Lesbiennes, elles sont tombées amoureuses d'hommes : "Réussir à sortir avec moi, c'était un vrai challenge pour lui"
Hétérosexuel, bisexuel, homosexuel, pansexuel ou encore asexuel... À mesure que la parole se libère et que les combats de la communauté LGBT prennent de l'ampleur, les projecteurs sont mis sur le rapport au genre et au sexe, y compris en ce qui concerne l'orientation sexuelle. Ces mots, qui se sont popularisés ces dernières années, peuvent aider de nombreuses personnes à s'affirmer. Mais que se passe-t-il quand les certitudes s'effondrent ? Des femmes qui se sont toujours définies comme lesbiennes racontent comment elles sont tombées amoureuses d'une personne du sexe opposé.
"J'ai eu des amours hommes, même s'il se trouve qu'aujourd'hui je suis plus attiré par les femmes. Elles me fascinent, c'est inouï. Et puis soyons honnêtes, avoir vécu une sexualité homosexuelle m'a beaucoup apporté et m'a fait comprendre justement que la sexualité, ce n'était pas d'un côté l'identité féminine, et de l'autre la masculine. C'est beaucoup plus complexe." Ces mots, ce sont ceux de l'acteur Charles Berling, qui avait donné un entretien au magazine Têtu, en 2011. Le comédien, qui a évoqué ses aventures sexuelles sans complexe, expliquait son incompréhension face aux étiquettes de l'orientation sexuelle, et la pression extérieure, sociétale, de devoir se définir à tout prix : "Ce qui me gêne vraiment, c'est l'idée que l'on doit choisir son camp une bonne fois pour toutes."
Dans l'émission "En aparté" sur Canal +, Charles Berling a déclaré avoir fait "l'expérience du genre", qui s'invite désormais dans les débats de société : "Les jeunes parlent beaucoup de genre, moi j'ai beaucoup vécu ça. Je l'ai pratiqué de façon concrète, c’est-à-dire d'être à la fois féminin et masculin. Un sexe, ça se déplace dans la vie. Moi j'ai eu une période homosexuelle, maintenant je ne le suis plus." Du fait de son passé, il a estimé avoir "compris que la sexualité n'est pas d'un côté l'identité féminine, et de l'autre l'identité masculine."
"L'important, c'est d'être heureux dans la vie, peu importe l'orientation sexuelle"
Si chacun est libre de se définir ou non, de faire son coming-out ou non, et que pour certains cela est un signe d'émancipation et d'affirmation de soi, il existe bel et bien encore une certaine pression sociale qui nous pousse à nous mettre dans des cases. Persuadée d'être lesbienne jusqu'à ses 20 ans, Louise*, âgée de 26 ans aujourd'hui et désormais en couple avec un homme, ne veut plus avoir à rendre des comptes sur son orientation sexuelle. "Les gens devraient arrêter de se mettre des étiquettes. Pour moi, le principal, c'est d'être heureux dans la vie, peu importe l'orientation sexuelle que l'on a", déclare-t-elle.
C'est au collège que la jeune femme découvre ses premiers émois. "Je ne m'y attardais pas trop, parce que je n'étais pas encore trop dans tout ce qui était sexualité ou amourette encore, à cet époque-là. Je n'ai pas trop cherché à comprendre pourquoi. C'est vrai qu'à cet âge-là, une femme et un garçon c'est logique, deux femmes ensemble ça ne l'est pas, deux hommes ensemble non plus, c'est encore compliqué à comprendre." Aujourd'hui encore, et peut-être même davantage, le fait d'être un couple est fortement valorisé chez les adolescents, mais influencé par des codes patriarcaux et donc soumis au poids du genre, comme l'explique la sociologue Isabelle Claire, autrice de "Les Choses sérieuses. Enquête sur les amours adolescentes", dans un article relayé par Le Monde, le 15 mars 2023.
"Pour moi, j'étais lesbienne, c'était sûr et certain"
Plus tard, Louise va commencer à avoir des histoires et des relations sexuelles avec des garçons, puis des filles. "Quand je me suis mise avec ma première copine, j'étais persuadée d'être lesbienne parce que j'étais déjà sortie avec des garçons avant mes 18 ans et j'avais déjà eu des relations sexuelles avec eux, mais ça ne m'a jamais plu, ça ne durait jamais longtemps. Je n'avais jamais compris pourquoi, jusqu'au jour où j'ai rencontré cette fille-là (à 18 ans, au lycée; ndlr). À partir du moment où je me suis mise avec elle, pour moi j'étais lesbienne, c'était sûr et certain", raconte-t-elle. Les choses s'enchaînent assez rapidement, Louise annonce la nouvelle à sa famille.
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"Ça s'est fait tout seul. Je n'ai pas eu de problème vis-à-vis de ma famille, ou du moins je m'en foutais. Je faisais ce que je veux, c'était comme ça puis c'est tout. J'ai dit à mon entourage que je sortais avec une fille, comme si je leur disais que j'étais avec un mec. Je leur ai dit : "Voilà j'ai une copine". Pour moi, c'était normal. Je n'ai même pas cherché à comprendre comment ils allaient réagir, parce que pour moi ils allaient réagir exactement de la même façon que si je leur disais que j'avais un copain."
Effectivement, la jeune femme n'a pas eu à se confronter au rejet de ses parents : "Ma mère s'en foutait totalement, en plus elle adorait cette fille-là, donc aucun souci. Mon père par contre, sa première réaction, ça a été de dire 'mais je veux être grand-père'. Mais il n'était pas contre ça, ma famille élargie non plus, je n'ai pas eu de critiques ou autre."
