Pomme : "Être en couple avec une femme, c’est redécouvrir la liberté d’être regardée ou non"
Pomme, alias Claire Pommet, 26 ans, a été révélée grâce à son album "Les Failles", sorti en 2019, et récompensé aux Victoires de la musique, en 2020. Artiste engagée, la chanteuse aborde la vulnérabilité dans ses morceaux et a dénoncé le harcèlement sexuel qui sévit dans l'industrie musicale. Harcèlement dont elle a été victime à ses débuts. Invitée dans l'épisode du 30 mars 2023 du podcast "La Poudre", elle a expliqué comment son lesbianisme l'a aidée à s'émanciper.
Pomme, chanteuse de 26 ans, le reconnaît : elle n'est pas complètement détachée du regard des autres, et son estime de soi reste liée à son apparence physique. "J'ai évidemment une obsession de mon apparence comme beaucoup de femmes et beaucoup de personnes dans la société, parce que c'est un sujet récurrent, le point central de privilèges, d'opportunités, de portes qui se sont ouvertes pour la simple raison que j'avais un physique qui correspondait à des attentes", a-t-elle analysé dans le podcast de la journaliste Lauren Bastide, "La Poudre", mis en ligne le 30 mars 2023.
"J'avais l'impression que ma valeur résidait dans le fait de pouvoir séduire"
Claire Pommet a expliqué, avec du recul, s'être même identifiée, adolescente, "comme "la fille belle" mais qui n'avait pas beaucoup d'autres qualités." Et de poursuivre : "J'avais l'impression que ça suffisait. (...) Dans la société, il y a plein de gens pour qui ça ne doit être que ça et c'est suffisant. Je me suis rappelée il n'y a pas longtemps que j'ai fait un tremplin, un espèce de concours à Lyon quand j'avais 17 ans, c'était uniquement pour les artistes féminines et ça s'appelait "Et en plus elles chantent""...
La chanteuse a constaté que son apparence physique était conditionnée par le regard masculin : "J'ai eu énormément d'histoires avec des garçons (...) et j'avais l'impression que toute ma valeur résidait dans le fait de pouvoir séduire, plaire, être aimée, être belle, correspondre aux diktats."
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Si aujourd'hui Pomme semble vouloir s'émanciper de ces codes genrés et réducteurs, elle a estimé qu'elle le devait à deux moments clés de sa vie : un voyage et une rencontre. "Il y a deux choses qui ont fait que j'essaie de me détacher de mon image. (...) Il y a le fait que j'ai eu la chance de voyager au Québec quand j'avais 19 ans, donc très peu de temps après l'adolescence, et de découvrir un endroit où les gens ont, j'ai l'impression, dix ans d'avance sur nous, sur toutes ces questions-là, sur le féminisme, l'identité sexuelle, l'apparence... Sur toutes les questions sociales en général. J'ai pu me mouvoir dans une société où les gens ne me regardaient pas, ne me dévisageaient pas et ne me demandaient pas d'être belle."
"Le regard de la société est principalement masculin"
Peu de temps après ce voyage, Pomme rencontre sa première petite amie et découvre son lesbianisme : "Très peu de temps après ce premier voyage au Québec, j'ai rencontré ma première amoureuse qui a été ma première vraie relation. (...) Le lesbianisme est une bonne façon de se détacher du regard de la société, puisque le regard de la société est principalement masculin. Être en couple avec une femme c’est aussi redécouvrir la liberté d’être regardée ou non et de s’en foutre complètement et de se dire 'ma valeur, elle n'est pas uniquement dans mon apparence physique'. (...) Si je n'avais pas rencontré mon amoureuse à 19 ans, à ce jour je n'arriverais pas à me détacher comme j'arrive à ma détacher aujourd'hui de mon apparence. (...) Je fais partie, peut-être, de la dernière génération pour qui ça a été très compliqué l'homosexualité, l'identité de genre et maintenant il y a certains milieux dans lesquels on peut dire que c'est un petit peu plus fluide."
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Issue d'une famille très croyante, l'artiste assure pourtant que sa mère a accueilli son lesbianisme avec beaucoup de bienveillance. "Ma mère est très chrétienne, pratiquante dans un genre de discrétion et de respect des autres. (...) Elle est plutôt très ouverte et moderne. Elle s'est toujours intéressée aux autres religions. (...) Ce n'est pas directement elle qui représentait une certaine violence ou le rejet d'une partie de mon identité (...) Elle s'intéresse à ma vision des choses", a estimé la chanteuse.
Malgré le soutien de sa famille et ses expériences passées, la jeune femme n'est pas encore totalement débarrassée de ses complexes et de l'image qu'elle peut renvoyer au public. Elle continue à lutter au quotidien pour ne pas être trop influencée par le regard des autres sur son physique ou sur ses choix. Elle en est consciente, et l'a relaté sans fard : "C'est un truc qui m'obsède, qui m'a suivie longtemps et qui me suit encore à ce jour. J'ai eu aussi toute une phase où j'ai été anorexique parce que j'avais sorti mon premier album ( "À peu près" ; ndlr) et que j'étais déjà obsédée par mon apparence. L'idée d'être confrontée à mon image a été hyper destructrice. Encore aujourd'hui, là par exemple, je me suis fait raser les cheveux dans un film que j'ai tourné cet automne. Dans le film, il y a une scène où quelqu'un me rase la tête et moi je me suis détestée pendant deux mois. Je commence à avoir assez de cheveux pour les mettre derrière mes oreilles et j'ai l'impression que ça redevient assez féminin pour être acceptable."
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