Sexe, nudité, violence... Frenchie Shore, la nouvelle émission de télé-réalité, est rétrograde et dangereuse

Les américains et les anglo-saxons ont poussé depuis longtemps les curseurs du trash à la télévision, avec des émissions comme "Jersey Shore" (2009) ou Geordie Shore (2011). Désormais, il existe une version française de ces programmes. Depuis le 11 novembre, "Frenchie Shore" a débarqué sur MTV, mettant en scène plusieurs jeunes adultes vivant ensemble pendant un mois dans une villa du Cap d'Agde, sous l'oeil des caméras. Diffusé à 23h et interdit au moins de 16 ans, ce show ultra subversif repose sur le sexe à outrance et donne à voir des scènes plus problématiques les unes que les autres.

Frenchie Shore
Sexe, nudité, violence... La nouvelle émission de télé-réalité Frenchie Shore n'est pas à mettre entre toutes les mains. Photo : @frenchieshore / Instagram

"Je suis à poil du matin au soir", "Soit tu me kiffes d'entrée de jeu, t'as envie de me bouffer la ch*tte, soit tu ne peux pas me voir", "Mon objectif dans cette aventure, c'est de toutes les b*iser." Le ton est donné dès la présentation des candidats. Les nouvelles têtes de "Frenchie Shore" parlent crûment et mettent la vulgarité sur un piédestal. Diffuser des scènes les plus trash possible, c'est littéralement la promesse de cette émission, disponible depuis le 11 novembre sur MTV à 23h, et le lendemain sur Paramount+.

Déconseillé au moins de 16 ans, ce programme animé par Antonin Portal (ex-participant de la télé-réalité "Les Marseillais" qui ont l'air d'enfants de choeur à côté du casting de "Frenchie Shore") est destiné à un public -très- averti.

Vidéo. Antonin Portal cash sur Frenchie Shore et les autres émissions de télé-réalité

"Bousiller tout ce qui bouge, et même ce qui ne bouge pas"

Au-delà de la profusion de torses bombés et de maillots de bain minuscules, voire de parties génitales et d'actes sexuels filmés à peine floutés, ce sont surtout les propos et le comportement des candidats qui doivent être pris avec des pincettes, et ne sont évidemment pas à reproduire.

Sous couvert d'inclusivité (on compte notamment un candidat gay, un candidat pansexuel, une femme trans et une femme ronde au casting) et de liberté sexuelle, l'émission donne à voir un contenu finalement assez rétrograde, qui renvoie chacun à de vieux clichés réducteurs et légitime des actes répréhensibles par la loi, tels que l'exhibitionnisme, les outrages sexistes ou les agressions sexuelles.

Ainsi, on nous présente des candidats "ouverts d'esprit" et "libérés sexuellement". Les femmes font "comme les hommes", et jouent elles aussi sur plusieurs tableaux. Mais cela va plus loin, dans les propos et les comportements où la frontière entre ce que chacun tolère ou non est extrêmement floue.

Ainsi, le jeune Théo débarque dans l'aventure avec l'intention de "bousiller tout ce qui bouge, et même ce qui ne bouge pas". Or, comment quelqu'un qui ne bouge pas pourrait être consentant ? Dans un autre extrait relayé sur TikTok, on peut voir l'un des participants lécher la poitrine d'une candidate sans son consentement, en la prenant par surprise. En effet, alors que Tristan et Kara discutent dans la salle de bain, très proches, la jeune femme renverse de l'alcool sur sa poitrine sans faire exprès. Tristan en profite pour lui lécher les seins. Voici comment il décrit la scène : "Il n'y a pas de hasard dans la vie, pour moi elle renverse de l'alcool sur ses seins, donc moi gentiment je lui lèche les seins.". Un accident devient donc une invitation pour le jeune homme qui se permet ce que personne ne l'a autorisé à faire, et qui est, au regard de la loi, tout simplement une agression sexuelle.

"Dès que j'ai envie de quelque chose, je ne me retiens pas"

Une autre séquence nous montre à nouveau un parfait exemple d'absence de consentement. Kara vient chercher Tristan pour manger. Le candidat l'appelle près de lui, et lorsque la jeune femme est assez proche, il lui mord les fesses. Kara hurle de surprise et perd ses moyens. L'explication de Tristan ? "Je vois Kara avec ses grosses fesses, j'ai qu'une envie, c'est de les manger. Moi, dès que j'ai envie de quelque chose, je ne me retiens pas", une phrase qui baigne complètement dans la culture du viol et banalise une fois de plus une agression sexuelle. La jeune Kara est d'ailleurs, pour Tristan, "le meilleur cheval de la villa", une preuve de plus, s'il en fallait, que la valeur des femmes dans cette émission réside dans le désir qu'elles suscitent chez les hommes d'avoir un rapport sexuel avec elles.

