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"Je ne suis pas quelqu'un qu'on se voit présenter à ses parents" : Jugées "superficielles", elles sont dévalorisées à cause de leur physique

Timothée Chalamet et Kylie Jenner
"Je ne suis pas quelqu'un qu'on se voit présenter à ses parents" : Jugées "superficielles", elles sont dévalorisées à cause de leur physique. Photo : Photo by Wiktor Szymanowicz/Anadolu Agency via Getty Images / Photo by MICHAEL TRAN/AFP via Getty Images

Depuis plusieurs jours, des rumeurs circulent sur la possibilité d'une liaison entre l'acteur Timothée Chalamet et la business woman Kylie Jenner. Si cette relation reste au stade de supposition, il n'en fallait pas plus pour déchaîner les commentaires désapprobateurs des fans, surtout à l'égard de la cadette du clan Kardashian. Trop superficielle, pas assez bien pour lui... Les attaques basées sur le physique de cette dernière ont fleuri sur les réseaux sociaux. Yahoo a interrogé des femmes jugées "superficielles", qui souffrent au quotidien de clichés basés sur leur physique.

Que de rebondissements et de couples improbables parmi les célébrités ! Après Avril Lavigne et Tyga ou Emily Ratajkowski et Harry Styles, il se murmure que Timothée Chalamet et Kylie Jenner se fréquenteraient. La voiture de la célèbre influenceuse aurait en effet été aperçue dans la propriété de l'acteur, ont relayé plusieurs sites people ces dernières semaines, et le comédien aurait également pris un avion en direction des îles Turques et Caïques (près des Bahamas), où Kylie Jenner séjournait au même moment.

"Elle ne le mérite tellement pas"

Si aucun des principaux intéressés ne s'est exprimé à ce sujet, les réactions des internautes ne se sont pas fait attendre. Surpris, et même déçus par la possibilité d'une telle relation, ils n'ont pas caché leur désapprobation sur les réseaux sociaux, surtout au détriment de Kylie Jenner :

"Timothée, écoute-moi, tu peux mieux faire !", écrit ainsi une internaute. On peut aussi lire dans un tweet : "Trop déçue ! Je l'imaginais tellement pas avec ce genre de meuf...", "Nous pensions tous que Timothy était cultivé et réservé et en réalité il aime le plastique recyclé", "Ça ne durera pas, c'est un garçon cultivé, bien éduqué", "C’est pas lui le problème mais Kylie, elle ne le mérite tellement pas"... Les commentaires de ce genre, d'un sexisme décomplexé, se sont multipliés ces derniers jours.

Un "anti-bad boy" avec une Kardashian ?

S'il est vrai que la cadette des Kardashian a plutôt eu des histoires d'amour avec des hommes comme Tyga ou Travis Scott, à l'image beaucoup moins lisse que celle de Timothée Chalamet, nouvelle coqueluche d'Hollywood, elle ne mérite pas d'être autant attaquée. Comment expliquer ces critiques ? Est-ce parce que Timothée Chalamet représente une certaine idée de l'homme déconstruit, et qu'il ne pourrait donc pas tomber sous le charme d'une personne comme Kylie Jenner, jugée superficielle, ayant eu recours à la chirurgie esthétique et dictant les canons de beauté de l'époque ?

"Il y a dans (les) rôles (de Timothée Chalamet) la question de l'apparence physique qui rentre en jeu, mais aussi du comportement, de son attitude très chien fou, de petit chiot. (...) Les hommes qui ont le plus de succès en ce moment sont ceux qui sont à l'opposé du bad boy effectivement, privilégient dans leurs apparitions publiques une certaine gentillesse, se comportent professionnellement avec beaucoup d'écoute, tendent à traiter les femmes dans un rapport d'égalité. Cela prouve que ces anti-bad boys représentent quelque chose dont les gens ont envie désormais", analyse Aline Laurent-Mayard, autrice de "Libérés de la masculinité - Comment Timothée Chalamet m'a fait croire en l'homme nouveau", dans un entretien pour Terrafemina.

"Trop superficielle pour être en couple ?"

Toujours est-il que, dans un sens comme dans l'autre, du plus naturel, lisse, déconstruit au plus extravagant ou sophistiqué, le physique ne devrait pas résumer une personnalité. Malheureusement, il ne suffit pas de le dire. Ainsi, il semblerait que certaines femmes, jugées trop superficielles, voire vulgaires, aient de réelles difficultés à trouver l'amour et soient victimes de moqueries sexistes et d'idées reçues uniquement basées sur leur physique. Pour preuve, postée en 2019, la vidéo de l'influenceuse lyonnaise HouseOfRbb "Trop superficielle pour être en couple ? Mon avis !", où elle fait part de nombreux préjugés (surtout des hommes) basés sur son physique, a recueilli plus de 15 000 likes et a été visionnée plus de 225 000 fois, sans compter le nombre de commentaires et de témoignages.

