TABOU - Promotion canapé : 1 personne sur 4 a déjà entendu sa manager être accusée d'avoir couché pour réussir
Faire carrière quand on est une femme n'est toujours pas une mince affaire. Outre les inégalités salariales qui perdurent encore et toujours, ainsi que le plafond et les parois de verre qui les empêchent de voir leur poste évoluer, les femmes pâtissent d'une mauvaise réputation, qui repose sur des bases sexistes. Résultat, celles qui parviennent à des postes à responsabilité ont encore du mal à s'imposer.
"Mais qu'est-ce qu'elle a, elle a ses règles ou quoi ?" Cette phrase, bon nombre de femmes l'ont déjà entendue dans différents contextes. Et plus d'une femme sur trois (36%) en a été victime dans le cadre professionnel. Ce chiffre n'est que le premier d'une série de données publiées par l'Ifop en partenariat avec Hostinger. Un sondage qui en dit long sur la place des femmes au sein de l'entreprise.
Souvent, les femmes qui parviennent à gravir les échelons en dépit des difficultés qu'elles rencontrent en raison de leur genre, ont du mal à asseoir leur autorité. Aujourd'hui encore, ces dernières subissent des remarques désobligeantes, voient leurs ordres remis en question, et surtout, subissent des rumeurs selon lesquelles elles ont obtenu leur position en échange de faveurs sexuelles.
La "promotion canapé", un argument sexiste qui a la peau dure
Selon le sondage réalisé par l'Ifop, 27% des salariés ont entendu au moins une fois un de leurs collègues affirmer qu'une manager avait obtenu son poste parce qu'elle avait couché avec un supérieur hiérarchique. Un chiffre qui monte à 34% chez les 18-29 ans, preuve que cette vision des choses n'est pas ancrée dans le passé. Elle est en réalité ancrée dans un sexisme profond, qui laisse entendre que la seule valeur d'une femme réside dans sa sexualité, et que ses compétences n'ont aucun lien avec son poste.
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"Franchement, quand je vois ce genre de chiffres, ça me donne envie de hurler", commente Jeanne, 34 ans et directrice commerciale. "Les gens ont vraiment retourné le problème à l'envers. Pendant des décennies, et encore aujourd'hui, les femmes se voient réclamer des faveurs sexuelles dans le cadre de leur travail, que ça soit par des collègues, des clients ou des supérieurs hiérarchiques. C'est une forme de violence sexuelle dont elles sont doublement victimes, parce que ça impacte leur carrière, et qu'elles sont en prime victimes de slut shaming.".
La trentenaire en sait quelque chose : elle-même a eu du mal à imposer son autorité sur son équipe. "Parce que j'ai eu la promotion, alors que mes collègues pensaient que ça serait mon homologue masculin qui la décrocherait, j'ai tout de suite eu droit à des "Avec qui tu as couché ?". Souvent, c'est dit sur le ton de la blague, mais les gens n'en pensent pas moins. Et quand bien même ça serait de l'humour, ça n'a rien de drôle. C'est insulter mon intelligence, mes capacités et mon professionnalisme."
"En 2024, on a encore du mal à croire qu'une femme puisse réussir par elle-même"
Gina, 41 ans, est quant à elle une ancienne cheffe d'entreprise. "J'ai fondé une marque de bijoux en 2014, et ça a bien fonctionné jusqu'en 2020, quand les ventes se sont effondrées. Je me suis tournée vers la communication à ce moment-là, pour éviter les soucis d'argent, mais aussi parce que j'étais épuisée." Cette ancienne entrepreneuse explique : "Pendant toute ma carrière, alors que j'ai tout fait toute seule, on me demandait qui était l'homme derrière ma réussite. Les banques disaient qu'il valait mieux que j'envoie mon (désormais ex) mari, qui était pourtant mon employé, aux rendez-vous parce qu'il serait plus pris au sérieux. Lui n'a jamais été considéré comme "le mari de la patronne", mais on parlait de moi en disant "la femme du patron", et ce alors que j'étais sa supérieure hiérarchique", regrette-t-elle. Ce dernier n'a d'ailleurs jamais cherché à détromper ses collègues. "Je l'ai même entendu faire des blagues sur la promotion canapé. Ça a été la goutte d'eau. Je l'ai quitté peu après."
"En 2024, on a encore du mal à croire qu'une femme puisse réussir par elle-même", confirme à regrets Fanny, 38 ans, directrice d'un hôtel. "J'ai quitté mon ancien job parce que je travaillais avec mon mari, qui avait un poste supérieur au mien. Nos carrières ont évolué en parallèle, et j'ai dû me battre pour chaque promotion, encore plus vu que je savais qu'on allait lui reprocher d'être intervenu, alors que c'est faux." Pourtant, dès ses premiers jours, elle subit encore des reproches. "Un de mes nouveaux collègues, avec qui j'avais déjà travaillé par le passé, m'a balancé : "Ici, tu ne pourras pas compter sur la promotion canapé pour grimper les échelons." Je suis immédiatement allée le signaler aux Ressources Humaines, parce que je ne voulais pas avoir cette réputation. C'est d'autant plus usant que je ne connais pas une seule femme qui ait réellement obtenu une promotion en échange de sexe. Pour moi, c'est juste un biais sexiste." Et de préciser : "Les gens qui tiennent ce genre de propos ne voient pas les qualités des personnes en face d'eux. Ils ne comprennent pas qu'une femme puisse faire évoluer sa carrière grâce à ses capacités, et se disent que la seule chose qu'elle peut monnayer, c'est sa sexualité."
Une triste conclusion qui explique peut-être en partie la mauvaise réputation dont les femmes manager souffrent encore. 31% des sondés ont en effet déjà entendu des moqueries concernant les compétences d'une femme, et 22% ont déjà entendu une femme manager être qualifiée "d'hystérique".
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