Néanmoins, les participantes de "Frenchie Shore" ne sont pas en reste, comme l'explique très bien Kara : "Tous les mecs de la maison jouent sur plusieurs tableaux, nous, on peut faire la même chose aussi." Mais adopter des comportements dits "masculins", dans tout ce qu'ils ont de plus toxiques ne devrait pas être glorifié ainsi. On peut apercevoir la jeune femme demander à Théo de lui montrer son pénis avec beaucoup d'insistance, normalisant une exhibition sexuelle qui est en fait implicitement contrainte.

Bien mal en a pris à Kara d'avoir voulu se montrer aussi entreprenante que les hommes : la jeune femme ne subit pas les mêmes conséquences que les candidats masculins, que l'on félicite habituellement pour leurs conquêtes. En effet, les autres femmes ne se privent pas de parler de sa frivolité pour la discréditer. Alors que Kara aurait plusieurs fois fait des fellations à Tristan, mais aussi "chauffé", comme le décrivent les candidats, Melvin et Théo, sans le crier sur tous les toits, les autres habitants de la villa estiment qu'elle "fait des bails dans le dos de tout le monde", qu'elle "n'assume pas" ou bien encore qu'elle "joue sur tous les tableaux". Des phrases qui s'apparentent finalement au slut-shaming. Kara ne peut compter que sur Iris, qui l'a défendue en lui disant qu'elle ne devait rien à personne, et qu’elle n'a pas à se justifier auprès de qui que ce soit.

"Je suis une fille totalement naturelle"

Ainsi, derrière une certaine idée du féminisme affichée par l'émission via l'émancipation sexuelle de ses candidates, le "male gaze" plane toujours : il y a aussi très peu de moments entre deux femmes où il n'est pas question d'un homme, quand la production va choisir au contraire de consacrer toute une séquence à une bagarre entre Kara et Ouryel, candidate trans, qui se battent pour Tristan. Tout plane d'ailleurs autour du pénis : la majorité des candidats, étant attirée par des hommes (on compte cinq femmes hétérosexuelles, un pansexuel, un homosexuel et trois hommes hétérosexuels), n'a que le mot "b*te" et "queue" à la bouche. Une véritable phallocratie.

Un autre exemple de rivalité féminine sous-jacente ? La présentation d'Iris. Plus ronde que ses camarades, elle met sa poitrine "naturelle" en avant dans son portrait pour prouver sa valeur -qui réside, apparement dans ses seins- par rapport à certaines de ses camarades, refaites : "Mes deux boobs sont du fait maison. Je suis une fille totalement naturelle, je n'ai absolument pas de plastique en moi, si un jour je meurs dans une forêt, sachez que je ne polluerai pas."

Des extraits accessibles à tous

L'impact de ces phrases et ces comportements n'est pas à minimiser, car ils ne sont pas interprétés de la même façon par un public averti et par des mineurs, même âgés de 16 ans.

D'autant plus que si certaines "précautions" sont prises pour que l'émission ne se retrouve pas entre toutes les mains, avec un horaire de diffusion tardif et un avertissement, de nombreux extraits ont fuité en ligne, et notamment sur TikTok, où la majorité des internautes ont entre 15 et 24 ans, comme le rapporte Libération. Sans compter les lives, où certains se filment en train de regarder "Frenchie Shore" et partagent la vidéo en direct sur les réseaux sociaux... Un jeune public peut donc rapidement être exposé à des scènes de violence verbale, sexuelle et/ou physique, qui ne reflètent pas la réalité des rapports de séduction entre adultes.

Les candidats, qui se disent tous "ouverts sexuellement", se permettent d'agresser et normalisent le fait de l'être en retour, pour coller au concept de "Frenchie Shore". Des représentations nocives pour de jeunes téléspectateurs en construction. Selon les informations du Parisien dans un article en date du 14 novembre, le programme est jusqu'à présent passé sous les radars de l'Arcom, qui n'a reçu aucun signalement. Contacté par BFM TV, le régulateur a indiqué qu'il était encore trop tôt pour déterminer s'il est compétent pour se prononcer sur ce programme, et si la plateforme Paramount+ dépend de son périmètre d'action.

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