Malheureusement, quasiment quatre ans après, on ne peut pas dire que les choses aient vraiment changé. Maya, 23 ans, peut en témoigner. "L’entourage de mon ex-petit ami se permettait de me faire des réflexions. Par exemple, quand on était en pleine soirée dans une boîte de nuit, qu’on se retrouvait à fumer une cigarette à l’extérieur avec des amis à lui, ils commençaient à dire que c’était normal s’il se comportait mal et qu’il allait vers d’autres filles. Ils me disaient : 'C’est justifié, tu es trop superficielle, tu le sais, tu n’aspires pas à du sérieux'", raconte-t-elle. "On m'a dit 'peut-être qu’il se comporterait un petit mieux si tu étais plus naturelle', 'tu ne vas attirer que les mauvais garçons, qui sont là uniquement pour ton physique, qui ne sont là que pour une nuit et après qui vont te lâcher', je trouve cette excuse complètement bidon", ajoute-t-elle.

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"J’ai perdu espoir, je me vois terminer ma vie seule"

Maya confie que ses anciens partenaires eux-mêmes l'ont parfois critiquée : "Je ne suis pas quelqu’un qu’on se voit présenter à ses parents parce que physiquement "ça fait trop". Mes petits amis vont me prendre telle que je suis, parce que ça fait des années que je suis comme ça, et petit à petit, ils vont vouloir me changer. J’ai eu un ex de qui je suis restée amoureuse pendant très longtemps, qui m’a dit que l’une des raisons pour lesquelles il n’avait pas été sérieux avec moi et qu’il n’avait pas voulu continuer avec moi était ma superficialité (comment je m’habille, comment je me maquille, les injections que j’ai pu faire, comment je m’apprête…) Ça ne lui plaît pas, alors qu’il m’a connue comme ça."

Pour autant, la jeune femme n'a absolument pas envie de changer. Victime de harcèlement scolaire jusqu'au lycée, elle a été longtemps moquée en raison de son physique, ce qui lui a fait perdre confiance en elle. Être apprêtée, très féminine et avoir eu recours à la chirurgie l'a aidée à s'accepter. "C’est une sorte de revanche pour moi de ressembler à celle que je suis aujourd’hui, même si les gens le voient d’un mauvais œil, je m’en fiche", assure-t-elle. Si elle ne reviendrait "pour rien au monde" en arrière, ses précédentes relations et les réactions de ses anciens petits amis vis-à-vis de son physique lui ont laissé un goût amer, et elle peine à trouver un partenaire qui l'accepte telle qu'elle est. "Je n’ai pas toujours été superficielle, j’ai commencé à prendre vraiment soin de moi et à effectuer des changements physiquement depuis que j’ai 21 ans. Avant, j’étais un peu plus "naturelle", et mes relations amoureuses se passaient mieux aussi. Aujourd'hui, j’ai perdu espoir, je me vois seule, je me vois terminer ma vie seule dans mon lit avec mes chats", se désole Maya.

"Impossible que tu sois timide, tu mets des faux cils"

Au-delà des suppositions sur son comportement avec les hommes, Maya doit composer avec les personnes qui jugent sans la connaître et la mettent directement dans la case des "personnes bêtes ou peu cultivées, bimbos un peu écervelées", selon ses propres dires. "C’est ce que je vais entendre à longueur de temps. Après quand les gens apprennent à me connaître, ils changent d'avis."

Laura a un parcours similaire. "Je suis en couple à l’heure actuelle après une longue pause et il y a des réflexions que je ne laisse pas passer. Récemment, j’ai voulu sortir boire un verre avec une copine, et mon copain m’a dit 'tu vas en boîte ou quoi ?'." En plus de son petit ami actuel ou de ses ex, l'entourage de Laura préjuge lui aussi de son comportement en fonction de son apparence. "Je reçois des remarques perpétuelles remettant en cause tout ce que je peux dire, par exemple 'impossible que tu sois timide, tu mets des gros faux cils, tu as des grosses lèvres, c’est pour que tout le monde te voie' ou bien la plupart du temps on s'arrête à mon image "superficielle" et on me pense débile."

Âgée de 21 ans, Laura trouve dans le maquillage, les vêtements ou encore la médecine esthétique une manière de s'émanciper et de s'exprimer, chose qu'elle avoue ne pas avoir pu faire auparavant. "J’ai commencé à clairement être "superficielle", je sous-entends par ça porter des faux cils, des faux cheveux, des faux ongles et des injections dans les lèvres... Suite à une rupture avec mon premier amour qui justement m’empêchait d’être la personne que je voulais être. À 15 ans, dans ma chambre, je rêvais de pouvoir choisir ce que je voulais faire. Dans mon adolescence, imposer mes choix à ma famille, en l’occurrence ma passion du make-up, a été très difficile."

