"Si je dis que je veux passer par la fenêtre trois jours par mois, on ne va pas me croire !" atteintes du TDPM, elles racontent l'enfer qu'elles vivent

Pour quasiment la totalité des personnes menstruées, les règles sont loin d'être une partie de plaisir. Douleurs physiques, psychologiques, fatigue, parfois incompréhension de l'entourage... De nombreux désagréments peuvent subvenir pendant, mais aussi avant les règles. Si le syndrome prémenstruel (SPM) s'est plus ou moins installé dans le langage courant, il existe un autre phénomène lié au cycle menstruel, dont les conséquences sont bien plus handicapantes. Le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), peut déclencher des symptômes assez graves, comme une dépression majeure et des pensées suicidaires, mais sur une période bien déterminée. Pour Yahoo, des femmes souffrant de TDPM ont livré leurs témoignages sur ce trouble encore trop méconnu.

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"Si je dis que je veux passer par la fenêtre trois jours par mois, on ne va pas me croire !" atteintes du TDPM, elles racontent l'enfer qu'elles vivent. Photo : Getty Creative.

"Je suis en train de creuser un truc, en ce moment. (...) Dix jours avant d'avoir mes règles, je suis dans une dépression qui est grave. Et je sais que je ne suis pas dépressive", explique Laura Felpin dans "Un bon moment", podcast de Kyan Khojandi et Bruno Muschio, alias Navo. Dans l'émission, mise en ligne le 29 octobre sur Youtube, l'humoriste raconte être en train de se renseigner sur le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM). "Moi je pense que j'ai ça, c'est sûr même. Je me réveille, j'ai l'impression d'être épuisée, je ne peux pas parler, je ne peux pas voir les gens, ce n'est pas possible", énumère-t-elle, avant de préciser néanmoins ne pas encore avoir été diagnostiquée.

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8% des personnes menstruées concernées

Encore méconnu en France, le trouble dysphorique prémenstruel, TDPM, commence cependant à être davantage médiatisé et pris en charge. Un long combat mené notamment par les personnes qui en sont atteintes, mobilisées pour plus de visibilité, à l'image du compte Instagram @tdpm.france, qui aiguille les malades vers des professionnels formés sur le sujet. Différent du SPM (le syndrome prémenstruel, ndlr), le TDPM concernerait 8% des personnes menstruées.

Selon Odile Bagot, gynécologue qui s'est spécialisée sur le sujet, ce trouble cyclique se caractérise par "des symptômes psychiques graves qui vont interférer avec la vie quotidienne personnelle, affective, sociale et qui apparaissent au plus tôt après l’ovulation, c’est-à-dire quinze jours avant les règles, qui vont durer jusqu’aux règles, et qui vont ensuite disparaître." Il s'expliquerait notamment par l'existence d'un déséquilibre hormonal mais il persiste de nombreuses inconnues.

Le TDPM va fortement altérer l'humeur de la personne qui en souffre pendant une période donnée : "Ce sont des symptômes d’ordre dépressif, toujours graves, de type psychiatrique avec idées noires, idées de suicide, très grande fatigue, difficultés de concentration, agressivité, anxiété, dépression, une hyper émotivité avec des pleurs, plus ou moins associés aux signes physiques. Mais pour ces femmes, les signes psychiques sont tellement importants que d’avoir une tension des seins ou des compulsions alimentaires ce n’est plus un problème, ça passe vraiment au second plan."

"Je pensais que j'étais une mauvais personne, lunatique et froide"

Avec de tels symptômes, découvrir le TDPM et pouvoir être diagnostiquée est une véritable libération pour les personnes menstruées qui en souffrent. "Les femmes qui ne comprenaient pas pourquoi elles étaient dans cet état-là, et à qui on peut dire, 'Mais oui, vous avez un TDPM’, ça leur change la vie, elles se disent 'Je ne suis pas folle'", confirme Odile Bagot.

