"1m60 pour 50 kg chez une femme, ça ne veut rien dire" : deux nutritionnistes déconseillent de se peser

Selon une enquête menée par l'Institut Opinéa et l'entreprise de téléconsultation Livi, 30% des Français mentent sur leur poids. Mais d'après les nutritionnistes, l'indication de la balance ne suffit pas pour dire si une personne est en bonne santé ou non.

"1m60 pour 50 kg chez une femme, ça ne veut rien dire" : deux nutritionnistes déconseillent de se peserPhoto : Getty Creative
"1m60 pour 50 kg chez une femme, ça ne veut rien dire" : deux nutritionnistes déconseillent de se peserPhoto : Getty Creative

Vous redoutez de monter sur la balance ? Avant de paniquer à l'idée des chiffres qu'elle pourrait indiquer, lisez d'abord cet article. L'entreprise de téléconsultation Livi et l'Institut de sondages Opinéa ont en effet révélé dans une récente étude baptisée "Le rapport des Français au poids" que 30% des Français, mentent à leur entourage sur ce qu'ils pèsent réellement. Plus précisément, 1 Français sur 3 a déclaré avoir déjà menti au sujet de son poids.

Sans surprise, les femmes (39%), davantage soumises aux diktats de beauté, qui valorisent la minceur, ont tendance à mentir davantage que les hommes (21%). Aussi 33% des Français interrogés ont déclaré ne pas être à l’aise avec leur poids. Dans le détail, cette préoccupation concerne 43% des personnes en excès de poids selon la formule de l’IMC et 73% des personnes en obésité. Encore une fois, les femmes sont celles qui sont le moins à l'aise avec les chiffres affichés sur la balance, puisque 42% d’entre elles déclarent ne pas être à l’aise avec leur poids.

Un paradoxe Français

Mais d'où vient ce besoin de mentir ? "On peut mentir par honte, par omission, par erreur de mesure, ou pour séduire.... La honte vient aussi du fait que pour beaucoup, le poids, la silhouette sont vus comme des paramètres contrôlables par la volonté et la motivation. Si ça ne va pas, on se sent responsable, on culpabilise, on a honte", analyse Anne-Laure Laratte, diététicienne-nutritionniste contactée par Yahoo.

Pour Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, cette honte à dire son poids est particulièrement présente chez les Françaises, comparées à d'autres pays, notamment en raison de la culture même de la France : "Les deux pays qui mettent le plus la pression sur le poids dans le monde sont la Corée du Sud, y compris pour les hommes, et la France pour les femmes. La France est un pays "schizophrénique", parce d'un côté vous avez la mode, et de l'autre vous avez la nourriture, la France est un pays de gastronomie. On va vous dire de manger en permanence, avec l'agroalimentaire qui est très présent dans les publicités et qui vous incite à manger, mais vous avez également des publicités pour des vêtements..."

"1m60 pour 50 kg chez une femme, ça ne veut rien dire"

Pourtant, les Français pourraient s'épargner beaucoup de stress et d'apparences autour du poids, car il ne dit en réalité pas grand-chose de la santé d'une personne. "Deux personnes de même taille peuvent faire le même poids mais avoir deux silhouettes radicalement différentes", affirme Anne-Laure Laratte. Pour Arnaud Cocaul, "C'est l'IMC (Indice de masse corporelle, calculé à partir du poids divisé par la taille au carré) surtout, qui ne veut pas dire grand-chose. 1m60 pour 50 kg chez une femme, ça ne veut rien dire. Le tour de taille abdominal en revanche, est très important." Comment bien le mesurer ? "C'est au niveau de la cinquième vertèbre lombaire, pour quelqu'un qui a un poids normal, c'est à peu près au niveau du creux du dos. Il faut mesurer avec un mètre de couturière. Plus de 88 cm chez la femme c'est pathologique, la zone idéale étant en dessous de 80 cm, entre 80 et 88 c'est intermédiaire. En dessous de 94 cm c'est normal chez l'homme, au-delà de 100 chez l'homme c'est pathologique", détaille l'expert.

Tout reporter sur l'alimentation et les régimes pour perdre du poids n'est donc pas une bonne idée. D'autres facteurs comme une faible activité physique, le stress ou encore les troubles du sommeil, la prise de toxiques ou de certains traitements et médicaments, mais aussi certaines maladies peuvent également engendrer une prise de poids.

Vidéo. "Pour perdre du poids, il faut manger plus que ce que vous faites actuellement"

Chez les femmes, la grossesse, les règles ou encore la ménopause sont aussi en cause. Les règles peuvent en effet "augmenter le poids de 500g a 2,5kg environ", selon Anne-Laure Laratte, diététicienne-nutritionniste contactée par Yahoo. "Au moment des règles, il peut y avoir des compulsions sur le sucré...", explique pour sa part Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste.

Pas besoin de se peser

Le poids "idéal" n'existe donc tout simplement pas. "C'est une notion qui peut être embêtante, elle reflète que le poids vient d'une question de volonté. Alors que les médicaments, la génétique, l'éducation, le budget, la santé physique et mentale.... Tout joue sur le poids", prévient la diététicienne. Plus encore, prendre du poids avec le temps est un phénomène tout à fait normal. "Prendre du poids, c'est physiologique. Quelqu'un qui a le même poids à ses 60 ans qu'à ses 20 ans, c'est pathologique. En fait il a dégradé son état de santé parce qu'entretemps il a pris du gras mais il a perdu du muscle. Si vous voulez garder votre masse musculaire, il faut prendre du poids naturellement avec le temps, ce que refusent beaucoup de gens. Mais l'âge de vos artères, et votre poids représente également un petit peu votre histoire de vie", résume le médecin.

Comment faire si l'on souhaite malgré tout surveiller sa forme physique ? Les deux experts s'accordent à dire qu'il n'est pas utile de se peser régulièrement. "On peut mesurer son évolution avec nos vêtements déjà, et comment on se sent dedans", indique Anne-Laure Laratte. Elle conseille : "Si jamais vous tenez à vous peser : faites-le à jeun, espacez-le des week-ends et/ou de repas plus riches qu'habituellement, à distance des règles pour les femmes. Et on doit toujours retenir qu'un poids seul ne veut rien dire." Arnaud Cocaul enjoint à préférer la mesure du tour de taille à la pesée : "Si je dois faire passer un message aux gens, c'est celui-ci. Vous vous pesez dix fois dans la journée sur dix bascules différentes, le poids va être différent dix fois. Et quand vous perdez dix kilos, ce n'est pas forcément dix kilos de gras. Toute perte de poids doit être surveillée."

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