"Un garçon aussi bien n'a rien à faire avec une princesse comme toi"

Le physique de Santa, 22 ans, a toujours été sujet à commentaire, dès ses 11 ans : "On me reprochait les shorts et les jupes que mes copines portaient sans problème à cause de mes fesses bombées", se souvient-elle. Dans la famille de la jeune femme, l'apparence est importante : "il y a une véritable injonction à être mince et musclée qui m’a formatée sans que je ne m’en rende compte. Je suis comme ça depuis petite, mes goûts sont toujours les mêmes. J’ai toujours aimé être un peu extra ". Les principales critiques sur son physique sont donc venues davantage de son entourage élargi, voire des réseaux sociaux. "Je reçois souvent des commentaires par rapport a mon copain 'et il ne dit rien par rapport au fait que tu portes des maillots échancrés ?', 'Il ne dit rien quand tu portes une robe courte ?' 'Je n'aimerais pas que ma femme porte ces ongles longs et rouges'. Comme s'il en avait le droit. Comme si mon apparence était aussi sa responsabilité. Souvent, j’ai entendu qu’un garçon aussi "bien" n’avait rien à faire avec "une princesse" comme moi, et que je le tenais grâce au sexe et mon physique. Alors qu’au contraire ce qui lui a plu chez moi c’est ma culture générale, mes valeurs, mon empathie, entre autres."

Et ceux qui la connaissent réellement sont surpris de découvrir que Santa est bien plus que son physique : "On a souvent pensé de moi que j’étais belle, bête et méchante. Et on m’a souvent dit 'ah mais tu es super intelligente en fait', 'tu es cultivée, on dirait pas !'." Des clichés que la jeune femme met à mal. Pourquoi une femme très apprêtée serait forcément bête ? "J’ai toujours aimé prendre soin de moi oui, je ne suis pas fermée à la chirurgie ou la médecine esthétique, ce qui ne m’empêche pas d’aimer lire et d’avoir fait de longues études", détaille-t-elle avant de conclure : "Je le fais pour moi, ça me plaît, je me plais."

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Mia*, 17 ans, partage l'avis de Santa : "Le physique et l'intelligence ne sont pas à dissocier. Le problème ce n'est pas vraiment la façon dont vous êtes habillée, mais les gens comprennent difficilement que vous fassiez les choses d'abord pour vous et non pour "attirer" l'attention des autres. J'ai déjà subi des remarques quand je vais à la salle du genre 'tu fais ça juste pour attirer les hommes'."

"Je sais que par mon apparence, les hommes portent davantage un regard sur moi"

Et le noeud du problème est sans doute là. Car si Mia prend autant soin de son image, et avoue "être superficielle en particulier sur les réseaux", c'est justement pour avoir confiance en elle et non pour plaire aux hommes, que l'on a bien trop souvent tendance à ramener dans l'équation. "Je pense, qu'être sophistiquée permet d'avoir confiance en soi et donne de l'assurance, surtout en tant que femme", analyse-t-elle. Pour autant, Maya, Laura, Santa et Mia ont conscience que leur manière de s'émanciper colle aux codes genrés qui régissent encore la société patriarcale. Très féminines et apprêtées, elles poursuivent un idéal de beauté.

Or, c'est précisément ce que la société attend des femmes : qu'elles soient belles. "Je suis tout à fait consciente des stéréotypes, des préjugés que ça peut amener. Je ne suis pas traitée avec le même respect, apprêtée ou non. Mais qui sont-ils pour me juger ?", questionne Laura, qui assume son choix. Santa le concède : "Parfois, j’essaie de faire plaisir a mon copain quand on sort avec sa famille, ou qu’il m’emmène en week-end, j’adopte son style élégant et classique. Quand j’habitais à Paris, je me maquillais avec beaucoup de couleur et de paillettes, mais je me démaquillais avant de sortir pour ne pas être embêtée dans la rue. C'est aussi une preuve que j'explore mon style pour moi. Je pense qu’il faut laisser à chacun son libre arbitre et surtout ne pas donner aux femmes comme aux hommes un avis non sollicité sur leur physique. Il ne faut pas complexer celle qui veut plaire, celle qui plaît, celle qui ne veut pas plaire et celle qui ne plait pas." Maya abonde dans leur sens : "Je sais que du coup, par mon apparence, j’adopte en effet certains codes genrés de la société et que les hommes portent davantage un regard sur moi, j’en suis consciente. Mais pour moi, c'est eux le problème, moi je fais ça pour moi-même et je me sens bien comme ça."

Le physique que ces femmes ont choisi semble en réalité les avoir rendues plus fortes et les avoir aidées à ne pas tenir compte des commentaires désobligeants. Mia le confirme : "J'ai un tempérament qui fait que je fais ce que je veux, je connais mes limites et je suis soucieuse que mon partenaire les respecte. Vous savez, face aux gens qui vous font des remarques ou vous rabaissent, la seule solution, c'est de se relever et de leur prouver que vous êtes plus forte qu'eux."

*Le prénom a été modifié

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