"Je l'aimais bien, il était mignon, mais je n'avais pas plus d'attirance que ça"
Après la découverte de sa sexualité, Louise a donc plusieurs relations avec différentes femmes. Elle est d'ailleurs en couple depuis quelques semaines quand elle rencontre Alex* dans une soirée. "Au début, je n'en avais rien à péter. Lui, je lui avais tapé dans l'oeil, mais moi non. Je l'aimais bien, il était mignon mais sans plus, je n'avais pas plus d'attirance que ça. On est devenus amis et il a essayé pendant six mois de "m'avoir". Le fait d'avoir sur son "tableau de chasse" une fille qui était lesbienne, c'était un vrai challenge pour lui. Tout ce qu'il a fait n'a pas fonctionné."
Pourtant, la jeune femme finit par tomber sous le charme de son prétendant, sans qu'elle ne puisse s'expliquer pourquoi, encore aujourd'hui. "C'est arrivé simplement, je suis tombée amoureuse de lui, six mois après notre première rencontre. Ça s'est fait tout seul, on était proches, bon amis."
Néanmoins, en ce qui concerne la vie intime du couple, tout n'a pas été aussi "simple". "Sexuellement, ce n'est pas comme les autres rapports que j'ai pu avoir avec d'autres hommes, que je n'appréciais pas, voire qui s'étaient très mal passés". Je me dis qu'en fait, je n'étais peut-être pas tombée sur le bon" réalise Louise. Mais avant d'en arriver là, la jeune femme a du redécouvrir tout un pan de sa sexualité. "Une relation femme-femme ou homme-femme, c'est très différent. La méthode a changé. J'ai eu des appréhensions, j'ai eu peur de mal faire, de le décevoir, parce que je n'avais pas beaucoup d'expérience avec les garçons. Lors de notre premier rapport, avec mon compagnon, j'ai eu l'impression de refaire ma toute première fois. C'est la sensation que j'ai eue. Mais après avec mon chéri, ça s'est toujours très bien déroulé. Aujourd'hui, je ne regrette rien par rapport à ma sexualité passée."
Ensemble depuis six ans, Louise et Alex sont parents d'une petite fille de deux ans et demi. Louise estime qu'ils ont réussi à bâtir une relation de confiance, ce qui n'était pas le cas dans ses relations précédentes, d'après la jeune fille. "Avec mes ex filles, on m'a souvent trompée, humiliée et c'étaient souvent des relations cachées, parce qu'elles n'assumaient pas, alors que moi, j'assumais complètement. Je me retrouve maintenant dans une relation saine, pas toxique du tout. On communique énormément, c'est une relation mature."
"Lui, c'est un cas vraiment exceptionnel"
Et si Louise partait avec une femme ? "Alex n'en a rien à faire que j'ai été lesbienne. Il n'est pas jaloux des autres filles, mais il est quand même jaloux des autres garçons. Alors que je lui ai toujours dit que lui, c'est un cas vraiment exceptionnel, je ne sais pas pourquoi j'ai été attirée par lui, ça n'a pas été le sexe, ça a été ce qu'il est à l'intérieur de lui, je suis tombée amoureuse de son coeur en fait, tout simplement. Je peux trouver un autre garçon beau, mais pas de là à être attirée physiquement, je n'ai pas une attirance très forte envers les garçons. J'ai eu une mauvaise relation avec les garçons à cause d'un homme, il s'est passé quelque chose dans ma famille. Je n'ai jamais été tactile avec les hommes, tout ça c'est quelque chose que je déteste. J'ai un contact très limité avec les garçons même si je m'entends bien avec eux en tant que pote."
Alors que son coming-out s'est passé sans accroc, quand Louise a annoncé être un couple avec un homme, elle en a étonné plus d'un. "Nos amis se sont dit : 'Qu'est-ce qu'une lesbienne va foutre avec un homme ?' Les gens étaient convaincus que j'étais lesbienne. Ils se sont pas posé des questions. Pourquoi j'ai changé comme ça du jour au lendemain ? Moi-même je ne sais pas, c'est comme ça, c'est l'amour, je suis tombée amoureuse. Parfois, il y a des choses qui ne s'expliquent pas."
"Je ne sais pas ce que je suis réellement"
Aujourd'hui, son rapport à la sexualité a évolué : "Je ne me mets aucune étiquette. Je ne sais pas ce que je suis réellement, je sais qui je suis, mais je ne peux pas mettre un mot dessus. Je ne suis ni hétéro, ni bi, ni lesbienne, je suis simplement aujourd'hui amoureuse de cet homme et c'est cet homme-là avec qui je veux faire ma vie. La sexualité ne devrait pas porter de nom, avoir d'étiquette. On aime qui on veut, à n'importe quel moment de notre vie, à partir du moment où la relation est saine. Moi je l'aime et puis c'est tout, j'aimerais rester jusqu'à la fin de ma vie avec lui, mais rien ne m'empêcherait de me remettre avec une fille si on se séparait."
Louise* se dit épanouie dans sa relation et fait des projets d'avenir avec son compagnon : "Moi, je n'attends qu'une seule chose, c'est qu'il se mette à genoux. Je l'aime énormément et j'espère que ça durera jusqu'à la fin de notre vie. L'avenir, je le vois avec un deuxième enfant, un mariage, une belle maison, une bonne situation et beaucoup d'amour."
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*Les prénoms ont été modifiés.
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