Après des années d'errance, apprendre qu'elle était atteinte de TDPM a été une réelle délivrance pour Laure, 32 ans : "Quel soulagement ! De savoir qu’on lutte contre quelque chose et non pas contre nous-mêmes. Je me souviendrai toujours ce jour où j’ai lu le premier témoignage d’une femme souffrant de la même pathologie que moi, le poids du monde était finalement moins lourd, il était partagé. Ce jour là, il y a eu un avant et un après. Je pouvais enfin parler de mon trouble en le nommant", se souvient-elle. La méconnaissance de ce trouble laisse souvent les malades dans un très grand flou. Certains ont parfois même tendance à se blâmer : "Je pensais qu'il y avait juste un problème avec mon caractère. Que j'étais une mauvaise personne, lunatique et froide", explique Lili*, 25 ans.

"J’ai même cru que je voulais quitter ma compagne, ça a entraîné mon divorce"

Le TDPM plonge les malades dans une telle détresse qu'ils sont souvent incapables d'établir un lien entre leur cycle menstruel et leurs phases dépressives. L'entourage peut alors avoir un rôle capital : "Les gens se disent souvent 'Je suis bipolaire', alors que ce n’est pas du tout cette maladie-là. Et c’est quand même très souvent les partenaires qui s’en rendent compte, parce que la personne est tellement au fond du trou, quand elle est dans cet état-là, qu’elle ne peut plus réfléchir", avance Odile Bagot.

Dans le cas de Laure, c'est bel et bien son conjoint qui s'est aperçu du caractère cyclique de ses humeurs dépressives. "C'est lui qui m'a fait prendre conscience qu’il fallait creuser. Cette phrase qui un jour a tout changé 'J’ai l’impression que c’est régulier ce changement de comportement. J’ai l’impression que c’est tous les mois que tu me dis que ça ne va pas et que tu veux que l’on se sépare.' Le déclic", rapporte la trentenaire.

Pour les proches aussi, le TDPM vient chambouler de manière récurrente leur quotidien. Parfois, jusqu'à la rupture. Sophie, 41 ans, en a fait les frais. "Malheureusement, j’ai même cru que je voulais quitter ma compagne, que mon couple ne m’allait plus, mais en fait ce n’était pas du tout ça. Ça a quand même entraîné notre divorce, ce que je regrette le plus au monde. C’est très difficile parce qu’à chaque fois il faut rabâcher le sujet, réexpliquer. Donc moi, je préviens mon ex quand je suis dans une phase sombre, parce que parfois je suis un peu méchante avec elle, je lui reproche certaines choses sur notre séparation, mais je veux faire attention à notre fils."

"On a l’impression d’avoir changé du tout au tout en deux jours"

Difficile à expliquer pour les personnes qui en sont atteintes, le TDPM plonge les malades dans des pensées très noires : "J'ai l’impression d’être en feu, de brûler et de devoir continuer à vivre et à fonctionner pendant que je me consume. C’est une souffrance intérieure, j’ai du mal à l’expliquer, mais c’est un peu comme si vivre, c’était se faire torturer. Forcément il y a des pensées qui arrivent du style 'Je ne veux plus vivre comme ça, je suis prête à tout pour que ça s’arrête.' Dans ces moments-là, ma plus grande envie ce n’est même plus d’aller mieux et de reprendre une vie ordinaire, mais c’est juste qu’on me laisse partir en paix. Et ça ça impacte beaucoup mon conjoint, qui lui me voit vriller et est complètement impuissant", décrit Manon, 33 ans.

"C'est aussi de l’agacement et de la colère sans raison, que l’on ne maîtrise pas, et qui ont de fortes répercussions sur notre entourage. Les discussions deviennent compliquées. Je me vois répondre agressivement aux gens qui m’entourent sans aucune raison et surtout sans pouvoir le contrôler", ajoute Laure. Amandine, 26 ans, décrit : "Une fatigue extrême, un état dépressif important, des troubles de la mémoire et du langage. Je bégaye, j'hésite énormément, les idées s’embrouillent dans ma tête, je n’arrive pas à les exprimer, ma langue fourche…" À cela s'ajoute une profonde remise en question : "J'ai de gros problèmes de confiance en moi, j’ai l’impression de ne rien réussir à faire, je remets tout en doute, je perds tout repère, j’ai l’impression de retourner à des problématiques que j’avais adolescente, une grosse peur de l’abandon, une grande sensibilité par rapport aux propos de l’entourage. On se sent perdu, on ne sait plus qui on est, on a l’impression d’avoir changé du tout au tout en deux jours, c’est assez perturbant."

