Et si le développement personnel nous apportait plus de problèmes que de solutions ? "Aujourd'hui, on dirait qu'il ne faudrait plus être malheureux"

Depuis quelques années, les ouvrages sur le développement personnel ont envahi les rayons des librairies. Ils regorgent de conseils et de préceptes à suivre pour être positif, atteindre la sérénité et même devenir la meilleure version de soi-même... L'autrice, humoriste et comédienne Anne-Sophie Girard a fait partie de ces lecteurs désireux de travailler sur eux-mêmes. Mais à vouloir trop en faire, on s'épuise. Après "La femme parfaite est une connasse", Anne-Sophie Girard a voulu, avec son dernier livre, "Un esprit bof dans un corps pas ouf" (éd. Flammarion), paru le 12 avril, livrer son expérience et déculpabiliser tous les prétendants au bonheur et à la perfection.

"Miracle Morning", "Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même", "Toujours plus", "Les quatre accords Toltèques"... Le point commun entre ces ouvrages ? Ce sont tous des best-sellers qui vous promettent une vie meilleure. Rangés dans la catégorie "développement personnel", ils ont fleuri dans les étagères des librairies à vitesse grand V ces dernières années. Yoga, méditation, pouvoir énergétique des pierres, optimisation du rangement... Le domaine de l'amélioration perpétuelle de soi est devenu un véritable business. Anne-Sophie Girard, autrice, humoriste et comédienne a été conquise, dans un premier temps, par les promesses du développement personnel. Avant de rapidement se heurter aux limites de cette discipline. C'est ce qu'elle a souhaité raconter dans son livre "Un esprit bof dans un corps pas ouf" (éd. Flammarion), paru le 12 avril, à destination de tout ceux, qui, comme elle, ont fini par culpabiliser de ne pas être "assez bien", de ne pas "faire assez". À tous ceux-là, elle adresse ses encouragements, son soutien, et donne des clés pour prendre du recul face à ces nouvelles exigences sociétales, en s'appuyant notamment sur les travaux de sociologues et de philosophes, avec humour et efficacité.

"À focaliser sur ce qu'on veut améliorer, on se focalise sur ce qui ne va pas"

"Je sentais qu'on allait tous trop loin, en fait, avec ça. (Le développement personnel) représente un pourcentage énorme de l'édition aujourd'hui, et c'est déjà la preuve que ça ne marche pas, parce que si ça marchait, au bout d'un livre, super, on est tous heureux, on est tous la meilleure version de nous-mêmes... Mais non, on va en chercher un deuxième, un troisième, parce qu'on veut toujours plus, on veut toujours mieux et c'est là qu'est le danger", explique Anne-Sophie Girard au micro de Yahoo.

L'autrice rapporte qu'elle souhaitait dénoncer certaines pratiques et faire émerger la face cachée de la quête sans cesse inachevée de l'accomplissement de soi : "Je me suis rendu compte qu'il y avait des limites au développement personnel, mais aussi des dangers. Je suis allée voir mon éditeur avec l'idée d'écrire sur ces dangers et ces limites. À focaliser sur ce qu'on veut améliorer, on se focalise sur ce qui ne va pas. Et ce n'est pas hyper positif, toute la journée de se focaliser sur ce qui ne va pas."

"Tu n'es pas obligé de souffrir pour arriver à quelque chose de bien pour toi"

De plus, le constat qu'Anne-Sophie Girard tire de ses recherches et de sa propre expérience est assez décourageant : surprise, le développement personnel ne va pas régler tous vos problèmes, il vous permet même, parfois, de juste continuer à faire l'autruche. "C'est en déconstruisant un peu ce que j'avais lu partout que je me suis dit, 'ok, il y a un état des lieux, mais cet état des lieux dit que non, la volonté ne peut pas tout, ce n'est pas parce que tu le veux que tu peux, non, c'est pas "no pain no gain", parce qu'en réalité, tu n'es pas obligé de souffrir pour arriver à quelque chose de bien pour toi'", déclare-t-elle.

Forte de ces découvertes, l'autrice s'est questionnée : "L'état des lieux, il était un petit peu déprimant, parce que quand on dit à quelqu'un que tout est joué et que sa marge de manoeuvre est minime, c'est un peu triste. Je me suis dit 'ok, on va continuer l'écriture de ce livre, qu'est-ce que je fais de cette information ?' Et c'est là où je donne des pistes et où je me suis mise à écrire moi-même un livre de développement personnel."

Ainsi, Anne-Sophie Girard conseille de relativiser, d'êtres "moins exigeant" avec soi, et surtout d'accepter que tout n'a pas de solution : "Parfois, il y a des drames qui se jouent, on l'accepte avec le deuil par exemple, il n'y a pas de solution au deuil. Il faut accepter de se laisser traverser par ses émotions, ce n'est pas avec de la volonté qu'on ne va pas avoir mal."

