"Tu parles bien pour un noir" : quand la drague devient raciste

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Quand les approches de drague croisent les stéréotypes, cela donne du fétichisme et du racisme ordinaire. Sur les applications de rencontre, au bureau ou dans la vie de tous les jours, nombreuses sont les personnes victimes de ces tentatives de flirt bien plus que douteuses.

"Je suis loin d’être négrophile, mais en même temps j’ai envie de forniquer avec une black", "un morceau de chocolat tombé du ciel" ou encore "Friande des babtous" et "Tu es belle comme une plantation de manioc". Des tentatives de drague douteuses voire carrément racistes que le compte Instagram Femme noire Vs Dating app sont dévoilées au moyen des captures d’écran d’échanges de message. Si les femmes sont souvent la cible de ces approches, les hommes ne sont pas en reste. "Je me demandais si c’est vrai que les noirs en ont des plus grosses ?", "Je me suis jamais tapé d’Indien en plus", mais aussi "J’ai envie d’un beau black", peut-on lire parmi tous les messages qu’ont reçus certains utilisateurs de l’application de rencontre gay Grindr. En plus d’être du racisme, ces approches sont du fétichisme que Zack, 24 ans, a souvent subi. Adepte des applications de rencontre, le jeune homme a été la cible de remarques sur sa couleur de peau. Et s’il y a un cliché qui ressort souvent, c’est celui sur… le sexe.

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"Comme je suis noir, certaines filles s’attendent à ce que je sois à fond sur le sexe", explique-t-il. À cela s’ajoutent d’autres clichés comme : "Les noirs doivent en avoir une grande". Des propos souvent tenus "par des filles blanches". S’il préfère en rire, il y a pourtant des messages qui ne passent : "Il y en une qui m’a sorti : ‘Je me serais bien mise avec toi, mais les noirs vous avez un gros nez et je n’aime pas ça’". Une remarque qui en plus d’être raciste et blessante l’a fait complexer pendant de longues années. Et lorsque ce n’est son physique qui est commenté, c’est son attitude, ses manières ou carrément son vocabulaire. Plus d’une fois, il a entendu : "Tu parles bien pour un noir" ou encore : "Tu sens pour un noir". "Vraiment, une fois, on m’a dit : ‘Je pensais que t’allais sentir plus fort’", déplore-t-il. Du racisme ordinaire qui ne l’atteint presque plus "puisque j’ai tellement l’habitude d’entendre des trucs pareils !". Pour lui, "c’est triste d’en arriver-là". "Sur les applications de rencontre, il faut faire abstraction de ces a priori. Ma photo ne veut pas dire que j’ai un accent ou que je sens fort", rappelle-t-il a juste titre.

"Tu es métisse donc souvent cataloguée de ‘cuisses chaudes’"

À 36 ans, Eva a - elle aussi - a eu droit à ces phrases sorties de nulle part. Elle se souvient plus particulièrement de cette fois où, lors d’une première rencontre, un homme lui a lancé : "Oh vous, vous aimez la chaleur. Tu dois être ouverte à tout". Son prétendant faisait alors référence à ses éventuelles envies sexuelles sans aucune gêne, mais avec beaucoup d’aplomb, d’indélicatesse et de racisme. "En fait, tu es métisse donc souvent cataloguée de ‘cuisses chaudes’ ou classée dans le tableau de chasse avec l’asiatique", explique la mère de famille aux origines guadeloupéennes et suédoises. Pour la jeune femme, ce mélange "c’est un combo pour les mecs à fantasmes". Si elle estime qu’il "appartient" à chaque femme "d’en rire ou d’être crispée", il y a certaines remarques qui ne peuvent que choquer notamment quand "certains hommes" vont jusqu’à oser dire : "De toute façon, vous venez d’Afrique. On vous a mis en esclavage donc potentiellement vous avez la rage, mais vous vivez avec l’habitude d’être soumise". Comme Zack, Eva écourte les échanges lorsque son interlocuteur se met à faire des réflexions sur son ethnie.

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Autant de comportements contre lesquels tentent désormais de lutter les applications de rencontre. En Septembre 2018, Grindr a lancé la campagne Kindr pour éradiquer le racisme sexuel sur sa plateforme. Pour y parvenir, celle-ci a allié "éducation, prise de conscience et changements de politique d'utilisation de l'appli, qui aideront à construire une plateforme plus inclusive et respectueuse". Le tout donne une série de vidéos dans lesquelles des hommes discutent du sujet et ses problématiques. De son côté, l’application Bumble, elle a mis en place un système un de recherche de mots-clés pour repérer les utilisateurs et utilisatrices racistes. Quant à Once, elle a supprimé les critères sur l’ethnicité afin d’éviter d’éventuelles discriminations par le biais des préférences. “Nous soutenons une utilisation bienveillante de la technologie pour faire des rencontres amoureuses et ce type de fonctionnalité a pu contribuer à alimenter le racisme ordinaire qui, aujourd’hui, est porté sur le devant de la scène. Il nous a semblé naturel de contribuer à notre échelle par cette première étape en supprimant cette fonctionnalité”, a ainsi expliqué Clémentine Lalande, la directrice de l’application au magazine Forbes. Avant de souligner : “D’autres étapes sont nécessaires, et ce dans toute l’industrie. Notamment sur la détection de contenus, messages ou descriptions de profils à tendance raciste, qui sont légions sur certaines apps, ou encore sur les algorithmes qui déterminent les rencontres sur les applications”.

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