"Une femme, après 22h, qu'est-ce qu'elle fait dehors ?" : grâce à cette trend TikTok, des femmes exposent leur vie nocturne, n'en déplaise aux machos

Alors que certains comptes masculinistes prennent une ampleur inquiétante sur les réseaux sociaux, l'un d'eux s'est retrouvé au centre d'une tendance TikTok visant à tourner son contenu en dérision, bien malgré lui. Plusieurs utilisatrices ont effectivement isolé l'une de ses phrases, qui questionne la présence des femmes dans l'espace public après 22h, pour montrer leur vie nocturne en vidéo. Une manière de réaffirmer leur liberté avec humour et de faire taire les misogynes.

A young woman throwing her hands in the air, feeling the music and dancing energetically at a trendy open air nightclub
"Une femme, après 22h, qu'est-ce qu'elle fait dehors ?" : grâce à cette trend TikTok, des femmes exposent leur vie nocturne, n'en déplaise aux machos. Photo : Getty Creative.

"Je le dis souvent, une femme, après 22h, qu'est-ce qu'elle f*ut dehors ?". La phrase a de quoi interpeller. Son auteur ? @alexhitchens_pro, un influenceur aux idées misogynes suivi par plus de 70 000 abonnés sur TikTok. Dans différentes vidéos postées sur le réseau social chinois, il "apprend" à ses abonnés à "reconnaître une fille de joie" ou se permet de juger le nombre de partenaires sexuels des femmes.

Dans l'extrait où il questionne la présence des femmes dans l'espace public après 22h, l'influenceur poursuit son discours, en déroulant un argumentaire sexiste : "À partir du moment où tu as la force d'un gamin de 11 ans, que fais-tu dehors après 22h seule ? Ça n'a aucun sens ! Mais les femmes ne veulent rien entendre, les femmes ne veulent pas voir la vérité, les femmes s'en foutent totalement parce que les femmes veulent un monde idéal, les femmes veulent un monde qui n'a jamais existé et qui n'existera jamais. Le monde que vous imaginez, que vous espérez, n'existera jamais. (...) Alors, fermez-là, arrêtez de vous victimiser, et commencez déjà par vous protéger."

Des jeunes femmes libres et engagées

Cette intervention a de quoi faire réagir. Sur TikTok, elle est d'ailleurs devenue virale. De nombreuses femmes se sont en effet emparées de cette phrase "Une femme, après 22h, qu'est-ce qu'elle f*ut dehors ?" pour la tourner en dérision, en l'isolant dans un montage vidéo où elles montrent ensuite des bouts de leur vie nocturne. Seules, accompagnées par des amies, en voiture, au ski, en train de travailler, de faire la fête, de danser, de faire un karaoké, en concert techno, au cinéma... Les utilisatrices dépeignent dans leur vidéos un éventail de possibilités, se réappropriant à la fois l'espace public et numérique, en exposant ces extraits sur Internet. De beaux exemples d'émancipation, qui peuvent aussi rassurer les personnes les plus jeunes et/ou les plus fragiles : non, la valeur d'une femme et sa désirabilité ne résident pas dans sa capacité à "rester à la maison".

Car, n'en déplaise à certains, les femmes sont libres d'aller et venir dans l'espace public comme bon leur semble et à l'heure qu'elles souhaitent. Si les viols, les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel existent bel et bien dans l'espace public, elle en sont quasiment systématiquement les victimes et non les instigatrices. En effet, selon un rapport publié par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) auprès de 600 femmes de Seine-Saint-Denis et d'Essonne, 100% d'entre elles ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste ou une agression sexuelle dans les transports en commun.

De plus, d'autres chiffres permettent d'affirmer que ce n'est pas en s'abstenant de sortir après 22h que les femmes vont pouvoir "se protéger" : en effet, dans 91% des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs, précise le rapport d'enquête "Cadre de vie et sécurité 2019", repris par le collectif féministes #NousToutes.

"Il faut organiser des campagnes qui s'adressent à des hommes"

D'ailleurs, toujours sur TikTok, plusieurs jeunes femmes filment leur environnement, notamment dans les transports en commun, pour dénoncer les agissements de leurs agresseurs, des regards insistants en passant par l'invective et le harcèlement de rue...

Des agresseurs qui sont, la plupart du temps, des hommes. Pour l'essayiste Valérie Rey-Robert, il est important de mieux identifier les agresseurs et de mettre l'accent sur leur genre, pour également pouvoir sensibiliser les hommes : "On constate que plusieurs campagnes qui ont été menées l'an dernier en Ile de France, où l'on présentait les agresseurs sexuels à travers des images d'animaux prédateurs, comme des loups, des ours, etc. En fait, c'est totalement à côté de la plaque. Cela donne l'impression que ce sont des bêtes féroces, alors que ce n'est pas le cas, ce sont des 'monsieur tout le monde'. (...) Ça évite de s'interroger sur qui sont ces agresseurs. Il faut mener des campagnes comme on l'a fait pour la sécurité routière, où l'on a montré un homme seul avec un volant dans les mains. Les agresseurs sexuels sont des hommes, il faut donc organiser des campagnes qui s'adressent à des hommes", expliquait-elle à TV5 Monde, en 2019.

Ainsi, plutôt que de demander aux femmes de justifier leur présence dans l'espace public, il serait judicieux de se demander ce que certains hommes s'autorisent à y faire...

Vidéo. "J’avais 14 ans et j’ai senti ce que je ne devais pas sentir sur mes fesses" : le témoignage glaçant de Rosa, agressée sexuellement pendant un concert

À lire aussi :

>> "Des tenues de prostituées" : des jeunes femmes sont filmées en soirée à leur insu et insultées sur TikTok

>> Harcèlement de rue : elle se comporte comme "un bonhomme" pour passer inaperçue

>> Audrey Fleurot "traumatisée" par le harcèlement de rue : "Quand tu es une fille, tu te fais tout le temps agresser"