"Ça n’intéresse pas les grands laboratoires"

Aujourd'hui, les psychiatres et les gynécologues tâtonnent encore pour trouver un traitement adéquat, les profils de personnes menstruées étant très différents, tout comme leurs attentes. Si certaines sont prêtes à accepter un traitement hormonal, d'autre le refusent. La prise d'une contraception atténue en effet les symptômes du TDPM, tout comme les anti-dépresseurs. L'accent est également mis sur une bonne hygiène de vie. "On sait que ça améliore, pas d’alcool, pas de café, pas de sucre, et un sommeil régulier", préconise Odile Bagot. Peu de ressources scientifiques existent pour l'instant : "Ce n'est pas forcément un sujet porteur. Ça n’intéresse pas les grands laboratoires, ça n’est pas leur priorité. On a un peu de littérature canadienne et suisse. En France, on n'a à peu près rien, parce qu’on n’a pas tout compris, pas encore, on n’a pas beaucoup cherché, à vrai dire, et que les cas sont quand même très hétérogènes. Il n’empêche qu’on peut acquérir des connaissances qui sont reconnues scientifiquement, sans que ce soient des statistiques, sur base de l’expérience du professionnel, qui est aussi une valeur sûre médicale", affirme la gynécologue.

Ce manque d'information, les malades sont les premiers à en souffrir. Dans un premier temps, lorsqu'elles n'ont pas encore identifié leur TDPM, mais aussi lorsqu'elles cherchent des professionnels qualifiés. Mélanie, 40 ans, a dû faire preuve de patience pour être accompagnée correctement : "Pour ce qui est du parcours de soins, ça a été beaucoup plus compliqué de faire entendre ma voix. J’ai rencontré plusieurs gynécologues, l’une d’elles m’a dit que j’étais folle."

"J'avais honte de parler de mes symptômes psy"

Comment expliquer ce vide médical ? Peut-être car le TDPM est un trouble qui concerne la santé mentale et la santé des femmes, deux sujets longtemps occultés. "La douleur des femmes a toujours été invisibilisée. On m’a toujours dit 'C’est normal d’avoir mal'. Si j’arrivais à parler des symptômes physiques, j’ai mis du temps à aborder les symptômes psychologiques, parce que j’en avais un peu honte. Déjà qu’on me croyait pas sur le symptômes physiques, je me suis dit 'On ne va pas me croire si je dis que je veux passer par la fenêtre trois jours par mois !' Ma gynécologue m’avait dit 'Mais si les hommes avaient vos symptômes, ça ferait bien longtemps que des médicaments existeraient sur le sujet et que ce serait en libre accès dans toutes les pharmacies du monde'", renchérit la quadragénaire.

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Aujourd'hui, les personnes atteintes de TDPM militent pour une plus grande mobilisation de la communauté scientifique sur le sujet, davantage de recherches, de formation des soignants et de pédagogie auprès des femmes, dès le plus jeune âge. Pour Sophie, l'amélioration de la prise en charge des patients passe par de la sensibilisation dans les établissements scolaires : "Il faut mener des campagnes dès l’adolescence, comme on le faisait quand on était au collège et qu’il y avait quelqu’un qui venait nous expliquer comment se servir des protections hygiéniques. C’est comme ça qu’on va sauver nos filles et nos femmes futures. Combien vont se suicider ? Combien vont détruire leur vie de famille, leur couple, leur carrière ? Il faudrait que des femmes célèbres en parlent. Tant qu'il n’y a pas de femmes "leaders" qui parlent de ça, on restera toujours derrière." Ne reste donc plus qu'à espérer que d'autres marchent dans les pas de Laura Felpin.

*Le prénom a été modifié.

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