Chirurgie esthétique et humiliations : "Il a annulé le mariage quand il a su que j'avais le nez refait"
Si de plus en plus de personnes ont recours à la chirurgie esthétique, cette pratique reste encore taboue, et parfois comparée à de la "triche". Dans un monde où les femmes sont encore et toujours victimes des diktats autour de leur apparence, ces dernières ne cachent leur lassitude, et dénoncent les moqueries, voire les humiliations dont elles ont été victimes après avoir assumé une opération.
Lors de son passage sur le plateau des 20 ans de "La Nouvelle Star", Myriam Abel a subi de nombreuses critiques au sujet de son apparence. La chanteuse a toutefois décidé de ne pas se laisser démonter, et l'a affirmé dans les colonnes de Voici : "Je suis quelqu'un de très équilibré, je ne suis pas quelqu'un en souffrance ou d'hypersensible. Je ne suis pas malheureuse dans ma vie. Je ne vais pas dire que ça fait plaisir (les attaques- ndlr), mais j'ai 42 ans et j'assume de faire des injections, d'adorer ça, de prendre soin de moi. Je ne suis pas passée sur une table d'opération. Je suis honnête, je l'aurais dit. J'aime faire des petites injections pour avoir une bonne mine. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, les gens sont choqués." Et elle n'a pas tort : lorsqu'une femme assume d'avoir subi des opérations de médecine ou de chirurgie esthétique, elle est souvent victime de moqueries.
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"Mon fiancé m'a accusé de lui avoir menti sur mon passé"
En 2012, l'affaire avait fait le tour des médias. En Chine, un homme avait décidé de porter plainte contre sa femme après la naissance de leur enfant. Estimant que leur fils était loin d'être aussi beau que ses parents, il avait d'abord accusé sa femme d'adultère avant de découvrir qu'elle avait en réalité subi plusieurs opérations de chirurgie esthétique avant de le rencontrer, et dont elle n'avait jamais parlé. L'homme avait remporté son procès, la cour estimant que sa femme avait utilisé de faux semblants pour l'épouser. Une décision qui avait choqué de nombreuses personnes.
Dans le cas d'Elodie, les choses ne sont pas allées jusqu'au procès. Mais le mariage de la jeune femme a été annulé lorsque son fiancé à découvert qu'elle s'était fait refaire le nez. "Toute cette histoire est aussi improbable que ridicule", regrette-t-elle. "On était ensemble depuis 6 ans, fiancés, et pour notre mariage, on voulait faire une petite vidéo avec des souvenirs de notre enfance. Sur mes photos, il a remarqué la bosse sur mon nez. Je lui ai expliqué que je l'avais fait refaire l'année de mes 18 ans, soit plus de cinq ans avant notre première rencontre. Et effectivement, je n'ai jamais pensé à le mentionner." Seulement voilà, elle ne s'attendait pas à la réaction de l'homme qu'elle aimait.
"Il s'est immédiatement mis en colère, et m'a accusée de lui avoir menti sur mon passé et sur le "potentiel génétique" de nos futurs enfants. Il m'a demandé si j'espérais le mettre devant le fait accompli le jour où l'un de nos gosses allait naître avec un nez tordu." Des propos qui ont choqué la jeune femme. "Je me suis demandé si j'avais vraiment envie de faire ma vie avec quelqu'un qui tenait de tels propos. Quand on en a discuté, il m'a dit qu'il ne voulait pas être avec quelqu'un qui trichait sur son apparence. Nous nous sommes séparés. Et visiblement, il n'a pas le même problème avec les implants mammaires de sa nouvelle compagne, mais bon, ce n'est plus mon problème."
"On me reproche souvent d'avoir abusé de la chirurgie plastique"
Justine n'a aucun problème à assumer le fait d'avoir subi plusieurs opérations de chirurgie esthétique. "J'ai fait refaire mon nez, remonter mes seins, effacer mes cicatrices d'acné au laser, eu des injections de botox et d'acide hyaluronique dans les pommettes, le front et les lèvres", liste-t-elle. "Je ne vois pas pourquoi je devrais le cacher. Ado, je n'aimais pas mon corps, on se moquait de moi, on me disait que j'étais moche. Alors, au fil des années, j'ai opté pour les procédures qui me permettaient de me sentir mieux dans ma peau. Quand je me regarde dans le miroir, je me trouve très belle, et je ne pense pas faire autre chose en matière de chirurgie, juste continuer les injections. Mais il y a quelque chose qui n'a pas changé : les moqueries."
