Frédéric, 41 ans : "J'ai quitté ma compagne malade. C'était une question de survie. Ma vie est mieux maintenant"

Frédéric est en couple depuis deux ans avec sa compagne lorsque cette dernière reçoit le diagnostic sur sa maladie. Les mois qui suivent deviennent une véritable épreuve pour le couple. A tel point que le quadragénaire préfère rompre. Une décision que les proches de Frédéric jugent "courageuse".

Frédéric, 41 ans :
Frédéric, 41 ans : "J'ai quitté ma compagne malade. C'était une question de survie. Ma vie est mieux maintenant". Crédit : Getty

Frédéric est en couple depuis 2 ans quand sa compagne tombe malade : "Elle se plaignait de souffrir d’un peu partout, n’était pas capable de se lever du lit ou du canapé. Elle ratait des jours de travail. Au début, j’essayais de la soutenir. Je lui faisais des bouillottes, je lui faisais des plateaux repas, des câlins. Je l’écoutais me raconter ce qu’elle ressentait et je lui tendais des mouchoirs quand elle pleurait. Je ne disais rien quand ça l’empêchait de s’occuper de moi ou de la maison, ou qu’on annulait toutes nos soirées à cause de ça. Franchement, je pensais que c’était quelque chose lié à ses règles ou de la fatigue. J’ai aussi pensé qu’elle faisait une dépression. Elle allait voir des médecins mais ça ne donnait jamais rien. Ça a duré des mois comme ça. Et puis un médecin a mis des mots sur ce dont elle souffrait : polyarthrite rhumatoïde. Il n’y avait rien à faire à part prendre des anti-douleurs. Sur le coup, j’ai été soulagé pour elle que ce soit identifié. C’est après que j’ai pris conscience que ça m’avait fait quelque chose de réaliser qu’elle allait toujours être malade."

Car la maladie est omniprésente : "La maladie prenait toute la place dans notre vie. Elle ne parlait que de ça. De comment elle se sentait et de ce qu’il fallait faire pour que ça aille mieux. Son état était au coeur de tout. Ça décidait ce qu’on allait manger, si on allait pouvoir se balader ensemble après, si on allait sortir, si on pouvait partir en vacances ou pas. Au bout d’un an, j’en avais déjà marre de passer mes soirées et mes week-ends au fond du lit à regarder des séries et à la servir dès qu’elle avait besoin de quelque chose. La maladie a clairement changé la façon dont notre couple fonctionnait. On était assez équilibrés avant. Je n’avais pas l’impression de tout faire et je suis sûr qu’elle non plus. Mais avec la maladie, c’est moi qui avais la responsabilité de faire, puisqu’elle ne le pouvait plus. Les jours où ça allait pour elle, c’était encore des bonnes journées. Mais les jours où ça n’allait pas, c’était de plus en plus dur pour moi. Je me réveillais avec de l’appréhension le matin. Je me demandais si elle allait me raconter qu’elle avait fait une insomnie à cause de la douleur ou autre chose d’horrible du genre. Et puis j’ai fini par me sentir coupable d’aller bien, d’avoir envie de faire des choses, de voyager, de sortir, de voir des gens, de faire l’amour même. Pendant plusieurs mois, j’ai vécu à son rythme mais il y a eu une saturation. Peut-être que sa vie va rester comme ça jusqu’à la fin et ce n’est pas drôle du tout, je ne souhaiterais pas ça à mon pire ennemi, mais je ne pouvais pas continuer à vivre comme si moi ça me touchait aussi. J’ai tenu 9 mois après le diagnostic."

Frédéric est étonné des réactions de ses proches : "Je n’ai pas quarante ans donc je me considère encore comme jeune. Je pense que c’est pour ça que j’ai réagi aussi vite. C’était une question de survie. Même ma famille a soutenu mon choix, même mes amis. J’ai trouvé ça dur pour mon ex, mais ça m’a conforté dans mon choix. Pour tout le monde, je ne pouvais pas me sacrifier éternellement. Je ne pouvais pas faire comme si la maladie me touchait aussi, vu que ce n’était pas le cas. Tout le monde l’a compris. J’ai même senti que ma mère aurait aimé que je réagisse plus vite. J’ai eu des "tu as été courageux, tu as fait ce qu’il fallait". Je sais que de l’autre côté, du côté de la famille de mon ex, on pense que je suis un fuyard. J’imagine que tout le monde soutient son camp. Et je ne peux pas dire que je n’ai pas culpabilisé. Surtout au début. Mais là, je vois bien à quel point ma vie est mieux maintenant. Je ne stresse plus. Je vis ma vie comme un homme de mon âge, libre et en bonne santé. Je m’amuse. Je n’ai même pas cherché à me recaser encore. Je profite. J’ai eu l’impression d’avoir donné des années à la maladie. Et il faut que je les rattrape."

11,5% des couples dont l’un des conjoints est atteint d’une maladie grave se séparent dans l’année qui suit le diagnostic selon une étude américaine de 2009. Les femmes auraient 6 fois plus de chances de se faire quitter si ce sont elles qui sont malades. Si l’on peut imaginer le désarroi des personnes, déjà vulnérables, qui se font quitter, comment comprendre la personne qui fait le choix de partir ? Conscientes de voir leur choix jugé, certaines personnes concernées ont tout de même accepté de témoigner. Voici leurs histoires.

Si vous aussi vous voulez raconter vos histoires exceptionnelles, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.

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