Microbiote : pour la santé intestinale, faut-il vraiment manger « 30 plantes » par semaine ?
SANTÉ - « Il faut toujours compter le nombre de fruits et légumes que vous mangez par semaine. Si vous êtes entre 20 et 30, c’est une bonne moyenne ». C’est une des recommandations du très populaire film Netflix À l’écoute du ventre : les secrets de votre santé pour prendre soin de son corps et de son esprit. Car les avancées récentes de la recherche le pointent, il existe un lien direct entre la variété des micro-organismes tapissants nos voies digestives et la bonne santé intestinale, mentale, neurologique ou encore cardiovasculaire. Or, un microbiote diversifié passe avant tout par l’alimentation.
Certaines bactéries dans nos intestins ont au moins 15 millions d’années
C’est ce qu’ont découvert les chercheurs de l’American Gut Project. En 2018, les scientifiques ont étudié les selles de 10 000 Américains et britanniques. Ceux qui avaient le microbiote le plus hétéroclite étaient ceux qui mangeaient plus de « 30 plantes différentes par semaine ». Une conclusion qui a donné naissance au très populaire « régime des 30 plantes » - devenu depuis un challenge sur TikTok - et qui en a poussé plus d’un à noter scrupuleusement ses brins de salade à chaque repas. Mais ce principe est-il vraiment indispensable à la bonne santé ? Certains experts sont critiques.
30 plantes différentes par semaine, qu’est-ce que ça veut dire ?
Rangez vos ficus, les « plantes » étudiées par l’American gut project désignent plusieurs catégories de nourriture végétale : les céréales complètes (l’avoine, le quinoa, le riz complet et l’orge), les fruits et légumes, les légumineuses (pois chiches, haricots rouges ou blanc, lentilles…) mais aussi les noix, les graines, les herbes aromatiques et les épices.
La règle des 30 plantes met l’accent sur la diversité et non sur les quantités : pas besoin de manger 50 grammes de curcuma pour pouvoir comptabiliser l’épice. Les petites variations comptent également. Comme l’explique la diététicienne Catherine Rabess à la BBC, les différentes couleurs de poivrons ou de pommes suffisent à les distinguer, et donc à les comptabiliser séparément. De quoi se motiver à bousculer un peu ses menus hebdomadaires ou à assaisonner un peu différemment. Pourtant, certains experts restent sceptiques à l’égard de ce principe.
Un chiffre arbitraire qui peut être stressant
Dans sa newsletter Second Brain (deuxième cerveau, en référence au doux surnom de l’intestin), la docteure et spécialiste du microbiote britannique Emily Leeming a confié les raisons pour lesquelles elle ne voulait pas suivre ce principe des 30 plantes pour la santé intestinale. « Je n’ai rien contre le plaidoyer pour une alimentation végétale variée […] c’est un des principes clés pour une bonne santé en général, écrit-elle. Mon problème avec les 30 plantes différentes par semaine, c’est que [le principe] ressemble à un gâteau à moitié cuit. Il pointe vers un très bon conseil, donne un objectif atteignable mais ne va pas jusqu’au bout et il vous laisse confus, et un peu déçu. »
En cause, selon elle, un chiffre assez flou : d’après l’étude initiale, tout apport de plus de dix végétaux différents aurait des effets très bénéfiques pour la santé, et le choix de 30 plutôt que 20 ou 40 est avant tout arbitraire. Surtout, elle remet en question le système de calcul qui ne tient absolument pas compte de la quantité ingérée. « L’étude n’a pas établi de paramètre de quantité […] Une portion de poulet KFC, avec ses 11 herbes et épices, vous ferait dépasser les 10 plantes en une fois. Les effets sur la santé intestinale d’un bucket KFC ne sont pas les mêmes que 11 portions (d’environ 80 grammes chacune) de produits végétaux mais selon ce système, ce serait la même chose. »
Se concentrer sur la diversité plutôt que compter
Enfin, Emily Leeming souligne l’anxiété que peut générer le fait de suivre son régime alimentaire d’aussi près. « Noter chaque petit végétal jusqu’à la moindre graine de chia n’aide personne, ça crée simplement du stress » - particulièrement pour les personnes à risque de troubles alimentaires. Et alors qu’en 2021, seulement un tiers des Français atteignait la recommandation de l’OMS de 5 fruits et légumes par jour, cet objectif, qui ne peut pourtant pas faire de mal, peut sembler inatteignable ou coûteux et décourager certaines personnes.
Si c’est votre cas, pas d’inquiétudes : malgré les recommandations d’À l’écoute du ventre, il est tout à fait possible de se concentrer sur la diversification de son alimentation sans « compter tout le temps ». Pour cela, la spécialiste britannique a plusieurs techniques. Elle recommande par exemple de remplir ses placards et son congélateur de petits « extras » végétaux comme des tomates séchées, des artichauts en bocal, des olives ou des légumes surgelés, d’acheter des mélanges de salade, de baies ou de légumes (en sachet ou en conserve), ou encore de penser à « manger l’arc-en-ciel », un adage anglophone qui invite à manger des aliments de toutes les couleurs dans sa journée.
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