"Parfois, j'ai l'impression qu'on ne peut jamais gagner", regrette la quadragénaire. "Quand on ne correspond pas aux critères de beauté, on nous dit de faire des régimes, de nous faire poser des implants. Et quand on le fait, on nous accuse de tricher, d'opter pour la facilité, de mentir sur notre potentiel. Tout ce qui entoure la beauté des femmes, que ce soit le maquillage, les fringues, la chirurgie... Tout ça est assimilé à de la triche pour améliorer notre apparence. Mais quand on demande à des mecs de nous montrer les fameuses beautés naturelles qu'ils réclament, on tombe sur des photos retouchées, des personnes maquillées ou qui ont opté pour la chirurgie." Très remontée, Justine raconte avoir souvent des reproches de son entourage. "On me dit que j'ai abusé de la chirurgie plastique, mais entre être moquée et mal dans ma peau, ou moquée et bien dans ma peau, moi j'ai fait mon choix."
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"On m'a dit que je ne pouvais pas être féministe et avoir fait de la chirurgie esthétique"
Alors que les mouvements body-positives ont pour objectif d'aider les personnes – et en particulier les femmes – à se sentir bien dans leur peau, certaines personnes estiment que la chirurgie esthétique est contraire au principe même du féminisme. C'est un reproche auquel Elisa (prénom modifié pour préserver son anonymat, ndlr) a beaucoup été confronté. "J'évolue dans des milieux féministes depuis mon enfance. J'ai fait des collages, participé à quelques actions au côté des Femen, été tête de cortège à des manifestations... Jusqu'au jour où certaines de mes camarades ont découvert que j'avais eu recours à une profiloplastie, une chirurgie qui touche le nez, le menton, les pommettes, le front et les lèvres et qui vise à changer le profil d'une personne."
Dès lors, l'attitude de certaines personnes de son entourage a changé. "On m'a d'abord demandé pourquoi j'avais menti sur mon apparence. Puis on m'a demandé comment j'osais me prétendre féministe, alors que je me pliais aux diktats imposés par la société patriarcale. J'ai eu le coeur brisé le jour où une militante m'a balancé que ma beauté n'avait aucune valeur, puisque j'avais payé pour, et que le prix était mon militantisme. Elle m'a reproché d'être une esclave du patriarcat, et d'avoir fait ça pour plaire aux hommes, ce qui est un comble puisque je suis lesbienne, et qu'elle le sait très bien." Depuis, Elisa s'est éloignée des milieux militants. "On m'a bien fait comprendre que je n'y étais pas à ma place, et que la bienveillance prônée par certaines n'était qu'une façade. Je trouve ça dommage, et en prime, je trouve que ça donne une mauvaise image à la lutte. Ça renforce l'argument selon lequel il faut être moche et malheureuse pour être féministe."
Et de conclure : "Aujourd'hui, j'ai une apparence qui correspond totalement aux diktats de la société. J'ai ce que l'on appelle un "pretty privilège" (privilège de beauté, ndlr) car je ne subirai jamais de discriminations sur mon apparence. Mais je reste une femme queer, qui subit des discriminations. La chirurgie n'a rien changé à mes valeurs, et je ne pense pas que ça fasse de moi une mauvaise féministe."
La chirurgie esthétique reste une facteur de jugement
Pour la sociologue Judith Gourmelin : "Le recours à la chirurgie peut faire l’objet de critiques analogues à d’autres techniques mobilisées par les femmes pour travailler leur corps. Ainsi, une femme qui a recours à la chirurgie tout comme une femme qui adopte au quotidien un maquillage ostensible risqueront toutes les deux d’être renvoyées à la superficialité. Cette critique a des fondements sous-jacents qui vont dans le sens de la culture psychologique de masse : s’accepter comme on est, ou alors faire soi-même le nécessaire pour s’y adapter." La spécialiste estime que "cette attente est encore plus forte envers les femmes, là où l’association symbolique entre masculin et technique (bien qu’erronée dans les faits) permet aux hommes de défendre avec moins de moqueries des discours transhumanistes ou assimilés."
Des moqueries liées au fait que la chirurgie plastique soit considérée comme de la "triche", ou en tout cas, comme un moyen facile de régler le problème : "Le recours à la chirurgie vient s’opposer aux discours sur le naturel, la chirurgie corrige mais est perçue comme une solution de facilité puisqu’elle ne vient pas de la femme même et d’un travail réflexif sur soi." Raison pour laquelle elle considère qu'il serait pertinent de réaliser une "une critique des institutions produisant le dégoût que nous cultivons envers notre corps", alors que "les remarques et moqueries visent les femmes qui ont recours à des opérations afin de mieux respecter les normes qu’elles ont été contraintes de faire siennes." Et de conclure : "En substance, la chirurgie esthétique constitue un outil que les femmes utilisent généralement pour se mettre en conformité avec des normes qu’elles ont fait siennes. Cette mise en conformité fonctionne, mais l’outil qu’est la chirurgie esthétique fait l’objet d’un discrédit autant qu’il visibilise l’absurdité des contraintes faites aux femmes."
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