvent m'inquiéter. Il n’y a pas de place dans ma vie actuellement pour quelqu’un en plus. Je profite de leurs bras et de leurs caresses, mais je n'attends rien de plus. Je pense même que je ne vais jamais revoir ces hommes après le confinement et le couvre-feu. Je m’en fiche d’avoir des rendez-vous avec eux. C’est triste, mais c’est comme ça. Maintenant dans ma vie, il n’y a que mes proches qui comptent. Et un petit peu moi."