"Il faut se laisser tranquille, se foutre la paix"

Et s'il y a une solution, ce n'est pas toujours à nous de la trouver seuls, contrairement à ce que le développement personnel peut parfois laisser entendre, insiste la comédienne. "C'est difficile de se rendre compte que ça ne va pas. Il faut accepter que ça n'aille pas, il faut le dire, il faut le dire aux autres et pourquoi pas se tourner vers des professionnels. Si ça ne va vraiment pas, ça s'appelle une dépression, et ça c'est une maladie. Ça ne se soigne pas avec juste un coup de pied au c*l. Je pense que c'est très culpabilisant de dire 'tu peux y arriver'. Il y a des fois, non, tu ne peux pas y arriver tout seul, demande de l'aide. Quand ça ne va pas, surtout demande de l'aide, dis-le, ce n'est pas de la faiblesse, au contraire, vraiment. Je conseille à tout le monde de se faire aider, pour tout. Je crois qu'on est tous très durs avec nous-mêmes. Il faut se laisser tranquille, il faut se foutre la paix", avance-t-elle.

Vidéo. Anne-Sophie Girard : "Une dépression, ça ne se soigne pas juste avec un coup de pied au c*l"

"On a toujours l'impression que la vie des autres est formidable"

Anne-Sophie Girard fustige également un précepte qui a le vent en poupe : la positivité. "Aujourd'hui, on dirait qu'il ne faudrait plus être malheureux. Il faut tout le temps être positif, ça, je n'en peux plus", se désole-t-elle. D'autant plus que ces injonctions au bonheur et à la réussite sont largement relayés sur les réseaux sociaux, "le plus gros danger", selon l'autrice car ils favorisent la dévalorisation de soi par la comparaison. "On a toujours l'impression que la vie des autres est formidable, on se sent toujours une m*rde quand on regarde ça (les réseaux sociaux; ndlr), moi la première. (Il faudrait) peut-être arrêter de regarder la vie des autres, toujours se rappeler que ce n'est que ce qu'ils ont bien voulu nous montrer, et être moins dur avec soi. Il y a des moments où l'on n'est pas capables de se confronter aux réseaux sociaux. Il faut qu'on arrive à se connaître assez bien pour se dire, 'là, je suis un peu en fragilité, je ne me sens pas hyper bien...'."

Pour repousser ces émotions négatives qui peuvent nous envahir à force de scroller sur Instagram, l'humoriste est radicale : "Si la réussite d'une copine est insupportable pour vous parce qu'elle vous renvoie à un truc, vous ne l'expliquez pas, vous allez prendre le temps de savoir d'où ça vient, mais en attendant, mettez-la en sourdine. Ce n'est pas contre elle, c'est pour vous. Aussi, prenez un peu de hauteur, de légèreté. On se prend beaucoup trop au sérieux, tout est faux, il faut se le dire. Moi, sur Instagram, je me ménage énormément, je fais un tri et je mets en sourdine, beaucoup."

Vidéo. Anne-Sophie Girard : "Sur Instagram, je me ménage, je fais un tri et je mets en sourdine"

"Accepter qu'on n'est pas la meilleure version de soi-même"

Dans le développement personnel, tout semble être, en fait, une question de dosage. "Je ne crois pas que tout soit à jeter dans le développement personnel, au contraire. C'est juste qu'il faut l'utiliser à bon escient et puis, de temps en temps, accepter qu'on n'est pas la meilleure version de soi-même", affirme Anne-Sophie Girard.

Elle souhaite mettre en garde les amateurs de développement personnel : oui, il est bon de vouloir s'améliorer, mais il faut le faire pour soi, pour les bonnes raisons et avec détachement. "Si l'on arrive au point de culpabiliser parce qu'on a foiré notre "miracle morning" (le fait de se lever plus tôt pour se consacrer à soi en s'accordant du temps avant de démarrer "vraiment" sa journée; ndlr)... Je suis passée par là, je me disais 'je ne suis pas assez bonne élève, je peux faire plus, il faut que je mange mieux, il faut que je fasse du yoga, il faut que je fasse de la méditation'... Je me mettais une pression pour réussir mon développement personnel, ce qui est dramatique parce que ce n'est pas du tout le but. Quand je vois quelqu'un qui est à fond dans le développement personnel, je me dis que c'est quelqu'un qui ne va pas bien. Il faut juste accepter que quand on se lève à cinq heures du matin pour faire un bisou à un arbre, c'est qu'on n'est pas serein. On ne va pas culpabiliser les gens qui font du développement personnel, on va juste leur faire des gros câlins et leur dire que ce n'est pas grave", conclut-elle.

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