Australie-France : Une footballeuse australienne (encore) ramenée à son statut de mère, pourquoi cela doit cesser
L'équipe de France féminine de football affronte les "Matildas", surnom de l'équipe d'Australie féminine de football, en quarts de finale du Mondial, ce samedi 12 août à 9 heures. Le match se joue à Brisbane, en Australie donc, pays hôte du Mondial, avec la Nouvelle-Zélande. Si les supporters australiens sont ravis de pouvoir suivre les exploits de leur équipe sur leur sol, une polémique est venue émailler leur unité. Katrina Gorry, milieu de terrain des "Matildas", a ainsi été la cible d'une remarque sexiste de la part d'un commentateur dès le premier match de son équipe, ce qui a suscité l'émoi sur les réseaux sociaux.
Particulièrement soutenues par leurs fans, qui ont la chance de les voir jouer dans leur propre pays, les "Matildas" australiennes sont des adversaires de taille pour les Bleues, qui les affrontent ce samedi 12 août lors des quarts de finale du Mondial féminin de football, hébergé par l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Mais un tel engouement n'a pas protégé les Australiennes des commentaires sexistes, encore trop présents, particulièrement dans le football féminin, sans cesse comparé à son pendant masculin. Ainsi, dès leur premier match dans cette compétition internationale, une polémique est née. Le 20 juillet, premier jour du Mondial, alors que l'Australie fêtait sa victoire contre l'Irlande (1-0), un commentateur de la chaîne locale Channel Seven s'est permis une phrase sexiste, ont relayé différents médias.
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"S'il y a bien quelque chose qui vous rendra féroce, c'est la maternité !"
Cette remarque sexiste visait Katrina Gorry, milieu de terrain australienne. Comme beaucoup de sportives professionnelles, ses performances ont été malheureusement ramenées à son récent statut de mère. "La maternité n'a pas émoussé son instinct de compétitrice, c'est certain. (...) C'est une battante pour l'Australie", a ainsi déclaré David Basheer, de Seven, alors que la numéro 19 venait de gagner un tacle. Un "constat" lâché en direct devant plus 1,974 million de téléspectateurs australiens, sans compter les 75 784 personnes qui ont assisté au match à Sydney. Des propos qui ont provoqué un véritable tollé sur les réseaux. Pourquoi une joueuse, en devenant mère, perdrait-elle forcément son "instinct de compétitrice" ? Se sont questionnés les internautes.
"Je ne sais pas si ce commentateur a déjà rencontré une mère... Les gens les plus instinctivement compétitifs sur terre", a réagi l'humoriste australien Dan Ilic sur Twitter, récoltant 450 likes. "A-t-il rencontré beaucoup de mères ? S'il y a bien quelque chose qui vous rendra redoutable et féroce, c'est la maternité !", a renchéri une autre utilisatrice du réseau.
De plus, après avoir accouché de sa fille Harper, en août 2021, Katrina Gorry avait confié au Guardian, le 6 juillet 2023 : "Après l'accouchement, c'est comme si mon corps s'était remis à zéro. Les petits problèmes que j'avais avant sa naissance ont disparu et ne sont jamais revenus. C'est vraiment génial de voir à quel point cela a rafraîchi tout mon corps." Pas de quoi s'inquiéter, donc.
"On n’est pas censé parler de cet aspect-là du jeu"
D'autres téléspectateurs ont également ajouté qu'à plusieurs reprises les commentateurs ont rappelé que certaines joueuses étaient mères, chose qui n'arrive pas lorsque leurs homologues masculins sont sur le terrain. En effet, Katrina Gorry est loin d'être la seule sportive à avoir été ramenée à sa maternité. En partie pour cette raison, il est encore extrêmement compliqué d'attendre un enfant et de l'élever sans que cela n'ait de conséquences sur la carrière des sportives, notamment en France.
Une enquête menée en 2021 par un groupe de travail associé au ministère des Sports a d'ailleurs révélé que 61,6 % des sportives interrogées estimaient qu’il était toujours difficile de devenir mère au cours d’une carrière sportive. Pourquoi ? Parce qu'elle ne se sentaient pas soutenues, mais plutôt jugées, et parce qu'elle craignaient aussi une baisse de leurs revenus. Des appréhensions compréhensibles, puisqu'elles se confirment parfois en réalité.
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"Je dois dire la vérité"
Comme le précise Télérama, sur le site The Players’Tribune, en janvier 2023, Sara Björk Gunnarsdóttir milieu de terrain islandaise passée par l'Olympique lyonnais entre 2020 et 2022, a confié que le club français ne l’avait pas payée intégralement pendant sa grossesse en 2021 : "Je sais que cette histoire risque de contrarier certaines personnes influentes dans le monde du football. On n’est pas censé parler de cet aspect-là du jeu. Mais je dois dire la vérité", a-t-elle lâché.
Un cadre juridique avait néanmoins été créé par la FIFA le 14 décembre 2020, prenant exemple sur les États-Unis, pionniers en la matière (les footballeuses américaines bénéficient en effet d'une convention collective qui facilite les congés maternité). Ce cadre juridique instaure donc un "congé maternité d'au moins 14 semaines accordé à une joueuse en raison d'une grossesse, dont au moins 8 semaines doivent être prises après la naissance de l'enfant", comme le rappelle Le Figaro. Petit, à petit des efforts sont donc faits pour améliorer les conditions de vie et de jeu des sportives et faire bouger les mentalités.
Ainsi, pour la première fois dans l'histoire des Bleues, une joueuse, ici Amel Majri, 30 ans, a pu venir disputer son 3e Mondial avec son bébé, âgé d'un peu plus d'un an.
Le sélectionneur de l'équipe de France féminine, Hervé Renard, s'était d'ailleurs exprimé favorablement à ce sujet en conférence de presse, début 2023 : "C'est indispensable de donner une structure aux joueuses qui ont des enfants en bas âge. (...) La France est un peu en retard, il faut franchir ce pas."
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